« Notre challenge est de montrer la nouvelle face de FileMaker »

Stéphane Moussie |

L'année 2013 de FileMaker a été marquée par deux événements importants : l'abandon de Bento et la sortie de la plateforme FileMaker 13. Nous avons interviewé Dominique Goupil, le président de cette entreprise spécialisée dans les logiciels de base de données, filiale d'Apple depuis son lancement en 1998.

Dominique Goupil est le président de FileMaker depuis sa création.

« L'arrêt de Bento a été une décision difficile »

En pleine torpeur estivale, le 30 juillet 2013, FileMaker annonce l'arrêt de Bento, son gestionnaire de base de données grand public disponible sur Mac et iOS. Un logiciel très abordable (40 €) et facile d'utilisation vendu à plus d'un million d'exemplaires depuis sa sortie en 2008.

« Ça a été une décision difficile, affirme Dominique Goupil. Bento était plus axé consommateur, alors que FileMaker est une application professionnelle. On a réalisé que pour bien faire les choses, il fallait plutôt se focaliser sur une seule partie, qui était la partie FileMaker. Maintenant FileMaker est une plateforme, qui comprend le serveur, la technologie iOS et la technologie web. On a décidé de se focaliser sur cette partie et donc d'arrêter la gamme Bento », qui n'avait pas été mis à jour depuis la version 4 sortie en 2011.

D'après AppleInsider, cet arrêt a entraîné le licenciement de 20 personnes qui occupaient des postes de vente ou de support technique. « Pas de commentaire sur les affaires internes », décline poliment le dirigeant.

En retirant Bento, l'éditeur a aussi laissé des utilisateurs en plan, sans autre solution viable que de se tourner vers la concurrence pour trouver un logiciel similaire. « Je reconnais que Bento et FileMaker sont très différents », concède Dominique Goupil. Un utilitaire de migration et de la documentation ont été mis en place pour faciliter la transition vers FileMaker pour les gens qui envisageaient cette option. Mais le prix de FileMaker, même avec le tarif spécial (209 € HT), et sa complexité ont empêché une migration significative. Seulement un petit nombre d'utilisateurs sont passés de Bento à FileMaker, admet le patron qui s'attendait à cette situation.

Bento a ouvert la boîte

L'expérience Bento n'aura toutefois pas été totalement vaine. Développer un logiciel grand public a permis à l'éditeur de se rendre compte d'une nouvelle attente du marché :

Traditionnellement, ce que nous faisions avec FileMaker, c'est que nous mettions à disposition des outils pour que les gens créent leurs solutions et après c'était leur problème. On avait ce que j'appelle "la salade de fruits en colère" en matière d'interface. C'est-à-dire des couleurs dans tous les sens, des trucs de toutes tailles, etc. Or, les consommateurs sont habitués à un certain standard de design, surtout pour les produits Apple. Quand ils viennent au bureau, ils ne veulent plus retrouver des trucs à la papa qui ne marchent pas bien. On a fait beaucoup d'efforts pour guider les gens à pouvoir faire des solutions beaucoup plus attrayantes.

C'est dans cette optique que la nouvelle version de FileMaker a récupéré des idées de Bento (lire notre aperçu de FileMaker Pro 13). « Dans FileMaker Pro 13, il y a beaucoup de thèmes, des styles, des guides, etc. C'est un effort tout à fait coordonné », souligne Dominique Goupil.

La solution de démarrage pour gérer des clients.

Une évolution dans la continuité

S'il est un peu plus accessible grâce à ces solutions de démarrages notamment, FileMaker a toujours un positionnement « exclusivement professionnel ». Et son président d'énumérer ses trois principales utilisations qui « n'ont pas énormément changé au fil des ans » :

  • la première c'est manager des clients, des étudiants, des prospects commerciaux... tout ce qui a à voir avec la gestion de personnes ;
  • la deuxième utilisation c'est souvent autour de la gestion d'actifs, quelque chose de très traditionnel dans ce domaine-là ;
  • la troisième est spécifique à FileMaker, c'est la gestion de procédés. Ça concerne aussi bien le management d'une conférence, de contrôle qualité, que la gestion d'un bureau d'architecte, etc.

