W3C : les standards du web bientôt pilotés par une « entreprise d’intérêt public à but non lucratif »

Anthony Nelzin-Santos |

Le World Wide Web Consortium, ou W3C, préside aux destinées du web. Tim Berners-Lee avait fondé l’organisme de normalisation comme une « communauté de pairs », accueillie au sein du MIT, mais rapidement partagée avec l’université Keiō au Japon et l’Inria en France. Cette structure croule sous la pression des géants du web : en janvier 2023, le W3C deviendra une « entreprise d’intérêt public à but non lucratif », gouvernée par un conseil d’administration.

Image MacGeneration.

Lorsqu’il quitte le Cern en 1994, où il a conçu le web avec l’aide de Robert Cailliau, Tim Berners-Lee fonde le World Wide Web Consortium. Le MIT accueille le consortium, avec le soutien de la DARPA américaine et de la Commission européenne. La branche européenne est hébergée d’abord à l’Inria, puis à l’ERCIM, tandis que la branche asiatique est confiée à l’université Keiō. Une antenne chinoise ouvre à l’université Beihang en 2013.

Les quatre organismes se partagent les tâches administratives, et emploient la soixantaine de salariés chargés de coordonner les 459 membres qui participent aux travaux du W3C… et les financent. Des groupes se forment pour rédiger des brouillons, formalisés sous la forme de recommandations, qui deviennent des spécifications après avoir été étudiées par le « comité consultatif » du W3C.

Dans les faits, les concepteurs de navigateurs web jouent un rôle central. Apple, Google, Mozilla, et Microsoft fournissent la plupart des « éditeurs » qui coordonnent les travaux sur les spécifications. Le processus de recommandation permet surtout de réconcilier des positions parfois divergentes, et d’affiner les propositions avec le regard des « experts invités », mais le W3C fait souvent figure de chambre d’enregistrement.

Sa nouvelle structure acte la défaite des tenants historiques d’un web centré sur le partage d’informations, et la victoire des partisans d’un web conçu comme une plateforme applicative agnostique. L’abandon de la norme XHTML 2.0 attachée à la sémantique, au profil de la « plateforme » HTML5 proposée par les concepteurs de navigateurs web, puis la publication de la spécification Web DRM, avait sonné le glas du consortium.

« Nous avons besoin d’une structure qui nous permet de répondre plus rapidement aux exigences des nouvelles capacités du web et de nous attaquer aux problèmes urgents du web », explique le W3C. Le conseil d’administration sera élu à la majorité des membres, et devra refléter « les multiples parties prenantes du consortium ». Les institutions de recherche qui accueillent les bureaux du W3C resteront impliquées, et le « groupe d’architecture technique » gardera le dernier mot sur les questions techniques.

Le W3C ne prévoit pas de changer son processus de spécification, qui sera toujours dirigé par le « comité consultatif ». Reste que cette nouvelle structure parachève la prise de contrôle du consortium par les concepteurs de navigateurs web. Google promeut des spécifications permettant de concevoir de véritables applications, tandis qu’Apple pousse les spécifications de sécurité et de confidentialité. Les autres membres se partagent les miettes.

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