Chroniques numériques de Chine : Xiaomi, l’écosystème sans fin

Mathieu Fouquet |

Vous croyez connaître Xiaomi, le fabricant de smartphones chinois qui est en pleine bourre en France ? Notre correspondant Mathieu Fouquet révèle l'ampleur surprenante de Xiaomi en Chine dans une nouvelle chronique hors-série.

Alibaba, Didi, Tencent… Presque tous les géants chinois du numérique ont été au centre d’au moins l’une de nos chroniques.

Tous, sauf Xiaomi.

Oui, ce Xiaomi : cette même société qui est sans aucun doute l’une des plus visibles dans l’Hexagone, avec ses téléphones relativement abordables, son site en français et sa boutique flambant neuve sur les Champs-Élysées.

Contrairement à des services comme Alipay ou Taobao, indispensables en Chine mais encore exotiques en France, la gamme Xiaomi fait partie de cette vague de produits chinois qui ont réussi à se frayer un chemin au-delà de leurs frontières (excluons évidemment de cette catégorie les produits seulement fabriqués en Chine…).

La nuit, tous les Mi sont gris (ou orange). L’une des boutiques Xiaomi à Suzhou.

Pourquoi avoir donc ignoré si longtemps une telle pierre angulaire de l’édifice numérique chinois ? C’est qu’au fur et à mesure que l’on s’en approche, la perspective change et la pierre en question s’avère en réalité être une chaîne de montagnes. Xiaomi est prolifique en France ? Ce n’est rien en comparaison de l’omniprésence de cette société dans son pays natal, où il est presque impossible de dresser un inventaire de toutes les gammes de produits qu’elle propose.

Ordinateurs portables, cuiseurs à riz et mechas : bienvenue chez Xiaomi.

Pour une entreprise vieille d’à peine une décennie (Lei Jun, son CEO, l’a fondée en 2010), Xiaomi fait preuve d’une insatiable ambition. Si l’approche sélective d’Apple est désormais célèbre (se concentrer sur quelques chantiers clé, abandonner un projet si nécessaire, savoir dire « non »…), la philosophie xiaomiste est bien plus simple à résumer : YOLO.

L’écran d’accueil de l’application Xiaomi You Pin. C’est comme l’Apple Store en ligne, à part que l’on peut y acheter du mobilier, de l’électroménager et... à peu près tout, en fait.

Il suffit d'ailleurs de mettre un pied dans une boutique Xiaomi ou de lancer l’une de ses applications de cybercommerce pour comprendre que cette ambition ne se limite pas à l’informatique. À tel point qu’il serait presque plus rapide de faire la liste des catégories de produits que Xiaomi ne commercialise pas. Sa brosse à dents et sa bouilloire connectée fait sourire ? Que dire alors de ses sacs à dos, ses jouets pour enfants et ses… rétroviseurs ?

Je vous assure que tous ces produits sont en vente dans une seule et même boutique.

Bien entendu, tous les produits commercialisés par Xiaomi ne sont pas nécessairement inventés et fabriqués par la marque elle-même — même en Chine, le défi logistique et financier serait de taille. Xiaomi joue en fait le rôle d'incubateur et de distributeur pour de plus petites sociétés (Aqara, Yeelight…), tout en s'assurant que leurs produits s'intègrent esthétiquement et fonctionnellement au sein de son écosystème. D’un autre côté, quand le catalogue en question contient des ukulélés avec des oreilles de chat, on peine à imaginer une autre solution.

Et on va encore dire que j’exagère…

Mais ce qui rend Xiaomi véritablement incontournable en Chine, ce n’est pas tant la diversité absurde de ses produits que le quasi-monopole qu'elle détient sur certains segments du marché.

De ce point de vue, mon expérience personnelle est assez révélatrice : je n’ai absolument pas cherché à entrer dans l’écosystème Xiaomi, c’est plutôt lui qui s’est subrepticement invité dans ma vie. En 2016, juste après mon arrivée dans le pays, ma compagne m’expédie une petite batterie externe bon marché, dont le logo « Mi » qu’elle arbore fièrement est comme un présage des événements à venir. Sur le moment, je n’y prête aucune attention.

