Apple v Samsung : la stratégie de survie de Samsung

Mickaël Bazoge |

La semaine dernière a été l'occasion pour Apple de présenter ses arguments au jury du tribunal de San José, théâtre du second procès qui l'oppose à Samsung (lire le résumé de la semaine : Apple v Samsung : l'ombre de Google). Pour mémoire, Apple réclame 2,2 milliards de dollars de dommages et intérêts à son concurrent, accusé d'avoir enfreint cinq brevets. C'était désormais au tour du constructeur coréen de faire comparaître à la barre ses témoins, après une mise en bouche vendredi dernier; celle-ci a été l'occasion de voir un VP de Google expliquer que l'équipe en charge du développement d'Android n'avait pas été influencée par l'iPhone.

La mémoire à trou d'un ancien dirigeant de Samsung

Lundi, Samsung a fait venir un nouveau témoin, à savoir Dale Sohn, président et PDG de Samsung Telecommunications America jusqu'en août 2013. Cet ancien dirigeant, qui continue de conseiller Samsung, est présent au sein de l'entreprise depuis les années 90. Un poste d'observation privilégiée qui lui a permis de voir le constructeur passer de simple distributeur de téléphones rebadgés à celui de Mogul des smartphones. De son propre aveu, « Samsung partait de très loin, nous étions loin derrière ». Le statut du fabricant a véritablement évolué en 2011, au moment du lancement de la campagne « The Next Big Thing » (celle-là même qui a fait enrager Phil Schiller).

Dale Sohn a assuré n'avoir jamais entendu parler des fonctions protégées par les brevets d'Apple, en particulier la synchronisation en tâche de fond et le système de « liens intelligents » (par exemple une date dans un courriel qui est reconnue en tant que telle et peut être ajoutée directement au calendrier). Pour justifier du montant des dommages demandés à Samsung, Apple a établi un barème pour chacune des fonctions protégées par ses cinq brevets; en ce qui concerne les deux fonctions évoquées par Sohn, elles représentent 27,52$ par terminal incriminé (parmi lesquels le Galaxy SIII ou le Note 2). Ça n'est sans doute pas une coïncidence : celles-ci sont les plus onéreuses.

L'ancien dirigeant a expliqué que Samsung sortait 18 smartphones par an et qu'il était possible qu'il n'en connaisse pas toutes les fonctions. « Chaque smartphone devait avoir plus d'une centaine de fonctions. Et peut-être que [la recherche universelle] devait être une de ces fonctions. Je ne sais pas exactement, et je ne peux pas me rappeler quels modèles et le nombre de modèles ». Un témoignage qui conforte la ligne de défense de Samsung : dévaloriser les inventions d'Apple, démonétiser ses brevets, et faire rentrer dans le crâne du jury que si les smartphones de Samsung connaissent le succès, c'est uniquement grâce à leurs propres mérites.

Neutraliser le tsunami iPhone 5

Les avocats d'Apple ne sont pas restés les bras croisés face à ce témoignage. Ils ont ainsi produit un mémo envoyé par Sohn à ses équipes, dans lequel il explique la « stratégie de survie » de Samsung : battre Apple. Daté du 5 juin 2012, ce message alertait du lancement de l'iPhone 5, comparé à un « tsunami ». « Il nous faut mettre au point une contre-attaque pour neutraliser ce tsunami », énonce t-il.

Ce plan comportait plusieurs points : un programme de test gratuit du Galaxy SIII et du Note 2, des versions prépayées du SIII, ainsi qu'une offensive de communication pour pointer du doigt les « faiblesses » de l'iPhone 5 - tout particulièrement son écran de 4 pouces. C'est la preuve, selon Apple, que Samsung était préoccupé par l'iPhone au plus haut sommet de sa hiérarchie. Et cela ne date pas de l'iPhone 5.

Le 4 octobre 2011 (jour de lancement de l'iPhone 4S), un courriel entre Sohn et Todd Pendleton, chef marketing de Samsung America, évoque une réplique à Apple avec l'aide de Google. Les deux entreprises pourraient travailler ensemble afin de montrer que les terminaux Android sont meilleurs que l'iPhone. Mais pas question de s'opposer frontalement à Apple : impossible de braquer un des plus importants clients de Samsung…

Glisser pour déverrouiller : non, Samsung n'a pas copié

Youngmi Kim, responsable du design interface pour Samsung, a également témoigné et l'a affirmé haut et fort : non, l'entreprise n'avait pas copié sur Apple et la fonction « glisser pour déverrouiller ». « Si nous devions travailler sur les mêmes choses qu'Apple, ça ne nous donnerait aucun avantage [de copier sur Apple] en matière de différenciation de nos produits, donc ça n'aurait aucun sens », a t-elle assuré.

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Dans les documents internes produits par Apple la semaine dernière, un des enseignements est que le système de déverrouillage de Samsung est bien moins intuitif que celui de l'iPhone - l'étude en question concluait que Samsung devait donc copier sur Apple. Kim a nié en bloc : le problème du glisser pour déverrouiller de son entreprise avait été réglé en 2009, or le document date de 2010. De même, elle assure que Samsung n'a jamais voulu améliorer sa propre interface en y ajoutant une ligne de texte, malgré un autre document conseillant là aussi de reproduire le système d'Apple.

On se demande alors pourquoi ces études ont été réalisées après que Samsung a réglé le problème.

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