Interview : retour sur la fusion des revendeurs Apple Bimp et Ephésus

Florian Innocente |

Il y a quelques mois, les revendeurs Apple Ephésus et BIMP fusionnaient, formant un ensemble d'environ 90 salariés pour 10 boutiques. Un mouvement de plus dans le petit monde des gros revendeurs Apple. Ephésus avait lui-même récupéré des boutiques du défunt YouCast et il y a eu le gros feuilleton de la disparition d'eBizcuss. Alors que cette fusion est achevée, nous avons discuté de l'évolution de BIMP avec Fabrice Arduin, nouveau responsable de cette enseigne.

Ce dirigeant de 52 ans a pratiqué le secteur de la distribution, mais loin du grand public et d'Apple. Il est passé successivement par les stations de travail Silicon Graphics, puis par Dassault Systèmes/Solidworks (logiciels 3D) pour animer le canal de distribution de l'Europe de l'Ouest et enfin chez PTC, un concurrent de Dassault.

Fabrice Arduin, coprésident de BIMP

Son arrivée chez BIMP, et surtout dans cet univers tourmenté des APR, a répondu à une envie d'émancipation professionnelle, explique-t-il. Il ne faudrait d'ailleurs pas voir dans cette fusion un autre signe de la difficulté économique du réseau, ajoute le dirigeant. L'un des trois actionnaires de BIMP partait à la retraite et les deux autres — impliqués dans la gestion quotidienne du groupe — souhaitaient poursuivre l'aventure. « L'affaire avec BIMP s'est conclue en octobre et celle avec Ephésus s'est menée en parallèle. L'objectif étant d'avoir une présence forte sur trois régions : Rhône-Alpes, Franche-Comté et Bourgogne. On couvre en gros de Montbéliard à Valence. »

Cette fusion s'est faite sous l'oeil d'Apple qui cherche à voir son réseau d'APR plus ramassé autour de moins d'acteurs, mais plus importants. « L'objectif serait d'avoir une autre boutique ailleurs », explique d'ailleurs Fabrice Arduin qui cite pêle-mêle des villes comme Strasbourg/Mulhouse, Aix-en-Provence ou Clermont-Ferrand où existent des revendeurs, mais isolés. « Peut-être que l'un d'entre eux aura la tentation de nous rejoindre » glisse-t-il en forme d'appel du pied. Les deux premières villes citées ont ou vont avoir un Apple Store, mais pour le responsable de BIMP, il y a une carte à jouer autour du service.

« Les APR doivent être plus forts. Il faut maintenant avoir une taille critique auprès des clients pour être considéré par des sociétés importantes et pas seulement par de petites entreprises. Il faut une représentation régionale, avoir suffisamment de personnes pour acquérir des compétences verticales plus diverses ». Il mentionne ses 35 techniciens, des personnes pour certaines spécialisées dans les domaines de l'architecture, le juridique, la santé ou la PAO. Puis les prestations de formation autour d'une liste de logiciels longue comme le bras. « Je viens du monde du service où les solutions proposées étaient complexes, c'est un axe que l'on va continuer de développer » martèle-t-il.

Les boutiques BIMP

Fabrice Arduin est un habitué de la distribution, mais il était novice s'agissant d'Apple lorsqu'il s'est intéressé, il y a neuf mois, au dossier présenté par les actionnaires de BIMP. Lorsqu'on lui rappelle la litanie des critiques que nous entendons depuis des années chez plusieurs de ses homologues, ces relations d'amour/haine avec Apple, il relativise ou feint en tout cas de ne pas s'en émouvoir. Assurant d'abord s'être volontairement tenu à l'écart de ses confrères pour partir avec un regard neuf (il a, depuis, pris contact avec l'association des APR). « Entre un distributeur et la société qui lui fournit les produits, c'est toujours un peu la "guerre". J'ai connu l'autre côté et c'était exactement la même chose. Apple souhaite certains comportements de ma part et moi j'ai comme préoccupation de faire gagner de l'argent à ma société, et bien sûr Apple veut en gagner aussi. C'est donc normal qu'on soit un peu à se tirailler. »

Apple n'est pas un interlocuteur avec qui il est toujours aisé de travailler, Fabrice Arduin le reconnaît volontiers, il se montre toutefois admiratif de la mécanique avec laquelle il doit parfois composer « C'est hyper huilé. Je n'ai jamais vu avant Apple une gestion de réseau aussi poussée et aussi bien structurée. Dassault Systèmes ce n'est pas une petite boîte, mais là on est à un autre niveau : tous les processus mis en place sont bien huilés, ça marche. »

Ce qui ne veut pas dire évidemment que toutes les décisions d'Apple font l'objet d'applaudissements nourris… Lorsqu'on évoque les grognements entendus ailleurs sur les nouveaux calculs de marge pour les ventes professionnelles, Fabrice Arduin ne répond pas directement et préfère replacer son activité dans un contexte plus général.

