Publicité, confidentialité : les opérateurs et les services web sur un même pied d'égalité ?

Mickaël Bazoge |

Les opérateurs télécoms européens sont depuis des années en colère. Ils se font manger la laine sur le dos par les éditeurs de logiciels VoIP et autres messageries instantanées, et en plus ces derniers ne sont pas soumis aux mêmes réglementations de l’UE. La Commission européenne a fini par entendre ces récriminations : Bruxelles prévoit en effet une extension des règles qui régissent le secteur des télécoms à ces nouveaux acteurs, raconte Reuters.

Orange a expliqué à l’UE qu’« au contraire des telcos, les services en ligne sont des acteurs mondiaux à qui l’on permet d’exploiter commercialement les données de trafic et de localisation qu’ils collectent ». Facebook (WhatsApp, Messenger), Microsoft (Skype) et Google (Hangouts, et plus tard Allo) ont aussi eu voix au chapitre, évidemment dans le camp opposé aux opérateurs télécoms.

Parmi les objectifs de la directive « vie privée et communications électroniques » (ePrivacy), publiée en 2002 et qui lient les opérateurs télécoms, on trouve l’interdiction de conserver les données de trafic et de localisation, ainsi que l’obligation de protection des communications des utilisateurs.

On voit bien les difficultés que rencontreraient certains éditeurs comme Facebook ou Google, qui font de l’exploitation des données le cœur de leur modèle économique. Si demain ces éditeurs devaient respecter les mêmes contraintes que les telcos, il leur serait bien difficile de générer des revenus publicitaires.

L’autre volet concernant la sécurité des données risque cette fois d’embarrasser Apple. Car si la directive demande aux opérateurs de protéger les communications de leurs clients, ils doivent aussi s’arranger pour permettre aux agences de sécurité, à la police et à la justice d’accéder à ces communications. Or, avec le chiffrement bout à bout dans Messages, Apple est dans l’impossibilité technique de se plier aux demandes des autorités – à moins de créer une porte dérobée, ce que le constructeur refuse pour éviter les risques de piratage à grande échelle des données de ses utilisateurs. Avec WhatsApp, dont les communications sont elles aussi chiffrées, Facebook est dans la même situation.

Les entreprises estiment donc qu’il n’est pas utile d’étendre à leurs logiciels et services les règles qui s’imposent aux telcos. Facebook a déclaré qu’il ne serait plus en mesure de « garantir la sécurité et la confidentialité des communications avec le chiffrement ». Le débat va se poursuivre et sans doute s’amplifier : la Commission proposera un aménagement de la directive d’ici la fin de l’année. Petit espoir pour les éditeurs : une des porte-parole de l’exécutif européen a indiqué qu’il n’était pas forcément nécessaire de traiter tous les services de communication de la même manière.

Ce débat européen intervient en tout cas à un moment opportun, alors que Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur, veut pousser une initiative franco-allemande contre les messageries chiffrées.

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