Tim Cook : « nous avons la patience d'attendre que quelque chose soit génial avant de le lancer »

Stéphane Moussie |

« J’ai seulement eu de bonnes années, sérieusement. » Dans une interview accordée mi-janvier à Fast Company et publiée aujourd’hui, Tim Cook s’exprime sur la perception d’Apple et ses priorités.

« Même lorsque les recettes ont ralenti — on parle de 6 milliards de dollars par an —, il s’agissait d’années incroyablement bonnes parce que vous pouviez commencer à sentir en interne la bonification du pipeline de produits. À l’extérieur, les gens ne pouvaient pas voir ça », explique le CEO.

Après une poignée d’années sans produits tout nouveaux, Apple a envoyé la sauce dernièrement avec les AirPods, l’iPhone X ou encore le HomePod. Fast Company, qui a désigné la Pomme entreprise la plus innovante de 2017 pour cette raison, fait remarquer qu’Apple est parfois précurseure, comme avec Face ID, mais aussi parfois suiveuse, comme avec le HomePod.

« Je ne dirais pas que l’on “suit” », réfute Tim Cook. « Je n’utiliserais pas ce mot parce qu’il implique que nous attendrions de voir ce que quelqu’un d’autre fait. Ce n’est pas ce qui se passe. Nous démarrons les projets des années avant qu’ils ne sortent », souligne-t-il.

Vous pourriez prendre chacun de nos produits — iPod, iPhone, iPad, Apple Watch —, ils n’étaient pas les premiers, mais ils étaient les premiers modernes, pas vrai ?

Dans chacun de ces cas, je suppose que nous avons commencé longtemps avant les autres, mais nous avons pris notre temps pour faire les choses comme il faut, parce que nous ne voulons pas utiliser nos clients comme des cobayes. Je pense que nous avons une patience unique. Nous avons la patience d’attendre que quelque chose soit génial avant de le lancer.

Un discours exact pour les appareils qu’il cite, moins pour le HomePod, qui était au centre de la question. Les enceintes Sonos existaient bien avant qu’Apple ne démarre le développement du HomePod il y a six ans. En revanche il faut reconnaître que Sonos ne s’est intéressé aux commandes vocales qu’à partir de l’incursion d’Apple et Google sur le marché.

Quant au fait qu’un produit n’est commercialisé que quand il est génial, le HomePod est certes complet sur le plan matériel, mais au niveau logiciel il manque encore la stéréo et le multi-room.

Le HomePod à la WWDC 2017.

Tim Cook le reconnait ensuite, il y a des échéances incontournables. Sur le plan matériel, ce sont les puces qui sont les éléments déterminés les plus longtemps à l’avance. Les premières décisions les concernant sont prises trois ou quatre ans avant la commercialisation du produit complet. « Donc il y a des choses sur lesquelles nous travaillons actuellement qui ne sortiront pas avant les années 2020 », glisse Tim Cook.

Cela étant, il faut aussi une certaine flexibilité pour prendre en compte les progrès qui arrivent en cours de route. « Il doit y avoir un équilibre. Si nous essayions d’avoir cette flexibilité au niveau du silicium, nous ne sortirions jamais de produit », expose-t-il.

Un produit est comme un train. Le train quitte la gare, et si vous avez une super idée après son départ, elle va dans le train suivant.

Il y a aussi d’autres choses qui fixent des échéances, comme les événements, poursuit Tim Cook en faisant référence à la WWDC en juin et à la conférence de rentrée. Mais il persiste, « en définitive la question est “est-ce que le produit est génial ?” “est-ce que c’est prêt ?” Si ce n’est pas le cas, nous le remettons à plus tard. »

Ce qui compte plus que tout pour Apple, « ce sont toujours les produits et les gens », martèle Tim Cook. Et de se souvenir que dans une de ses anciennes entreprises (soit IBM, soit Compaq), les aspects financiers de chaque activité étaient surveillés à la loupe. Ça ne marche pas comme ça à Cupertino, assure le CEO : « le cours de l’action, c’est un résultat, pas un objectif en soi. »

Il prend l’exemple d’Apple Music. Apple ne s’est pas lancé sur le marché du streaming musical pour l’argent, il est difficile d’être bénéficiaire dans ce domaine comme le montrent les résultats financiers de Spotify. Apple l’a fait pour que les artistes soient mieux rémunérés — c’est le combat de Jimmy Iovine — et parce que la musique fait partie de la vie de tout le monde. « Je pense que c’est plus efficace que n’importe quel médicament », s’emporte même Tim Cook.

Il souligne également qu’Apple pourrait faire plus de choses que par le passé parce qu’elle est « un peu plus grosse » — un euphémisme —, mais reste concentrée sur celles qui comptent. « Vous pourriez mettre tous nos produits sur cette table. Je doute que les autres groupes qui se rapprochent de nos revenus puissent en dire autant », fait-il valoir.

Finalement, il estime que certaines personnes ne comprennent pas qu’Apple est différente des autres entreprises technologiques :

Une personne versée dans la finance qui regarderait juste nos recettes et nos bénéfices pourrait se dire “ils sont bons pour faire de l’argent”. Mais ça n’est pas ce que nous sommes. Nous sommes un groupe de gens qui essayent de changer le monde pour le mieux, c’est ce que nous sommes. Pour nous, la technologie est en toile de fond. […] Nous nous occupons du matériel et du logiciel, et de certains services clés également, pour fournir un système complet. Nous faisons cela de telle manière à y insuffler de l’humanité. Nous prenons nos valeurs très au sérieux et nous voulons nous assurer que tous nos produits reflètent ces valeurs.

Accédez aux commentaires de l'article