« Oui c'est plus difficile aujourd'hui. Autrefois, les revendeurs avaient 35 points de marges, les clients venaient, ils n'avaient pas besoin de faire de marketing… Aujourd'hui il faut raisonner différemment, il faut faire de la gestion, surveiller ses stocks de près, acheter ses accessoires plutôt chez les grossistes… Si l'on ne fait pas ces efforts, on va souffrir, c'est normal. Mais c'est devenu tout aussi difficile pour les revendeurs de PC qui ont vu leurs marges s'effondrer. Il faut ajouter de la valeur à son produit, pouvoir en disposer en grande quantité pour espérer en vendre plus. »

Lorsqu'on cite le cas de l'un des deux Apple Store de Lyon (une ville avec deux boutiques BIMP) qui est prévu pour accueillir une clientèle professionnelle en plus du grand public, Fabrice Arduin tempère cette concurrence de son fournisseur : « Ils [l'Apple Store Lyon Confluence] ne répondent pas aux appels d'offres. Dès que l'on entre sur de gros projets professionnels il y a toute une offre d'accompagnement en services et un Apple Store n'est pas dimensionné pour apporter ne serait-ce que 20% de ce que l'on peut faire : c'est à dire du NAS, du réseau, de la sécurité, de la hot-line, de la virtualisation… Un client à qui on livre 50 machines ça ne l'intéresse pas qu'on lui fasse juste une remise et qu'on le laisse se débrouiller avec ses cartons. »

Avec 90 personnes sous son autorité, le patron de BIMP oppose le principe d'un "BtoB de boutique" avec le sien, capable de se mobiliser pour monter un projet global et assurer son suivi. Sachant aussi qu'un APR bien constitué doit être en mesure de répondre à des problématiques de parcs hétérogènes, Mac, mais aussi PC.

L'arrivée des iPad a justement ouvert un nouvel axe de prestations qui sont hors de portées d'un Apple Store, d'une Fnac ou d'un Darty pour citer d'autres concurrents : « On vend pas mal de tablettes et de plus en plus en pro pour répondre à des besoins de mobilité : industrie du bâtiment, commerciaux… on en vend beaucoup aussi dans l'éducation. L'université est très demandeuse, suivent les écoles privées et on commence à avoir de petites écoles publiques qui s'équipent. »

Il cite le cas du lycée privé de La Salle à Lyon qui a acheté 250 à 300 iPad. Ou celui d'une fac de médecine qui a pris 250 iMac, mais aussi 750 iPad, des tablettes qui serviront à faire passer les examens. Sur ce marché, la concurrence des autres marques de tablettes n'est pas encore suffisamment forte pour gêner l'iPad. « En face des projets il y a un écosystème avec des solutions, c'est la force d'Apple. Un catalogue logiciel important et adapté spécifiquement à l'enseignement. Il y a aussi les questions de sécurité et de capacités de déploiements. Avec les outils existants, on peut bloquer un iPad qui aurait été jailbreaké. Avec du matériel Android, on ne sait pas le faire. On n'a pas de concurrence en l'état avec d'autres tablettes. »

Une autre évolution dans l'informatique est l'arrivée de systèmes dans le nuage comme le Creative Cloud ou les App Store qui font disparaître la vente de logiciels en boîtes. Est-ce que cela se traduit par une perte sèche pour les revendeurs ? « Non », assure Fabrice Arduin, le support change, mais le rôle du revendeur perdure : « Adobe passe par nous pour vendre des abonnements Creative Cloud à nos clients, cela fait partie de l'ensemble des services que l'on propose lors d'un équipement. Il y a des sociétés qui n'ont pas envie de gérer ces problématiques d'installation des logiciels. De la même manière que l'on vend des cartes iTunes spéciales pour les logiciels compris dans un projet impliquant des iPad. »

Pour les clients actuels de BIMP + Ephésus, ce regroupement sous un seul nom ne devrait pas changer les habitudes. Les boutiques déjà existantes à Lyon, Saint-Étienne, Besançon, Montbéliard, Valence, Saint-Péray, Grenoble, Annecy et Chambéry restent en place. Celle de Saint-Péray s'est toutefois transformée en un centre de services et Besançon en verra arriver une supplémentaire, d'ici novembre, au centre commercial de Chateaufarine.

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