Microsoft : l’Apple des années 2000 ?

Christophe Laporte |

La perception de Microsoft de la part des utilisateurs Mac a fondamentalement changé ces dernières années. Longtemps, Redmond a été considéré comme le grand ennemi d'Apple. On ne reviendra pas sur la rivalité des entreprises durant les années 80, celle entre Steve Jobs et Bill Gates, la trahison autour du système d'exploitation du Mac…

Tout cela, c'est de l'histoire ancienne. Tim Cook l'a d'ailleurs récemment exprimé à sa manière : « Il y a plus de choses sur lesquelles Apple et Microsoft peuvent être partenaires que concurrents. Je ne suis pas pour garder des rancunes. Nous allons tous disparaître un jour. Vous devez avoir autant d'amis que possible. Je pense que c'est ce que les entreprises veulent que l'on fasse ». Il y a des paroles, mais il y a des actes également.

Après tout, pour lancer l'iPad Pro, Apple a eu recours à son vieil ennemi qui a fait une démonstration assez convaincante de sa suite logicielle. On l'a évoqué à plusieurs reprises, mais on se demande à quel point Microsoft ne rend pas service à ses produits matériels en réalisant d'excellents logiciels sur d'autres plateformes (lire : Quand Microsoft est le laboratoire R&D d'Apple).

Si la perception des dirigeants d'Apple a changé depuis quelque temps déjà vis-à-vis de Microsoft, il en est de même pour les utilisateurs de longue date des produits Apple. Déjà à la sortie de Windows 8, beaucoup se félicitaient du chemin original pris par Redmond. Malheureusement pour le géant du logiciel, le succès ne fut pas au rendez-vous. Au contraire même…

Microsoft a souvent de bonnes idées, mais elle sait rarement les exécuter à la perfection. Steve Jobs résumait cela à sa manière : « Microsoft has no taste ».Reste que depuis quelques années, celui qu'on présentait souvent comme le géant du logiciel a compris qu'il devrait prendre son destin entre ses mains pour exister à l'heure du post-PC : lancement de la Microsoft Surface, acquisition (avec le succès que l'on sait) de la division mobile de Nokia…

Ce nouveau Microsoft, on l'a vu à l'œuvre pendant deux heures à l'occasion d'un keynote où ont été (re)présentés successivement Hololens, le Band 2, les derniers Lumia, la Surface Pro 4 et le Surface Book.

Bien malin qui saura prédire le succès commercial de ces produits. Mais Microsoft cherche à sortir des sentiers battus et se donne l'image d'une société qui innove avec par exemple Hololens, le casque qui mêle réalité virtuelle et réalité augmentée, ou encore Continuum, qui fait du smartphone l'objet électronique ultime puisqu'il fait office d'ordinateur quand il est relié à un boîtier spécifique. Le Surface Book a aussi fait forte impression.

D'une certaine manière, le contraste est saisissant avec Apple qui, hasard du calendrier, se retrouve dans un tout autre univers en lançant son Apple Watch Hermès. De quel côté penche vraiment l'innovation ? On peut être admiratif du changement de cap de Microsoft. Même John Gruber, ardent défenseur d'Apple, adressait ses félicitations à Microsoft pour le Surface Book. Après, il faut garder à l'esprit que Microsoft reste Microsoft. Beaucoup estiment que chez Apple, on n'a pas toujours suffisamment de choix. Microsoft a toujours été l’exact contraire .

La position de Microsoft fait penser à celle d'Apple au début des années 2000. Les nouveautés sont intéressantes, mais on attend toujours le premier produit qui fera tilt auprès du consommateur. Pour Apple, cela avait été l'iPod. Et le succès de l'iPod avait fini par rejaillir sur le Mac.

Alors, à quand le premier best-seller Microsoft de l'ère post-PC ? Si Apple avait incontestablement profité du succès de son baladeur, ses ordinateurs avaient également commencé à susciter de l'intérêt, car il y avait à l'époque un rejet de Windows (et de ses virus, de son instabilité…) de la part du grand public.

Tout cela demande beaucoup de patience, un peu de chance et la faculté de humer l'air du temps. Entre le moment où Apple a recommencé à faire des produits intéressants et à les vendre « par palette », il s'est passé plusieurs années.

L'innovation dans un cul-de-sac ?

En attendant, Microsoft tente d'innover dans un segment dont on se demande si ce n’est pas un cul-de-sac. Steve Jobs était persuadé qu'il y avait un espace entre le smartphone et l'ordinateur. Avec le recul, cet espace semble être beaucoup plus étroit qu’on pouvait le penser.

Apple et Microsoft ont un point commun : ils se sont beaucoup investis sur ce créneau. Ils ont donné lieu à des produits intéressants. Après tout, il y a quelques mois, nous écrivions que l'iPad Air 2 était le meilleur produit d'Apple. C'était peut-être le meilleur produit à l'époque, mais face à l'iPhone, les ventes ne pèsent pas lourd. Ce n'est pas un hasard si Apple a « oublié » de mettre à jour l’iPad Air 2.

Finalement, cette troisième voie ne parvient pas à se débarrasser de la tutelle du smartphone et de l'ordinateur. Et c'est là tout le problème… Et on a du mal à croire (mais on veut bien se tromper) que l'iPad Pro ou le Surface Book viendront changer ce rapport de force.

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