Tim Cook, le fin diplomate qui mène la barque d'Apple dans la tempête Trump

Mickaël Bazoge |

Tim Cook a su se frayer un chemin au milieu du panier de crabes de la Maison Blanche, malgré un président cyclothymique aux opinions radicalement opposées aux siennes. C'est grâce à un coup de fil, arrangé par Jared Kushner le gendre de Donald Trump, que le CEO d'Apple est parvenu à arracher un délai sur l'imposition de taxes douanières sur l'iPhone : elles devaient s'appliquer au 1er septembre, finalement elles attendront le 15 décembre, après le rush des fêtes de fin d'année.

Tim Cook et Donald Trump, c'est un peu l'alliance de la carpe et du lapin. Et pourtant, à force de coups de fil, de rencontres dans le bureau ovale et de dîners, le patron d'Apple a su gagner les faveurs du président républicain. Donald Trump parle de Tim Cook comme d'un ami et loue régulièrement ses qualités d'homme d'affaires.

Le Wall Street Journal, qui décrit la relation entre les deux hommes, indique même que Trump a appelé Cook pour lui souhaiter un bon Thanksgiving. On se rappelle aussi du sobriquet donné par Trump à Cook, qui l'avait appelé par inadvertance « Tim Apple » (lire : Chaudement remercié par Donald Trump, « Tim  » change le nom de son profil Twitter).

« C'est un super dirigeant », a dit Trump. « Les autres vont embaucher des consultants très chers. Tim Cook [m'appelle] directement ». Le fait est que le CEO d'Apple est à peu près parvenu à éviter les foudres du président américain, alors que d'autres ont subi les colères de Donald Trump et ses décisions qui allaient à l'encontre de leurs principes. Kevin Plank (Under Armour), Elon Musk et Travis Kalanick (Uber) ont dû démissionner de différents comités de conseil à la présidence en raison de désaccords avec la Maison Blanche.

Bien sûr, les relations entre Trump et Cook peuvent basculer en un tweet assassin, mais selon les observateurs de la chose politique à Washington rencontrés par le WSJ, à court terme cela paraitrait étonnant. La procédure de destitution engagée récemment par les démocrates ne devrait pas changer les choses, ni les prises de position du patron d'Apple (lire : Face à Trump, Apple redit son soutien aux immigrés Dreamers).

Très tôt dans la présidence Trump, le président américain a voulu rencontrer les dirigeants de la Silicon Valley. C'est durant une de ces réunions que Tim Cook a tissé les fils d'une relation plus personnelle avec le locataire de la Maison Blanche. Il a notamment expliqué que la valeur de l'iPhone venait principalement du design et de l'ingénierie, des tâches principalement conçues aux États-Unis par des travailleurs très qualifiés et bien payés. En Chine, où se déroule l'assemblage des produits, les salaires sont bien moins élevés : de quelle manière ces emplois chinois pourraient-ils être bons pour les travailleurs américains, a soulevé Tim Cook.

Le 25 avril 2018 à la Maison Blanche.

Le CEO a aussi indiqué qu'une guerre commerciale avec la Chine serait un « gros problème » pour les grandes entreprises américaines comme Apple. Donald Trump, qui a mis en place ses taxes douanières et réclame régulièrement la relocalisation aux États-Unis des usines chinoises, a toutefois apprécié l'approche de Cook. Lui et Jared Kushner ont senti que le patron d'Apple était quelqu'un avec qui il est possible de travailler.

Ivanka Trump, la fille du président américain et épouse de Jared Kushner, aurait même demandé l'aide de Tim Cook pour qu'il parle à son père de l'accord de Paris sur le climat. Ça n'a rien changé, puisque évidemment Donald Trump a décidé de claquer la porte. Mais cela montre le « soft power » de Tim Cook au sein de la Maison Blanche.

Pour les élections de mi-mandat l'an dernier, quasiment 97% des employés ayant fait des dons à des candidats ont donné au parti démocrate. Et Tim Cook a soutenu Hillary Clinton durant l'élection présidentielle en 2016. Mais aussi étonnant que cela puisse paraître en raison du penchant libéral d'Apple, Tim Cook a donc usé de ses talents de diplomate et de son entregent pour faire entendre sa voix et celle de son entreprise auprès de l'administration Trump. Ça ne marche pas toujours — il y aura bien des taxes sur certains composants du Mac Pro —, mais au moins Apple est entendue.

Tim Cook joue si finement ses cartes avec Trump qu'on peut se demander s'il sera aussi à l'aise avec un ou une futur(e) président(e) démocrate, si d'aventure la balance du pouvoir venait à changer à Washington l'année prochaine !

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