L'Union européenne grave dans le marbre le droit à la réparation et étend les garanties

Florian Innocente |

Le Parlement européen a adopté un ensemble de mesures pour le « droit à la réparation ». Il s'agit d'encourager les consommateurs à faire réparer un produit défectueux plutôt que d'en changer pour un neuf et d'imposer des obligations aux fabricants.

Le Parlement européen a adopté hier à une quasi-unanimité (584 voix pour, 3 contre et 14 abstentions) la directive du "Droit à la réparation". Avec comme objectif de réorienter les consommateurs et les fabricants vers la réparation en cas de problème plutôt que de remplacer par du neuf lorsque cela peut être évité.

Ces règles entendent d'abord accorder aux consommateurs une année de garantie en plus de la durée légale habituelle, s'ils décident de faire réparer leur produit. Concrètement, si un problème survient durant la période de garantie légale, et que le consommateur opte pour une réparation plutôt qu'un remplacement à neuf, sa garantie se verra prolongée de 12 mois. Ce qui ferait un total de 3 ans de couverture légale.

Image : Apple.

Lorsque la garantie légale expire, le fabricant sera tenu de réparer — dans la mesure où cela est techniquement possible — un produit courant (smartphone, tablette, appareil d'électroménager… la liste pourrait être étendue au fil du temps). Le consommateur sera en droit de demander un appareil de prêt pendant que le sien est en réparation, et s'il ne peut pas être réparé, il pourra opter pour un équivalent en version reconditionnée.

Les fabricants vont être tenus de proposer des pièces détachées et des outils à des « tarifs raisonnables » et il leur sera interdit « d'utiliser des obstacles contractuels, matériels ou logiciels à la réparation, tels que les obstacles à l'utilisation de pièces détachées d'occasion, compatibles et imprimées en 3D par des réparateurs indépendants, conformément à la législation applicable ». Interdiction également de refuser de faire une réparation au prétexte que le produit est déjà passé entre d'autres mains ou pour des raisons économiques.

Les fabricants devront également publier des informations sur le coût de leur service de réparation et le prix indicatif des opérations les plus courantes. Une plateforme européenne de réparation, avec des sections pour chaque pays de l'Union, va voir le jour pour recenser des réparateurs, ateliers spécialisés, associations, etc. Les spécialistes du domaine pourront s'y référencer afin de donner une visibilité à leur activité.

Les États seront tenus de prendre, au moins, une mesure de promotion de la réparation (bons de réparation, fonds pour la réparation ou soutien à des initiatives locales de réparation) et l'Union européenne pourra les aider financièrement. La France, par exemple, a déjà mis en place un bonus réparation pour participer aux frais d'une dépense de SAV. Une mesure qui peut être intéressante… sauf si les réparateurs sautent sur l'occasion pour augmenter leurs tarifs.

Les états membres ont maintenant deux ans pour inscrire cette directive dans leur réglementation nationale. Ces avancées ont été saluées par des représentants de consommateurs ou de réparateurs indépendants qui ont toutefois pointé quelques insuffisances.

Peut mieux faire

La coalition Right to Repair Europe en liste plusieurs. Parmi elles il y a le fait que ne sont pas pris en compte des produits achetés par des entreprises, uniquement par les particuliers. Et que d'autres catégories de produits manquent à l'appel, même si celles couvertes sont déjà variées (électroménager, informatique, smartphones, tablettes, etc.).

Crédit : Right to Repair Europe.

Pointé du doigt ensuite, le flou autour de la définition de « prix raisonnable » pour les pièces détachées. La coalition explique qu'à partir d'un certain seuil tarifaire, le consommateur ne sera pas intéressé par une réparation :

La plupart des gens n'envisageront une réparation que si le coût total de la réparation est inférieur de 30 à 40 % de la valeur du produit […] Pour que la réparation reste en dessous du seuil critique, il est raisonnable d'estimer que le prix des pièces détachées doit rester inférieur à 15/20 % du prix du produit.

Plus généralement, la coalition juge que le texte manque encore d'ambition pour changer les choses en profondeur, d'autant que les États ont deux ans devant eux pour le mettre en œuvre. Même son de cloche chez iFixit — par ailleurs membre de ce groupe — qui se félicite de l'interdiction de la sérialisation des pièces détachées :

C’est une très bonne nouvelle que l’Europe fasse un nouveau pas en faveur de la réparabilité. L’interdiction de l'appariement des pièces constitue une avancée significative, même si elle mérite d’être toutefois nuancée. En effet, certains fabricants pourraient invoquer des motifs de sécurité pour justifier cette interdiction, même si des marques comme Apple commencent timidement à s’y conformer.

La notion de prix demeure également un enjeu crucial bien que sa définition soit encore floue. Enfin, nous devrons nous assurer que les critères fixés garantissent des solutions de réparations accessibles à tous, ce que permettait l’indice de réparabilité français qui devrait s’effacer au profit de celui de la législation européenne.

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