Le numérique, cet ogre énergétique s'alarme le CNRS

Florian Innocente |

Le numérique a fait fleurir un vocabulaire aérien comme "nuage", "virtuel" ou "immatériel" mais ces termes peinent à cacher une réalité plus prosaïque. La dématérialisation et l'échange de données exercent un poids bien quantifiable sur la consommation énergétique, rappelle un article paru dans le journal du CNRS.

Une tâche aussi commune que l'envoi d'un mail contenant une pièce jointe de 1 Mo (l'équivalent d'une photo prise avec un petit smartphone) « équivaut à l’utilisation d’une ampoule de 60 watts pendant 25 minutes, soit l’équivalent de 20 grammes de CO2 émis », donne en exemple Françoise Berthoud, informaticienne au Gricad (Grenoble Alpes Recherche – infrastructure de calcul intensif et de données).

Parmi les autres chiffres avancés, celui de la consommation mondiale d'électricité par le secteur des nouvelles technologies qui oscillerait entre 6 et 10 %. Cette tuyauterie, qui nous lie aux serveurs où sont stockées les informations que l'on consomme, n'a rien de passive. Comme peut l'être une voie de circulation Elle est émaillée d'équipements qui (sur)consomment 24h/24, note Anne-Cécile Orgerie, chercheuse en informatique à l’Institut de recherche en informatique et systèmes aléatoires (lire aussi Que se passe-t-il quand vous appuyez sur lecture dans Netflix ?).

Les panneaux solaires du centre de données d'Apple au Nevada

Une situation qui a son équivalent jusque dans les foyers des utilisateurs. Les routeurs Wi-Fi et autres box internet, plus gourmands qu'on ne l'imagine, ne sont pas conçus pour s'éteindre la nuit ou en journée lorsque personne n'est là pour les solliciter.

On peut même parier que cela ne va pas aller en s'améliorant alors que les maisons se remplissent peu à peu d'équipements domotiques qui ont besoin d'une connexion internet quasi constante pour rester en communication avec nos smartphones.

Les grands de la high tech insistent aujourd'hui sur leurs efforts pour alimenter leurs centres de données en énergies renouvelables. Anne-Cécile Orgerie, suggère que cela n'a rien d'une solution ultime, elle fait écho au "paradoxe de Jevons" qui veut que l'optimisation de l'utilisation d'une ressource pousse à l'exploiter encore davantage : « plus on optimise les systèmes – la mémoire, le stockage, etc. –, plus on favorise de nouveaux usages » et les data centers et autres équipement en bout de route ont encore moins de raisons de se mettre sur pause.

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