Quelques mois plus tard, nous achetons deux purificateurs d’air (ce qui, en Chine, n’est pas du luxe). C’est un marché où la concurrence ne manque pas, mais entre une machine Philips dans les 3 000 yuans (400 €) et un Xiaomi cinq fois moins cher, le choix n’en est pas vraiment un. Surtout pour ce qui n’est, essentiellement, qu’un boîtier contenant un ventilateur et un filtre.

Noël au Xiaomi Store : un beau sapin… et quelques produits domestiques connectés (en bas à gauche, les purificateurs d’air).

C’est cet achat qui a marqué mon entrée dans l’écosystème Xiaomi à proprement parler. Alors que ma batterie était un « bête » objet, le purificateur, lui, était connecté. Et qui dit objet connecté dit application pour le contrôler.

L’écran d’accueil de l’application Mi Home. Notez l’affichage légèrement bogué…
L’écran de contrôle du purificateur. On peut l’allumer ou l’éteindre et choisir son mode de fonctionnement : automatique, silencieux ou manuel. On préférera ce dernier mode — plus agressif — pour protéger ses précieux poumons.

Bien qu’elle ne soit pas obligatoire, l’application Mi Home permet de débloquer certaines fonctionnalités avancées du purificateur : allumage et extinction à distance (et automatique), contrôle plus précis de la quantité d’air brassé et affichage du nombre de particules fines dans l’air de la pièce (une information à laquelle il ne vaut mieux pas se fier, étant donné le capteur bon marché qui est intégré à l’appareil).

Sans grande surprise, Mi Home ne se contente pas de supporter ce seul produit, il suffit d’appuyer sur la petite icône « + » pour se rendre compte des possibilités. Caméras de sécurité, ampoules intelligentes, brosses à dents connectées…

Autant dire qu’il y a là de quoi se constituer une maison entièrement « xiaomisée » contrôlable depuis son téléphone… Mais encore faudrait-il vouloir mettre tous ses œufs dans le même panier et accorder une confiance aveugle à la société chinoise quant à la gestion de ses données personnelles. Autant dire que je n’en suis pas encore là.

Je ne sais pas pour vous, mais j’ai toujours rêvé d’un siège de toilettes intelligent. Question de priorités.

Je n’en suis pas encore là, mais je ne peux pas non plus nier que Xiaomi a parfois su me séduire. En septembre dernier, j’emménage dans un nouvel appartement et j’ai soudainement besoin d’une machine à riz. La suite se passe (presque) de commentaires…

Cuiseur à riz ou aperçu exclusif du Mac Pro 2019 ?

Alors que j’entretiens une méfiance naturelle envers les objets connectés, surtout dans le climat actuel, je me laisse néanmoins tenter par ce cuiseur pour une raison assez superficielle : c’est le seul à avoir un minimum d’allure. Une impression que je confirme d’ailleurs rapidement une fois que j’utilise l’objet dans ma cuisine. Le cuiseur de riz fait non seulement bien son travail, mais il le fait avec élégance.

C’est finalement peut-être ça, le plus surprenant : que cette jeune société sache parfois transcender sa réputation cheap et touche-à-tout pour proposer des produits d’une qualité impressionnante dans cette gamme de prix. Une société capable d’accoucher d’un produit électroménager que l’on pourrait presque imaginer estampillé d’une pomme est une société à suivre de près.

Le bracelet Xiaomi Band 3. 20 € en attendant une Apple Watch, ce n’était pas un gros investissement.

Et pour Apple, qui essaie avec plus ou moins de succès de mettre le doigt sur le pouls de l’ésotérique marché chinois, Xiaomi est en effet une société à suivre de très près.

Vous pouvez retrouver toutes les chroniques précédentes sur MacGeneration ainsi que sous la forme d’un livre numérique en vente sur Apple Books à 4,99 €. Le livre Chroniques numériques de Chine comprend donc les deux saisons, avec en plus deux chapitres exclusifs.

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