Jonathan Ive et la philosophie du design chez Apple

Florian Innocente |
Sir Jonathan Ive a accordé une interview au London Evening Standard, pour une large partie axée sur le processus de création et de développement au sein d'Apple. Extraits…

Interrogé sur la manière dont naît un produit chez Apple, il explique :
«Ce que j'aime dans le processus créatif, et cela peut paraître naïf, c'est cette idée qu'un jour il n'y a pas la moindre idée, et aucune solution, mais le lendemain il y a une idée. Ce moment où l'on observe le changement le plus spectaculaire, lorsque vous passez d'une idée abstraite à une conversation plus concrète. Lorsque vous en faites un modèle 3D, même assez sommaire, vous donnez une forme à une idée nébuleuse et tout change - le processus dans son entier se transforme. Il galvanise et sollicite l'attention d'un groupe plus large de personnes. C'est un processus remarquable.»


Une séquence qui suit trois étapes intrinsèquement liées :
«Il est difficile de trouver les bons mots pour décrire le processus de création chez Apple, mais cela revient essentiellement à concevoir, faire des prototypes et fabriquer. Si vous séparez ces trois choses, le résultat en subit les conséquences. Si quelque chose va être mieux, alors c'est quelque chose de nouveau, et si c'est nouveau, vous faites face à des problèmes et des challenges pour lesquels vous n'avez aucune référence. Les traiter et les résoudre exige une attention incroyable. Cela procure un sentiment de curiosité et d'optimisme, et c'est une combinaison que l'on ne rencontre pas si souvent.»


Pour Ive, l'objectif chez Apple est assez simple :
«Concevoir et réaliser de meilleurs produits. Si on ne peut pas faire quelque chose qui soit mieux, on ne le fera pas.» Ce qui l'amène à évoquer ses concurrents : «La plupart de nos concurrents sont intéressés par faire des choses différentes, ou alors ils veulent apparaître comme faisant des choses nouvelles. Je pense que ce sont des objectifs complètement erronés. Un produit doit être authentiquement meilleur. Cela implique une véritable discipline, et c'est ce qui nous motive - un appétit sincère et véritable à faire quelque chose qui soit mieux.»


Une autre question a abordé la manière dont sont nés certains produits au travers de problèmes qu'il s'agissait de résoudre :
«Il y a différentes approches - parfois des choses peuvent vous agacer si vous devenez conscient d'un problème, c'est une approche très pragmatique et c'est la moins difficile. Ce qui est plus difficile, c'est lorsque vous êtes intrigué par une occasion. Et c'est ça qui, à mon sens, sollicite le plus les compétences d'un designer. Ce n'est pas un problème dont vous avez connaissance, personne n'a exprimé un besoin. Mais vous commencez à poser des questions : et si nous faisions ceci, en le combinant avec cela, est-ce que ce serait utile ? Cela donne naissance à des occasions pour remplacer des catégories entières d'appareils, plutôt qu'une réponse tactique à un problème isolé. C'est ça le véritable challenge et c'est très excitant.»


Il cite les iPod, iPhone et iPad comme exemples du fruit de ces réflexions. Avec une attention poussée sur les détails, car ils participent de l'expérience utilisateur que l'on retirera de l'utilisation quotidienne du produit. Le design doit s'inscrire dans la conception d'objets simples, poursuit Ive, il faut que l'on se sente happé par l'objet créé, sans autre distraction autour. Le dernier exemple en date, à son goût, étant celui de l'app iPhoto pour iPad, qui absorbe l'utilisateur et le fait oublier qu'il est sur une tablette (lire Test d'iPhoto pour iOS). Est-ce que le grand public est vraiment sensible au bon design ? demande le quotidien :
«Les consommateurs savent faire preuve d'un incroyable discernement, ils sentent lorsqu'il y a eu un grand soin apporté dans la conception, et lorsqu'il n'y a que du cynisme et de la cupidité. On a trouvé ça vraiment encourageant.»


Ce qui explique pour lui l'attachement des utilisateurs à l'égard des produits Apple :

«Lorsque j'ai utilisé un Mac la première fois, j'ai eu une conscience aiguë des valeurs de ceux qui l'avaient fabriqué. Je pense que cette relation émotionnelle qu'ont les gens avec nos produits vient de ce qu'ils savent de l'attention et de l'investissement que nous avons mis dans leur création.»

Accédez aux commentaires de l'article