La leçon de Vesper : développeurs, pensez d’abord au Mac avant iOS

Mickaël Bazoge |

Le carnet de notes minimaliste Vesper va s’éteindre d’ici le 15 septembre, mais dès le 30 août, il ne sera plus possible d’y synchroniser des données. La dernière — et ultime — version de l’application permet heureusement d’exporter notes et images (lire : Le carnet de notes Vesper écrit le mot fin). On peut télécharger gratuitement l’app pour s’en faire une idée, mais la création de comptes pour la synchronisation est désormais impossible.

Vesper a ceci de notable qu’elle a été développée par Q Branch, un petit studio composé de plusieurs personnalités du monde Mac : John Gruber, le célèbre blogueur (il est aussi à l’origine du langage Markdown) et Brent Simmons, concepteur du lecteur RSS NetNewsWire. Si le deuxième s’est contenté d’annoncer sobrement la fin du logiciel de notes, Gruber a livré ses impressions sur cette aventure débutée en 2012. Avec quelques conseils intéressants pour les apprentis développeurs.

Vesper a d’abord été pensée comme une application pour l’iPhone ; le plan de marche était ensuite de concevoir un système de synchronisation (qu’il s’appuie sur iCloud, Dropbox ou une solution maison), puis une app Mac suivie de la déclinaison pour iPad, et éventuellement une version en ligne. Cette feuille de route était « fondamentalement erronée », estime-t-il à la lumière de ce qui s’est finalement passé.

L’App Store est ainsi fait que le marché des applications de productivité est « trop difficile ». Seule une poignée de logiciels parviennent à gagner de l’argent en étant vendus sur la boutique d’iOS (Fantastical ou encore Tweetbot, par exemple). « Les applications iOS payantes sont l’exception, la norme étant aux apps gratuites avec des achats in-apps », constate le blogueur.

Si les choses devaient être refaites, elles l’auraient été bien différemment. C’est d’abord la version Mac qui serait sortie. Il existe certes une pression à la baisse sur les prix pour la plateforme OS X, mais il existe toujours un marché pour des logiciels coûtant entre 20 $ et 100 $. De fait, Q Branch aurait lancé la version Mac de Vesper en premier, au prix de 20 $ par exemple, puis la fine équipe aurait mis au point le moteur de synchronisation, puis la mouture iPhone et iPad, et enfin, peut-être, une version web.

Vesper est disponible sur iPad depuis février 2015.

L’idée centrale, et le nerf de la guerre, c’est bien évidemment de générer des revenus. Même sur un marché du Mac beaucoup plus réduit que celui de l’iPhone, Gruber estime qu’ils auraient gagné plus d’argent dans cette configuration (OS X d’abord, puis iOS), ce qui aurait permis de poursuivre le développement de l’application. Durant sa carrière, le logiciel était vendu en moyenne 5 $.

Le studio s’est de plus heurté aux difficultés inhérentes aux outils de développement d’Apple de l’époque : la conception de Vesper a débuté sous iOS 6 alors qu’iOS 7 a introduit non seulement une nouvelle interface, mais également des facilités pour le développement conjoint iPhone/iPad. En commençant par la version OS X, ce problème de timing aurait pu être évité, mais évidemment c’est plus facile à dire avec le recul.

La raison principale pour laquelle Vesper ne s’est pas vendue autant que leurs auteurs le désiraient, est simple : les clients potentiels voulaient que l’application puisse être utilisée sur Mac et sur iPhone. Gruber lui-même « trichait » en utilisant l’émulateur iOS sur son ordinateur… Enfin, il pense que Vesper aurait dû embrasser le modèle de l’abonnement : une application iOS gratuite, puis un forfait annuel (15 $ par an, par exemple) pour la synchronisation.

Depuis que l’app est proposée gratuitement, le volume de téléchargements est sans commune mesure. En quatre jours, Vesper a été plus téléchargée que pendant les trois années où elle était vendue. Voilà qui valide en partie la réflexion sur la gratuité des apps, même s’il faut derrière vendre des abonnements ou des micro-achats.

Une des réussites de Vesper est son moteur de synchronisation, très performant et efficace. Les auteurs sont en train de réfléchir à la possibilité de basculer ce système en open-source.

Il faut aussi s’interroger sur la pertinence de son application. Quelle plus-value apporte un logiciel de prise de notes aujourd’hui, alors que des outils gratuits comme Notes (Apple) sont disponibles ? Cela n’est pas sans rappeler la fermeture de plusieurs applications de gestion de photos qui n’ont pas les moyens de faire aussi bien que des éditeurs aux poches profondes (lire : Fermeture de Picturelife : « Il n'y a pas de place pour les petits acteurs »).

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