Ticket dématérialisé : les mesures de la CNIL insuffisantes pour empêcher les publicités ?

Nicolas Furno |

C’est à compter d’aujourd’hui, 1er août 2023, que le ticket de caisse dématérialisé entre officiellement en action en France. Vous devrez désormais demander un ticket de caisse papier si vous en voulez un et les commerçants pourront également vous fournir une version numérique, transmise par le biais d’un code QR, envoyée par mail ou SMS ou encore ajoutée sur un compte client. La mesure prise dans un objectif écologique pourrait bien intéresser fortement les commerçants, mais pas pour les raisons que l’on imagine. En effet, ces tickets dématérialisés pourraient être une nouvelle opportunité pour multiplier les envois publicitaires en toute légalité.

Bientôt la fin des imprimantes de tickets ? (photo Salem (MA) Public Library (CC BY-NC-ND 2.0))

Pour rappel, la loi qui entre en vigueur a prévu plusieurs cas de figure lors d’un passage en caisse. Quelques achats resteront systématiquement associés à un ticket papier, les autres dépendront du choix du client qui pourra toujours demander du papier, refuser tout ticket de caisse ou opter pour une version numérique. Le cas échéant, cette version dématérialisée pourra être récupérée via un code QR affiché sur un écran ou bien transmise, soit par un SMS ou courriel si le client fournit directement son numéro de téléphone ou adresse mail, soit par le biais d’un compte client.

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En théorie, la CNIL veille à ce que la mesure ne soit pas une manière de multiplier les publicités non désirées. Mais comme l’explique Le Monde qui s’est entretenu avec des avocats spécialisés, cela pourrait être compliqué de l’éviter en pratique. Par exemple, un commerçant peut vous envoyer des publicités à l’adresse mail ou sur le numéro de téléphone que vous lui fournirez pour recevoir le ticket de caisse dématérialisé. De son côté, la seule exigence pour être dans les règles est de vous en informer par écrit lors de votre passage en caisse. Il lui suffirait d’ajouter un message à la dizaine déjà affichés à sa caisse pour être dans les règles et vous envoyer des publicités dans la foulée.

Si vous voyez ce message, vous pourrez en théorie signaler votre refus, mais l’échange oral ne laisse aucune trace. Même problème concernant la revente de vos données personnelles, qui nécessite un consentement explicite, mais qui peut n’être qu’oral. En d’autres termes, le commerçant peut demander lors du passage en caisse si vous acceptez la vente de vos données et votre acceptation orale suffit à ce qu’il soit en règle. Là encore, faute de trace écrite, comment éviter les abus ? Ce sera d’autant plus compliqué qu’il faut encore savoir quel commerçant a vendu vos données et donc contre qui se retourner en cas de litige.

C’est le problème des règles définies par la CNIL : elles peuvent aisément être contournées par les commerçants, quasiment sans aucun risque que cela ne leur retombe dessus à cause du consentement oral. Pour éliminer tout risque, mieux vaut privilégier les autres options à partir de maintenant : soit utiliser le code QR s’il est proposé, soit demander un ticket papier, qui ne pourra pas vous être refusé.

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