OKCupid manipule aussi la pâte humaine

Mickaël Bazoge |

Les sites web, en particulier ceux qui se basent sur les interactions sociales, ne cessent de plonger leurs utilisateurs dans des études permettant de mesurer l'impact de tel ou tel stimulus virtuel — et c'est toujours ou presque au corps défendant de l'abonné, les services web se contentant de prévenir l'utilisateur a posteriori… ou pas du tout. Début juillet, Facebook était dans le collimateur suite à la révélation d'une étude impliquant la manipulation des émotions. La controverse a abouti à un effort de transparence de la part du réseau social (lire : Facebook : un open bar pour les expériences psychologiques), mais pas à l'arrêt de ce type d'études.

Le service de rencontres OKCupid, très populaire en Amérique du Nord, annonce lui aussi la couleur. Christian Rudder, le co-fondateur du site, l'annonce tout de go et sans ambages sur le blog de l'entreprise : « Nous expérimentons sur les êtres humains ! » Il revient sur la mésaventure de Facebook, pour l'excuser : « Si vous utilisez internet, vous êtes le sujet de centaines d'expérimentations n'importe quand, sur n'importe quel site. C'est ainsi que les sites web fonctionnent ». Rudder livre ensuite les conclusions de trois études menées sur le site ces dix dernières années; si les deux premières procèdent surtout de l'analyse de statistiques, la dernière implique directement des utilisateurs, qui ont servi de cobayes « à l'insu de leur plein gré ».

Cette expérience a consisté à manipuler les scores des « matchs » : le site a proposé aux utilisateurs des profils pratiquement parfaits (plus de 90%) alors que ces derniers n'étaient en réalité que de 30%. Sans surprise, les abonnés-cobayes ont envoyé plus de messages de présentation à ce type de profils, à qui ils n'auraient normalement pas écrit étant donné leur « incompatibilité ». Mieux, l'inversion du pourcentage a aussi augmenté le nombre de messages entre les deux profils, favorisant la possibilité d'une rencontre. Les chiffres donnés par OKCupid restent cependant assez limités : jouer avec la compatibilité des profils n'a pas provoqué de changements radicaux dans les habitudes des utilisateurs (seuls 20% des utilisateurs du site affichant 90% de compatibilité s'écrivent).

Au delà de cette étude, OKCupid confirme, s'il en était besoin, que ce type d'enquête impliquant la participation forcée des utilisateurs de services en ligne est monnaie courante. Si le site précise que les cobayes ont été ensuite prévenus du subterfuge, il n'indique pas si ces enquêtes sont visées par un comité d'éthique, comme Facebook s'est engagé à le faire.

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