Pour le patron du FBI, Apple et Google vont trop loin dans la protection des données

Mickaël Bazoge |

James Comey, le directeur du FBI, nourrit des inquiétudes concernant le renforcement de la sécurité des données confidentielles dans les produits mobiles d'Apple et de Google. « Je crois que personne ne devrait être au-dessus des lois », a t-il expliqué à des journalistes. « Ce qui m'inquiète, c'est le marketing de ces entreprises [Apple et Google] qui dit explicitement que les gens peuvent se placer au-dessus des lois ». Du côté de Cupertino, on a assuré la semaine dernière qu'Apple ne conservait plus les clés de chiffrement pour les terminaux sous iOS 8, ce qui ne lui permet plus de mettre la main sur le contenu des appareils, y compris dans le cadre d'une requête policière (lire : Confidentialité des données : Tim Cook et Apple s'engagent à plus de transparence).

James Comey.

« Il n'est techniquement pas possible pour nous de répondre aux mandats du gouvernement d'extraire les données d'appareils en sa possession, fonctionnant sous iOS 8 », peut-on lire sur le nouveau site consacré à la confidentialité des données. Apple y explique aussi qu'« au contraire de nos concurrents, [nous] ne pouvons contourner votre mot de passe et par conséquent, accéder à vos données ». Cette décision, suivie par Google qui a annoncé qu'Android L allait également chiffrer toutes les données par défaut, a été prise après que la Silicon Valley dans son ensemble ait dénoncé à plusieurs reprises le peu de considération avec laquelle le gouvernement US traitait la confidentialité des utilisateurs de produits mobiles.

James Comey comprend ce besoin de respect de la confidentialité, mais il ajoute qu'il peut être vital pour le gouvernement d'accéder au contenu d'un smartphone, en cas d'attaques terroristes ou de kidnapping. « J'apprécie et je crois beaucoup dans le fait que nous devions obtenir un mandat d'un juge indépendant pour accéder au contenu du placard ou du smartphone de quelqu'un. L'idée même que quelqu'un puisse commercialiser un placard qui ne pourrait jamais s'ouvrir — même dans le cas d'un kidnapping d'enfant ou le jugement d'un tribunal — n'a aucun sens pour moi ».

« Le jour viendra », poursuit Comey, « où il sera très très important pour les vies des gens que nous puissons être capable, avec l'autorisation de la justice, d'avoir accès [aux informations contenues dans l'] appareil d'un kidnappeur, d'un terroriste ou d'un criminel ». Le FBI a d'ailleurs discuté du sujet avec Apple et Google, notamment sur le marketing sur la protection des données privées, utilisé par les deux entreprises. Sans les convaincre d'assouplir leur communication, visiblement.

Faut-il voir dans toute cette affaire, et dans les déclarations du patron du FBI, un remake de l'arroseur arrosé ? Les organismes de sécurité américains (le reste du monde n'est pas en reste) ont largement tiré profit jusqu'à maintenant de la relative légèreté des éditeurs de systèmes d'exploitation et des constructeurs d'appareils mobiles. Il a fallu les révélations d'Edward Snowden pour s'apercevoir à quel point il était facile pour la NSA d'exploiter des informations censées être protégées des oreilles indiscrètes. « Dans ce monde post-Snowden, je comprends qu'il y ait un retour de balancier. Ce qui m'inquiète, c'est que le balancier soit allé un peu trop loin dans l'autre sens », s'inquiète Comey.

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