W3C et iPhone : les intérêts contraires d'Apple

Anthony Nelzin-Santos |
Impossible de nier que comme Mozilla, Opera, Google ou Microsoft, Apple a joué un rôle de premier plan dans l'évolution du Web ces dernières années, de WebKit au développement, soutien et support de nombreuses spécifications W3C. Mais entre la définition de standards libres et ouverts et la défense de son portefeuille de brevets, Apple a toujours été pris entre deux feux. Haavard Moen, développeur chez Opera Software, remarque un nouveau louvoiement d'Apple, qui n'est pas sans ralentir la définition d'un standard important proposé par Mozilla et Opera, Touch Events.

Lors de la définition d'une nouvelle spécification, le W3C met souvent en place un Patent Advisory Group (PAG), un comité chargé d'évaluer l'impact de la propriété intellectuelle des membres sur le futur standard. À plusieurs reprises, Apple a présenté à la dernière minute ses brevets et demandes de brevet, ralentissant les travaux d'autant plus que ces documents n'étaient pas pertinents. Ainsi en 2009, la définition de la spécification Widgets W3C avait été l'occasion d'un véritable feuilleton, Apple bloquant la promulgation de ce standard en vertu d'un brevet sur la mise à jour automatique de contenu.

Le problème réside dans le fait que la définition d'un standard libre et ouvert jette de facto la propriété intellectuelle des membres du W3C dans le domaine public, sans contrepartie financière. En 2009, le brevet d'Apple avait été contourné et jugé peu pertinent. En 2010, deux demandes de brevets de la firme de Cupertino, là encore présentées à la dernière minute, avaient été recalées après avoir retardé les travaux : une n'avait rien à voir avec la spécification, l'autre ne s'appliquait pas. L'histoire se répète cette année, cette fois avec trois brevets et une demande de brevets, une nouvelle fois soumis à peine un mois avant la date limite.

S'il est encore difficile de juger de la pertinence de ces brevets dans ce cas précis, on peut noter la régularité dans l'effort d'Apple : campée dans une position défensive vis-à-vis de sa propriété intellectuelle, la firme de Cupertino en vient à adopter une posture paradoxale, à mi-chemin entre soutien (certes intéressé) et rejet complet du libre. C'est l'iPhone et ses 200 brevets qui provoque ce flou : en 2009, il fallait éviter de favoriser Palm, qui venait de présenter le Pre ; en 2011, il s'agit de faire attention à ne pas diluer la préséance d'Apple dans le domaine du tactile. Affaire à suivre, donc.
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