Tarifs douaniers : comment une décision de Trump pourrait faire augmenter le prix des produits Apple

Anthony Nelzin-Santos |

Le candidat Donald Trump a répété « America first » pendant toute sa campagne, le président Donald Trump a présenté hier un projet d’augmentation des droits de douane sur les importations de métaux. Dès la semaine prochaine, les importations d’acier seront taxées à 25 %, et celles d’aluminium à 10 %. Une mesure qui pourrait faire augmenter le prix de nombreux produits — y compris les smartphones, tablettes, et autres ordinateurs.

Face à l’opposition de son propre parti, et plus généralement de la majorité des acteurs économiques, le président américain est passé en force grâce à une disposition d’une loi sur la « sécurité nationale ». « Les gens n’ont pas idée de la manière dont notre pays a été maltraité par les autres pays », a-t-il déclaré, « ils ont détruit l’industrie de l’acier, ils ont détruit l’industrie de l’aluminium, et d’autres industries aussi, franchement. »

L’industrie sidérurgique américaine emploie cinq fois moins de personnes que dans les années 1950, et produit un tiers moins d’acier qu’au début des années 1970. Cette chute s’explique moins par la concurrence internationale que par le développement de nouvelles technologies de production, l’augmentation du recyclage, et la faiblesse de la demande intérieure. De fait, les États-Unis restent le troisième producteur mondial d’acier brut, et le sixième de fonte brute.

Un fournisseur américain d’Apple. Image Apple.

Trump assure pourtant que cette mesure protectionniste permettra le retour de nombreux emplois dans l’industrie. « Vous allez voir plein de bonnes choses arriver » promet-il, et garantit que cette augmentation resterait en vigueur « pendant longtemps ». Orrin G. Hatch, sénateur républicain de l’Utah et président de la Commission des finances du Sénat, parle pourtant « d’une augmentation des taxes dont les Américains n’ont pas besoin et ne peuvent se permettre. »

Sans parler d’éventuelles guerres commerciales qui pourraient avoir des conséquences majeures sur la santé de l’économie américaine, et même mondiale, il faut s’attendre à une augmentation du prix de certains produits finis. Le secteur de l’informatique devrait être touché comme les autres — et particulièrement Apple, qui fait un usage disproportionné de l’acier et surtout de l’aluminium.

D’une manière très naïve, on pourrait croire que l’effet de cette augmentation des tarifs douaniers n’aura aucun effet sur le prix — disons — d’un iPhone, puisqu’il n’est pas fabriqué aux États-Unis. (Et que les produits finis ne sont pas concernés par les annonces de Trump, du moins pas pour le moment.) Ce serait oublier que de nombreux composants de l’iPhone sont fabriqués sur le sol américain à partir d’acier ou d’aluminium. Or plus du quart de l’acier et de l’aluminium utilisés aux États-Unis sont importés, comme le sont 99 % de la bauxite nécessaire à la production nationale d’aluminium.

Un fournisseur d’Apple à Dallas. Image Apple.

Certes, le gros du châssis de l’iPhone est produit en Chine avec des matériaux chinois. Mais tout ou partie des connecteurs d’Amphenol et de Molex ; des puces de Broadcom, d’Intel, de Linear Technology, de Maxim Integrated, de Microchip, d’ON Semiconductor, de Qorvo, de Skyworks Solutions, de Texas Instruments ou de Vishay Intertechnology ; et des verres aluminosilicatés de Corning ; sont produits aux États-Unis avec une partie de matériaux importés. À quelques grammes de métal par iPhone, l’ampleur de l’augmentation devrait se limiter à quelques centimes, et sera absorbée par Apple.

Mais le prix du produit fini ne reflète pas seulement le coût de fabrication : le renchérissement de l’acier et de l’aluminium, c’est le renchérissement de la construction d’un data center ou d’une boutique, le renchérissement des machines-outils et des murs les protégeant, le renchérissement des camions et des avions transportant les produits. Autant de facteurs qui pourraient pousser certains fournisseurs d’Apple à construire de nouvelles usines… en Europe ou en Asie.

Surtout, l’annonce de Trump ne manquera pas d’exacerber les tensions et rapprocher le monde d’une « guerre commerciale », le mot a été lâché par Bruno Le Maire, le ministre français de l’Économie. Fleuron de l’économie américaine, Apple aurait à souffrir d’un renforcement des droits de douane, d’un affaiblissement des accords commerciaux, et plus largement de la défiance envers les États-Unis.

La coupe de poutrelles d’acier dans le data-center d’Apple à Reno. Image Apple.

L’association chinoise des producteurs d’acier parle « d’une décision protectionniste stupide », et l’ancien vice-ministre du Commerce Wei Jianguo menace d’une guerre commerciale ouverte « si Trump persiste ». La Chine exporte peu d’acier ou d’aluminium vers les États-Unis : l’acier provient d’abord du Canada, du Brésil, de Corée du Sud, du Mexique et de Russie, tandis que l’aluminium provient majoritairement du Canada.

Le ministre canadien du Commerce international, François-Philippe Champagne, se contente de juger « inacceptable » toute hausse des tarifs douaniers, avec le soutien des producteurs américains qui appellent à une exemption de taxes sur les métaux canadiens. Les avertissements de Pékin ne sont toutefois pas vains : le prix de l’acier dépend largement du niveau de production chinois, sur lequel le gouvernement peut directement influer.

Surtout, la Chine est le premier producteur mondial d’étain et de tungstène, et l’un des principaux producteurs de lithium et de tantale. Le gouvernement chinois pourrait rétorquer avec des mesures sur ces matériaux relativement rares et chers, indispensables à l’industrie informatique, qu’une vingtaine de sociétés américaines raffinent pour les besoins d’Apple et de ses partenaires. Avec un effet beaucoup plus direct sur l’étiquette des produits.

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