Apple à l'assaut de Flash

Arnaud de la Grandière |
La déclaration de guerre est cette fois consommée : après l'absence notoire de Flash sur iPhone, et les phrases assassines de Steve Jobs pour l'expliquer, Apple dévoile son jeu. En effet, la firme de Cupertino a tenu ce vendredi une session intitulée «Créer des applications web au "look and feel" natif avec SproutCore» lors de la WWDC.

Ce titre sibyllin révèle pourtant qu'Apple entend se positionner fortement sur le terrain des applications en ligne, pourtant déjà très concurrentiel. Entre Flash, Air, et Shockwave pour Adobe, Silverlight pour Microsoft, Ajax et consorts, il s'agit de bien choisir son cheval pour les développeurs.

Voilà donc qu'un nouveau concurrent entre sur le ring. Voici comment Apple définit SproutCore dans l'agenda public des conférences : «SproutCore est un environnement Javascript open-source, multi plate-forme, inspiré de Cocoa pour la création d'applications web qui ressemblent et se comportent comme des applications natives. Découvrez comment combiner SproutCore avec les technologies de stockage hors-ligne d'HTML5 pour livrer une expérience utilisateur de premier ordre et des performances exceptionnelles dans votre application web». Tout un programme.

Et on mesure subitement la manière dont toutes les pièces du puzzle s'assemblent : la course aux tests Acid, assurant la compatibilité transversale de standards, l'hostilité d'Apple à Flash sur iPhone, Safari 4 avec la possibilité de sauver une page web sous forme d'application indépendante et avec la vélocité du nouveau moteur JavaScript SquirrelFish, jusqu'au portage de Safari sur Windows : Apple a patiemment monté son plan de longue date.

La pomme californienne a mis tous les atouts de son côté : d'une part, elle s'affranchit du plus gros problème face à l'hégémonie de Flash, en supprimant de la donne le concept même de plugin. Ainsi, tout navigateur un tant soit peu moderne est capable de faire tourner des applications développées avec SproutCore. Ensuite, tout est fait pour attirer les développeurs : l'utilisation de JavaScript donne un vaste public potentiel pour SproutCore, y compris d'ailleurs chez les développeurs Flash puisque son langage, ActionScript, est basé sur JavaScript/ECMAscript. En outre, l'environnement de développement reprend l'architecture Model View Controller (MVC), qui au lieu du fourre-tout habituel de JavaScript, permet de lier les données à l'interface utilisateur à l'aide de contrôleurs logiques dédiés.

SproutCore permet également de construire son application avec un code remarquablement compact. D'autres fonctions, comme par exemple l'exécution automatique de commandes dès qu'une variable est modifiée, offrent aux développeurs une puissance et une souplesse appréciables et séduisantes. En outre, il ne s'agit pas simplement de présenter des pages dynamiques qui s'animent et réagissent agréablement, mais bel et bien de réaliser de véritables applicatifs capables d'effectuer un traitement de données digne de ce nom, comme par exemple le nouveau client mail intégré à Mobile.me en a fait la brillante démonstration.

Apple a donc réglé le problème du nombre d'utilisateurs finaux, du nombre de développeurs potentiels, et fait tout pour les séduire. Si en outre, SproutCore devenait le seul moyen de faire tourner des applications web dignes de ce nom sur iPhone, à l'inverse de Flash, voilà qui devrait en motiver plus d'un à se pencher sur le nouvel environnement de développement. Peut-être faut-il voir le plantage du site web de SproutCore à l'heure où nous publions ces lignes comme un signe de l'intérêt que suscite l'annonce.

Un nouveau secteur de concurrence entre Apple et Adobe est donc né. Cette dernière, qui s'est arrogé Flash au prix d'une coûteuse fusion avec Macromedia, n'entend probablement pas se laisser faire à si bon compte.
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