Quand les "brogrammers" montrent leur vrai visage

Arnaud de la Grandière |
Lors de la Norwegian Developer Conference qui s'est tenue du 6 au 8 juin à Oslo, pour promouvoir la dernière mise à jour de Windows Azure, Microsoft a cru bon de divertir l'assemblée par un numéro de danse sur une musique réalisée pour l'occasion, dont chacun appréciera la qualité mélodique, mais c'est surtout les paroles qui en ont fait sourciller plus d'un.

Il y est fait références à la drogue, mais on y trouve également ce vers éternel : "The words MICRO and SOFT don’t apply to my penis", les mots MICRO et SOFT (mou/doux) ne s'appliquent pas à mon pénis… Et histoire que les développeuses ne se sentent pas laissées pour compte, les moniteurs qui affichaient les paroles en suivant la chanson ont ajouté la délicate mention "(ou vagin)".



Les références douteuses n'ont pas manqué d'entrainer des réactions houleuses, et le compte officiel dédié à Windows Azure sur YouTube a cherché à jouer les pompiers en publiant dans les commentaires des vidéos de l'événement le communiqué suivant :

La conférence des développeurs norvégiens de cette semaine a inclus un spectacle qui contenait des éléments inappropriés et offensants, et du langage vulgaire. Nous présentons nos excuses à nos clients et partenaires et enquêtons activement sur le sujet.


Si les termes sexuels passent outre la pruderie qui sied à la culture américaine, ils n'en sont pas moins douteux du point de vue latin, puisqu'ils font des comparatifs qui se résument à de basses performances organiques. Ce comble de l'inélégance gorgée de testostérone mal gérée est symptomatique d'une tendance qui fait de plus en plus parler d'elle dans la Silicon Valley : le "brogrammer". Ce mot-valise qui unit programmeur et "bro" (diminutif de "brother", frère) fait référence aux fraternités universitaires dans ce qu'elles ont de pire, comme le bizutage de bas-étage à connotation phallocrate et/ou homophobe. Bien loin de l'image du gentil geek confiné pour toujours dans la "friend zone", le brogrammer est un geek version douchebag.

Cette culture d'entreprise ne manque d'ailleurs pas de créer la polémique à chaque fois qu'elle sort de son confinement. Affiches et techniques de recrutement douteuses, tweets déplorables, et conférences qui se finissent sous les huées d'une assemblée outrée en font les points d'achoppement avec un monde plus civilisé.

À l'image de Microsoft, les sociétés les plus respectables ne sont pas immunes à ce phénomène : au début du mois, Asus a publié sur Twitter des photos de "booth babes" (les hôtesses des salons aux formes plantureuses) associées à des commentaires inélégants, pour lesquels elle a présenté ses excuses par la suite.



Dell a également succombé au mal : lors d'une conférence qui s'est tenue à Copenhague, à laquelle Michael Dell en personne assistait, le présentateur Mads Christensen (une célébrité danoise) a enchaîné des commentaires sexistes dignes d'un autre âge. Là encore la société a dû se confondre en excuses.

Nulle surprise donc étant donné l'hostilité de l'environnement que la mixité ne soit pas le fort des sociétés technologiques, ce qui conforte ses prophéties auto-réalisatrices sur la prévalence des hommes sur ce domaine. À l'heure où les gender studies ont mis à mal les vieux stéréotypes de genre, il est assez étonnant de voir des sociétés être autant à l'avant-garde des technologies qu'à l'arrière-garde des normes sociales.
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