Tim Cook : « je crains les gens qui pensent comme des ordinateurs »

Anthony Nelzin-Santos |

Tim Cook s’est adressé aux étudiants fraîchement diplômés du MIT, dans l’une de ces commencement address typiquement américains. Sur le campus de Cambridge, le CEO d’Apple est revenu sur ses premières années à Cupertino et s’est interrogé sur le rôle des technologies dans la société. Mais a commencé par une blague :

Je sais qu’une longue tradition de canulars, ce que vous appelez des hacks, perdure au MIT. Vous en avez monté quelques-uns plutôt fameux au fil des années. Je ne comprendrai jamais comment des étudiants du MIT […] ont visiblement pris le contrôle du compte Twitter du président [Trump]. Je vois bien que des étudiants sont à la manœuvre, parce que la plupart des tweets sont publiés à 3 heures du matin.

L’atmosphère détendue, Tim Cook a déroulé le fil rouge de son discours. « Quel est mon objectif ? », voilà une question que se posent de nombreux étudiants à l’issue de leurs études, une question qui donne aux invités des universités l’occasion de revenir sur leur carrière. Le CEO d’Apple n’a pas dérogé à la règle :

« Quel est mon objectif ? » Je vais être honnête, je me suis posé la même question, et il m’a fallu presque quinze ans pour trouver la réponse. […] Je suis allé à la recherche de cette réponse à l’université de Duke. J’ai essayé la méditation. J’ai puisé des conseils dans la religion. J’ai lu de grands philosophes et de grands auteurs. J’ai même fait une erreur de jeunesse avec un PC Windows. Ça n’a évidemment pas marché. […] Après d’innombrables tergiversations, cette quête m’a enfin mené chez Apple, il y a vingt ans. À l’époque, la société luttait pour sa survie. Steve [Jobs] venait juste de revenir et de lancer la campagne « Think different ». […] Jusque là, je n’avais jamais rencontré un leader si passionné ni connu une entreprise ayant clairement et complètement l’objectif de servir l’humanité. C’était aussi simple que cela. Servir l’humanité. C’est à ce moment précis, après quinze ans de prospection, que quelque chose a cliqué. Je me suis enfin senti en phase. En phase avec une entreprise dont le travail avant-gardiste est élevé par quelque chose de plus grand. En phase avec un meneur d’hommes qui croyait que des technologies qui n’avaient pas encore été inventées pouvaient changer le monde de demain. En phase avec moi-même et mon besoin profond de faire quelque chose qui me dépasse.

Ces quelques phrases seront sans doute comparées au commencement address de Steve Jobs, donné à Stanford en 2005. On y retrouve la même introspection à travers le récit d’une carrière chez Apple, même si le spectre de la mort habitait le discours de Jobs, qui venait d’affronter un cancer du pancréas très agressif. Alors que Cook a modelé Apple à son image d’une manière peut-être encore plus profonde que Jobs, ce discours éclaire certains choix de la société :

La technologie est aujourd’hui partie prenante de la quasi-totalité des facettes de notre vie. La plupart du temps, c’est une force bénéfique. Mais ses effets nuisibles prolifèrent toujours plus rapidement et blessent toujours plus profondément. Les menaces contre la sécurité et contre la vie privée, les fausses informations, et les réseaux sociaux qui deviennent antisociaux. Parfois, la technologie qui est censée nous connecter est la technologie qui nous divise. La technologie est capable de grandes choses. Mais elle ne veut pas faire de grandes choses. Elle ne veut rien faire du tout. Je ne crains pas que l’intelligence artificielle donne aux ordinateurs la faculté de penser comme les êtres humains. Je crains plutôt les gens qui pensent comme des ordinateurs, sans valeurs ni compassion, sans s’inquiéter des conséquences de leurs actes. Vous devez nous aider à l’empêcher. Si la science est une recherche à tâtons dans le noir, alors les sciences humaines sont une bougie qui révèle nos traces et les dangers qui nous attendent.

Le contexte politique, alors que ce discours est prononcé devant quelques-uns des esprits les plus brillants de la nation américaine, n’est évidemment pas étranger à la tonalité de ce discours. Tim Cook visitera d’ailleurs la Maison-Blanche, en compagnie de Jeff Bezos et de Satya Nadella, le 19 juin prochain.

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