Leica M le numérique

alèm |
Il devenait difficile d'imaginer un monde photographique quasiment passé au numérique sans y inclure Leica. Dans les faits, le monde du grand format, celui du moyen format et celui du petit format compact ou reflex était acquis au numérique. Malgré quelques faits d'honneur argentique de grande qualité (Nikon F6, Alpa 12, Zeiss Ikon, Leica M7) récemment, on ne pouvait que constater des annonces de fermeture de lignes de production (Nikon, Kyocera-Yashica-Contax, Konica-Minolta, Agfa, ...) en même temps que l'essor des gros boitiers numériques (Canon EOS 1Ds et 5D, Nikon D2x, Mamiya ZD, Hasseblad H2D39) et des dos numériques défiant les plus gros disques durs avec leurs 160 Mégapixels on ne pouvait voir un monde photographique résigné à ne voir dans Leica que le fabricant d'optiques d'un grand électronicien japonais, Masushita, sous la marque Panasonic (compacts, reflex et caméscopes) .

Aussi, c'était avec un plaisir doublé d'une certaine appréhension financière que l'on avait vu apparaitre le Leica R9 DMR et que l'on savait qu'il ne pourrait qu'être suivi d'un M Digital. Toutefois, si celui-ci est tant attendu, la surprise est aussi de voir que Leica continue de rebadger des appareils Panasonic pour sortir des appareils numériques (la tradition est lointaine, les premiers R n'étaient autres que des Minolta refaçonnés et fabriqués au Japon). Nous voilà donc avec trois appareils à la pastille rouge : le D-Lux 3 basé sur le Panasonic LX-2 (remplaçant donc le D-Lux 2 basé sur le LX-1) qui se trouve donc être un compact 28-112mm à capteur CCD 10 mégapixels de format 16/9ème (Panasonic fabriquant des dalles TV 16/9ème), suivi du V-Lux 1 copie conforme du Bridge Panasonic FZ-50 possédant lui aussi 10 mégapixels mais en format 4/3 et servi par un zoom 12x équivalent à un 35-420mm (en 24x36) ; le troisième, plus étonnamment, est un reflex : le Digilux 3 basé sur le Panasonic L1 et cultivant la ressemblance avec les précédents compacts Digilux 2 et LC-1 avec le même système autofocus simulant un viseur et le flash cobra à déploiement en deux temps. Les deux reflex jumeaux portent le même objectif 14-50mm stabilisé siglé Leica et sont basés sur le reflex Olympus à visée par prisme de Porro E-330 et intègrent comme celui-ci le système 4/3 (baïonnette et taille du capteur) ainsi que la visée directe sur l'écran LCD arrière, les trois frères poussent la ressemblance jusqu'à porter le même cœur de 7,5 mégapixels fourni par Panasonic.

Cela fait donc deux reflex numériques dans la gamme Leica avec un gros dos digital DMR pour R8/R9 pour réutiliser la très bonne gamme d'optiques R et un petit intégré au format 4/3 pouvant utiliser toutes les optiques du système 4/3 (Sigma, Olympus et Leica donc) et dont les optiques pourront être montés a priori sur tous les reflex de ce système.

Si tout avait été prédit, sauf le Bridge, la vraie nouveauté est le M numérique tout d'abord vu sur des forums et pris pour un fake, pourtant le nouveau M est là, différent dans la philosophie et pourtant si proche du M3 originel dans l'aspect, et il se nomme Leica M8. Il y a beaucoup à dire sur ce nouveau M et deux choses intéressent particulièrement les leicaïstes : l'autonomie et l'obturateur. Il semble évident que le Leica numérique ne pouvait se passer d'électricité contrairement à un M6 ou un MP, le M7 au mode semi-auto ayant déjà défriché cette zone de malentendus entre puristes et modernistes. La batterie rechargeable du M8 est nécessaire pour un tel appareil électronique, les puristes vont être attentifs à son autonomie, cruciale en reportage lointain. Toutefois, Leica a pris des précautions en fournissant un chargeur "international" avec adaptateur 12V pour rassurer les baroudeurs. Le deuxième bouleversement : l'obturateur est le changement le plus important apporté par ce M digital plus encore que le support de prises de vue. C'est un obturateur métallique à translation verticale qui vient remplacer les quasi inaudibles rideaux horizontaux en tissu qui équipaient depuis toujours les Leica M et qui accouplés à la quasi-absence de latence du déclencheur faisaient du M un boitier de rêve pour les amateurs de reportage discret. Ces conditions étaient l'une des raisons du mythe Leica en plus de la qualité des optiques M, qualité accrue par le chemin film plan du même Leica M empêchant toute courbure du film celluloïd. "Et alors ?" me direz-vous ! Eh bien, je n'en sais rien, j'attends comme vous de l'entendre de près cet obtu. Ce changement modifie aussi légèrement la largeur de la mesure du M, mesure autrefois si subtile à apprendre. Que de changements pour les passionnés du M.

Continuons sur la découverte avec des caractéristiques plus numériques. Le capteur est un CCD Kodak (réf. KAF-10500) de dimensions 27x18mm de 10,3 Mégapixels effectifs avec matrice de Bayer sans filtre passe-bas et pixels de 6,8 microns, un crop de 1,33x et des micro-lentilles sur les bords. Il donne des images de 3936 x 2630 pixels en DNG ou JPEG (ou les deux) avec toutes les optiques M de 21 à 90 mm de focale produites depuis 1954 même s'il préfère les optiques récentes du 16 au 90 à codage 6 bits, excepté le 135mm qui est déconseillé (viseur 0,68x oblige), l'hologon 15mm de Zeiss incompatible et les optiques de type Elmar qui risquent d'endommager l'appareil. À part ces quelques incompatibilités, on réalise la mise au point via le télémètre à superposition d'images et on expose ses images entre 160 et 2500 iso et entre 32s et 1/8000s avec une synchro classique au 1/250s. 10 modes de balance de blancs, 3 espaces colorimétriques, 5 niveaux de netteté, 6 niveaux de saturation (dont un B&W) et 5 niveaux de contraste, 3 profils d'utilisateur que vous pourrez régler à loisir sur l'écran arrière de 2,5" et 235000 pixels afin de peaufiner des images à votre goût. L'utilisateur traditionnel ne sera pas désappointé par le fait d'enlever la semelle du boitier pour introduire sa carte-mémoire SD (ou SD-HC) et la batterie et y gagnera en facilité. Pourquoi le format SD ? La réponse est simple : encore par accord avec Panasonic. Il ne vous restera plus ensuite qu'à travailler vos images via Capture One LE ou Leica Digital Capture livrés dans la boite et, incongruité suprême, relier ce Leica à votre Mac via USB.

Il reste deux inconnues : le bruit de l'obturateur et la qualité des images avec des optiques non prévues pour le numérique. Bientôt, chez tout bon crémier pour un tarif approchant les 4800 €. S'il vous reste alors quelque argent, Leica vous propose un objectif tri-focale 16-18-21mm pour tous les M avec un viseur universel 16-28mmou encore le nouveau Elmarit 28mm Asph. (équivalent à un 37mm sur le M8).

Petit Papa Nöel, sache que j'ai été particulièrement sage cette année, j'accroche dès maintenant les chaussettes à la cheminée pour ce M8, si tu pouvais rajouter un Summicron 35 Asph. ou le Summicron 90mm Asph., j'en serais ravi. Signé : ton RG qui a toujours cru en toi.
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