Le cœur de métier de FileMaker est donc resté le même depuis ses débuts, mais le logiciel a su évoluer avec son temps, déclare Dominique Goupil qui illustre son propos avec le cas d'iOS.

Pour nous ce qui a changé énormément, c'est iOS. Le problème numéro un que nous avons c'est l'inertie. Les gens font tourner leur business aujourd'hui d'une certaine façon et ça marche à peu près. Ils viennent nous voir en disant "On peut peut-être faire mieux." Avec iOS il y a beaucoup de gens qui se disent "qu'est-ce que je pourrais faire dans le domaine mobile ?" et qui découvre ou redécouvre FileMaker. Ça ça a été une énorme différence pour nous.

Et d'expliquer que le défi aujourd'hui est justement de faire comprendre aux anciens utilisateurs que le FileMaker de 2013 « n'est plus le FileMaker d'il y a cinq ou dix ans » :

Quand on fait une démo dans un Apple Store, on dit aux clients : "oubliez tout ce que vous savez, on va vous montrer quelque chose de différent aujourd'hui, on va vous montrer comment créer une application iOS en moins de dix minutes tout en pointer cliquer." Les gens s'imaginent encore un produit exclusivement Mac/PC, sans penser au mobile ni au web. C'est le challenge qu'on a, c'est montrer la face nouvelle de FileMaker. Qui n'est pas nouvelle du jour au lendemain, mais qui est une évolution graduelle et dont la version 13 est l'aboutissement pour le moment.

Le gestionnaire de base de données s'est ouvert naturellement à iOS, mais il ne faut pas s'attendre à une version Android. L'éditeur écarte catégoriquement une application Android pour plusieurs raisons : la volonté de se concentrer sur une gamme resserrée de produits, la place de plus en plus importante des terminaux iOS dans les entreprises et la simplicité procurée par une solution homogène. « Pour les autres plateformes, il y a le web ».

Un nouveau modèle économique

L'une des grosses nouveautés de la plateforme FileMaker 13 concerne en effet le web. FileMaker WebDirect permet de travailler sur une base FileMaker dans un navigateur web. Sans être encore un client web complet, cette fonction permet enfin de consulter et d’ajouter des données dans une base FileMaker sans FileMaker Pro. Limité pour le moment aux navigateurs de bureau, FileMaker WebDirect sera compatible prochainement avec les navigateurs mobiles.

WebDirect n’est pas totalement indépendant, puisqu’il faut FileMaker Server pour rendre les pages. Un nouveau fonctionnement qui justifie un nouveau modèle économique : une licence de FileMaker Pro vaut toujours 349 € HT (ou 209 € HT pour une mise à jour), mais FileMaker se rapproche du modèle SAAS en proposant une tarification mensuelle. FileMaker Pro peut ainsi être « loué » 9,50 € HT par mois, FileMaker Advanced à 14 € HT par mois et FileMaker Server à 29 € HT par mois dans le cadre d’un contrat annuel de licences en volume réglé annuellement.

« On n'a rien enlevé, les gens ont toujours le système classique, ils peuvent acheter des licences traditionnelles de FileMaker en boîte ou en téléchargement, répond Dominique Goupil quand on l'interroge sur la possibilité de passer exclusivement à un système d'abonnement comme le fait Adobe avec le Creative Cloud. Il n'y a pas de changements prévus pour le moment, puisque ça marche, les gens sont habitués à cela. » Il lâche tout de même que « ce qui changera éventuellement, c'est qu'il n'y aura plus forcément de mise à jour dans les licences. »

Quant à la création d'un « Cloud FileMaker », qui permettrait d'héberger les bases de données sur les serveurs de FileMaker, « on s'est posé la question, mais ce n'est pas quelque chose qu'on offre pour le moment », déclare Dominique Goupil qui n'en dira pas plus sur le sujet. Le culte du secret d'Apple s'applique aussi à sa filiale.

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