Apple continue de semer ses graines en entreprises

Florian Innocente |

Sans tambour ni trompette, Apple continue de faire son nid en entreprise. Des utilisateurs grand public, peu familiers avec la marque, sont parfois venus au Mac grâce à l'iPod puis l'iPhone et l'iPad, la recette fonctionne aussi avec un milieu historiquement versé dans Windows.

Dernier exemple, Citrix qui a lancé hier une version Mac de son DesktopPlayer. L'application donne accès à un environnement Windows virtualisé, taillé sur mesure dans son contenu logiciel par l'entreprise et fonctionnant avec ou sans connexion réseau permanente. L'éditeur justifie cette nouvelle offre par la poussée du BYOD en entreprise (Bring Your Own Device, Apportez votre propre appareil).

Citrix se repose sur une étude de Forrester Research qui table, pour 2016, sur un doublement du nombre d'employés qui travailleront avec le portable ou la tablette de leur choix. Les directions informatiques, tout du moins celles ouvertes à cette philosophie, ne dictent plus le choix du matériel, objet parfois de frustration chez l'utilisateur mieux équipé à titre personnel ou plus à l'aise avec un autre OS. En revanche elles gardent la main sur les outils logiciels lorsque des applications spécialisées sont requises ou des considérations de sécurité imposées. Des logiciels qui, lorsqu'ils peuvent fonctionner directement via le web, n'ont plus nécessairement besoin de Windows et peuvent tenir sur une tablette.

Citrix DesktopPlayer pour Mac

Citrix a réalisé sa propre étude auprès des entreprises. À l'en croire, la part des portables d'Apple chez leurs employés devrait tripler en deux ans, passant de 5% aujourd'hui à 16% en 2016. La présence d'Apple en entreprise progresse doucement, mais sûrement, observe à nouveau Forrester dans une étude reprise par le Wall Street Journal. En 2012, la Pomme a capté environ 8% des dépenses en entreprises et au sein des entités gouvernementales pour l'achat d'ordinateurs et de tablettes. À peine 1% de mieux comparé à 2009, mais pour l'année prochaine, l'étude parie sur une accélération avec 11%.

Cependant ces chiffres excluent les smartphones. Ce qui contribue très certainement à minorer la présence réelle d'Apple au vu de la popularité de l'iPhone, alors que BlackBerry a vu ses parts de marché s'amenuiser depuis plusieurs trimestres. « Les gens commencent avec un iPhone. C'est le bout de la lance » explique un intégrateur américain cité par le WSJ. En l'espace de trois ans, ses logiciels ont géré cinq fois plus de matériels Apple. Le cas de Cisco est rappelé, avec les quelque 35 000 Mac, représentant le quart des portables de son parc informatique. Des machines plus onéreuses à l'achat, mais qui valent au final autant que leurs associés (lire aussi Cisco : « Apple est devenue importante avec l'iPhone et l'iPad »).

L'article cite également le cas du principal fournisseur en électricité de l'État du Kentucky qui a validé en 2010 l'utilisation de l'iPhone par ses salariés. L'iPad a suivi, puis des applications ont été développées. L'une d'entre elles permet de référencer les problèmes repérés sur les 9000 km de lignes à haute tension. Le technicien, en hélicoptère, géolocalise le problème et en fournit une description.« Pendant des années, nous avons cherché à automatiser cela et on nous a raconté tout un tas de contes de fées, mais nous n'avons jamais rien trouvé » explique un responsable.

Le gros éditeur allemand SAP de solutions de gestion d'entreprise a aussi ouvert ses portes à iOS. Sa filiale américaine a adopté d'autant plus facilement les iPhone et les iPad qu'elle a abordé le développement de ses logiciels en donnant la priorité à un usage sur plateformes mobiles. Aujourd'hui, 27 000 iPhone et 25 000 iPad sont utilisés au niveau mondial par le groupe (64 400 employés d'après les chiffres de la fin 2012).

La publicité pour le nouvel iPad Air qui, mine de ne pas y toucher, met en scène essentiellement des usages professionnels

Les Apple Store n'ont pas l'apanage des caisses volantes sur iOS. Le WSJ donne l'exemple de marques d'habillement comme Nordstrom avec ses 24 000 iPad et iPod touch utilisés dans 261 magasins à la place des caisses traditionnelles. Une chaîne de vente de bracelets pour les femmes, Alex and Ani, utilise des iPod touch dans ses 37 magasins aux États-Unis afin de mieux réguler la prise en charge des clients. Une comparaison entre 2012 et 2013 lors d'une journée de shopping pour la fête des Mères a vu passer le temps d'attente d'une heure à 10 minutes dans une grande boutique de la marque. Une autre marque de vêtements, Urban Outfitters, a déployé 1 000 iPod touch dans ses boutiques américaines comme caisses volantes et gestion des commandes.

Good Technology, un fournisseur de logiciels de communication et d'échange, qui équipe 5000 entreprises, affirme que 90% des apps déployées à la fin 2013 l'ont été sur iOS. Cette pénétration des iPad ou iPhone se fait parfois à l'insu même d'Apple. Un ingénieur-vente nous expliquait il y a quelques temps que des gros contrats d'équipement en France étaient parfois découverts après coup. Car réalisés sans l'aide d'Apple, directement par des intégrateurs qui poussent ses solutions.

Android progresse aussi, tempère l'article, notamment car la plate-forme offre une plus grande latitude dans le choix des matériels. Chez Google, l'identité de l'OS mobile le plus populaire auprès des employés ne se pose pas, mais pour les ordinateurs, Apple est présente en force (lire Comment Google gère son parc de 43 000 Mac).

Si iOS gagne indéniablement des points, Windows n'est pas encore mis sur la touche. Pour preuve, le cas de Delta Airlines qui a préféré en octobre les Surface 2 aux iPad pour équiper 19 000 agents de bord et remplacer leur épaisse documentation de vol.

Accédez aux commentaires de l'article