Aspyr : « SteamPlay nous a vraiment fait peur »

Stéphane Moussie |

« En l'espace de six mois, nous sommes passés d'une distribution quasi nulle — Apple limitait drastiquement les ventes de jeu en boîte —, à l'arrivée de deux poids lourds de la distribution en ligne. » Interrogé par Eurogamer, Aspyr est revenu sur les bouleversements qu'a entraîné l'arrivée du Mac App Store et de Steam à quelques mois d'intervalle.

L'éditeur spécialisé dans les portages de jeux PC fait preuve d'une belle longévité dans le milieu. Fondé en 1996 alors qu'Apple était dans le creux de la vague, Aspyr a survécu à la transition vers Intel et au passage au tout dématérialisé. L'éditeur, qui compte une cinquantaine d'employés, a depuis réussi à nouer des partenariats avec quelques-uns des plus gros studios, comme Activision et 2K.

Une vingtaine de jeux portés par Aspyr sont actuellement sur le Mac App Store

Les jeux publiés par Aspyr trustent régulièrement les premières places du Mac App Store. Les ventes sur la boutique d'Apple et Steam représentent la majeure partie de son chiffre d'affaires. Si les jeux bénéficient de l'exposition de ces deux plateformes bien installées, Aspyr n'a aussi aucun contrôle sur elles. Quand SteamPlay a été annoncé, l'éditeur l'a vu en premier lieu comme une menace. SteamPlay permet d'acheter une fois un jeu puis d'y jouer sur n'importe quelle plateforme. « Quand Valve a présenté le concept, ça nous a vraiment fait peur, reconnait Elizabeth Howard, vice-présidente d'Aspyr. Mais depuis nous avons vu que prendre part à SteamPlay et à l'écosystème Steam était très bénéfique. »

Aspyr réalise deux versions bien spécifiques d'un même jeu. La première doit parfaitement s'intégrer à Steam, en prenant en charge SteamPlay donc, mais aussi les fonctions sociales de la plateforme. La deuxième version est celle destinée au Mac App Store, qui doit fonctionner de concert avec le Game Center. Ce qui prend le plus de temps dans la création de ces deux versions différentes, ce sont les fonctionnalités multijoueurs. Sur Steam, le multijoueur de Mac à Mac fonctionne sans problème. C'est quand il faut faire entrer le PC dans l'équation que ça se complique. Pour que les joueurs Mac puissent s'affronter aux joueurs PC, il faut que le jeu soit au même niveau sur Windows et OS X, ce qui est source de retards.

Borderlands 2, un jeu SteamPlay porté par Aspyr

En passant sur le Mac App Store, un jeu doit se séparer de toute son implémentation multijoueur dédiée à Steam. Aspyr doit ensuite ajouter les outils d'Apple, et c'est là que le bât blesse. Le Game Center ne prend en charge que jusqu'à 4 personnes en multijoueur et ses fonctions réseaux sont limitées. Ces obstacles poussent parfois l'éditeur à retirer carrément un mode multijoueur d'un jeu, plutôt que de proposer quelque chose de trop bancal. Ces jeux amputés sont reconnaissables à leur suffixe « Campaign Edition » censé mettre en avant le fait qu'il s'agit avant tout d'un jeu solo, le mode « campagne » se jouant généralement seul. Civilization V en est un parfait exemple. Sur Steam, les joueurs Mac et PC peuvent s'affronter en ligne et en local. Sur le Mac App Store, Civilization V: Campaign Edition [1.3.4 – Français – 26,99 € – 4,91 Go – Aspyr Media, Inc.] permet uniquement de jouer en multi sur un réseau local.

Le rythme des mises à jour d'OS X qui s'est accéléré ces dernières années complique aussi un peu le travail de l'éditeur. Chaque nouvelle version inaugure son inévitable lot de bugs. Pour toutes ces raisons, Elizabeth Howard doute qu'Apple prenne au sérieux le jeu sur Mac. Pour elle, l'entreprise se concentre avant tout sur ce qui marche le mieux, l'iPhone et l'iPad. Elle souligne toutefois qu'Aspyr a pu travailler plus étroitement avec Apple au cours des dernières années, ce qui a permis de réaliser des portages de meilleure qualité.

La société n'est pas la seule sur le créneau des portages. Feral, qui n'a pas souhaité répondre aux questions d'Eurogamer, est son principal concurrent avec des licences prestigieuses comme Batman, Rayman et XCOM.

Il y a aussi l'atypique Red Marble Games, qui depuis sa création en 2002 a porté 65 jeux indépendants. Un seul homme est derrière Red Marble Games, Mark Batten, un avocat. Il porte de petits jeux sur son temps libre, par challenge et plaisir. Son jeu à lui en somme.

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