Résultats Apple T4 2011 : quelques clefs pour comprendre

Anthony Nelzin-Santos |
Apple a annoncé les résultats financiers de son quatrième trimestre fiscal 2011, un trimestre qui a confirmé la bonne santé du Mac et la belle progression de l'iPad, mais qui a aussi montré la dépendance d'Apple au cycle produit de l'iPhone. Voici quelques clefs pour mieux comprendre.

Le Mac confirme sa bonne santé
Aux États-Unis, Apple possède désormais une part de 23 % du marché des ordinateurs grand-public : le Mac est en forme, et cela se voit. Au T4, la firme de Cupertino a vendu près de 5 millions de Mac, deux fois plus qu'il y a deux ans.



La progression du Mac est continue (les trimestres en bleu sont ceux des fêtes, qui sont toujours meilleurs), et sa croissance est supérieure à celle des PC depuis 5 ans.

L'iPod, c'est fini
Au sommet de sa gloire en 2008, l'iPod est depuis en baisse régulière, la faute à l'iPhone et des renouvellements toujours moins ambitieux. Apple a vendu 6,622 millions d'iPod au dernier trimestre : il faut remonter à 2005 pour retrouver un chiffre aussi bas.



Là encore, les trimestres en bleu sont ceux des fêtes, dont l'iPod reste la star. Le sera-t-il seulement encore cette année ? Les ventes d'iPod touch ne progressent plus, elles sont même en baisse de 15 %. Plusieurs facteurs peuvent l'expliquer, d'une certaine lassitude face au concept à la concurrence interne de l'iPhone en passant par un climat économique morose qui ne facilite pas la tâche à cet appareil au prix moyen élevé.

L'iPad confirme
Si l'iPod est de l'histoire ancienne, l'iPad représente le futur d'Apple. 11,123 millions d'iPad ont trouvé preneur ce dernier trimestre, un chiffre en dessous des niveaux de commande d'Apple (qui a pu anticiper les fêtes), mais au-dessus des attentes des analystes, professionnels comme amateurs.



On manque encore de recul pour juger du succès de l'iPad sur le long terme : il faudra observer les chiffres du prochain trimestre, celui des fêtes de fin d'année, pour observer le potentiel de ce segment pour Apple. L'iPad semble néanmoins un appareil un peu à part pour la firme de Cupertino, avec un quatrième trimestre toujours un peu mou en matière de croissance, alors que c'est traditionnellement le plus fort.

iPhone : l'« accident »
L'iPhone est un autre produit un peu à part dans la gamme Apple : ses niveaux de ventes sont très sensibles à son cycle de vie, l'un des rares cycles produit à être relayé dans la presse généraliste. Cette année, la contraction traditionnelle des ventes est intervenue non pas au deuxième trimestre, mais au quatrième trimestre, du fait du décalage du cycle produit de l'iPhone.

Ce phénomène peut s'expliquer de diverses manières. Les cadres dirigeants d'Apple ont violemment attaqué les rumeurs, qui ont paralysé les ventes d'iPhone pendant la deuxième moitié du trimestre (lire : Résultats trimestriels : le directeur financier d'Apple dénonce les rumeurs et les analystes). C'est la rançon du succès : tout le monde ou presque connaît le cycle produit de l'iPhone, tout le monde ou presque a cette année entendu parler de l'iPhone 5, et à l'attente du nouveau modèle, les ventes ont sans doute baissé.



Cela explique-t-il totalement cette baisse de 16,05 % des ventes ? Certainement pas. Il faut toujours garder à l'esprit que les performances du troisième trimestre étaient réellement extraordinaires : alors qu'Apple réduit d'habitude ses carnets de commande et limite donc artificiellement l'offre et donc les niveaux de ventes (la demande excédant largement l'offre pour les appareils iOS), elle a cette fois-ci laissé les vannes grandes ouvertes, provoquant une envolée. Le traditionnel recul transitionnel (iPhone 4 > iPhone 4S) est donc amplifié par le biais de l'augmentation de l'offre grâce à une continuité générationnelle (l'iPhone 4 est toujours au catalogue).

On ira pas jusqu'à parler d'artefact statistique : la dégradation du climat économique a lui aussi certainement joué. Mais on ne peut pas affirmer que la croissance de l'iPhone a été stoppée net. Tim Cook ne s'y trompe d'ailleurs pas : alors que l'iPhone 4S a été vendu à 4 millions d'exemplaires les 3 premiers jours de sa commercialisation, et qu'Apple dispose désormais d'un modèle peu cher et d'un modèle gratuit, il prévoit un CA de 37 milliards de dollars — un record, et de très loin — pour le prochain trimestre. Il parie donc non pas sur une reprise de l'iPhone, mais sur une véritable explosion.

La dépendance à iOS
La véritable leçon de cet épisode, qui rappelle que la croissance n'est pas linéaire (et encore mois infinie), et s'accommode de quelques hoquets, c'est la dépendance à iOS d'Apple. iPhone, iPad et iPod touch représentent 65,3 % du chiffre d'affaires d'Apple. Quand les ventes d'iPhone et d'iPod touch baissent sensiblement, mécaniquement, le CA en souffre.



Cette dépendance doit être relativisée : le Mac, en progrès constant (très supérieure à celui du PC, notamment dans les portables) et avec un panier moyen élevé, se maintient. Les cycles de l'iPad et de l'iPhone étant décalés, les effets néfastes des rythmes cycliques peuvent être balancés. Bref, ce trimestre est donc un hoquet comme tant d'autres sociétés en ont de temps à autre, mais un hoquet qui montre ce poids énorme pris par les appareils iOS.

Bénéfices, marge, et cash : la trésorerie d'Apple
Plutôt que de se concentrer sur le chiffre d'affaires, on peut plutôt observer des données qui ont été toujours extrêmement importantes pour Apple : les bénéfices, la marge brute, et les réserves de cash. La firme de Cupertino a annoncé un bénéfice de 6,62 milliards de dollars (7,05 $ par action), un chiffre en baisse d'un trimestre sur l'autre, mais en augmentation de pas moins de 53,60 % par rapport au T4 2010. En 2011, Apple a généré un bénéfice de 25,92 milliards de dollars, en hausse de 85,01 %.



La marge brute ne cesse d'augmenter : elle a atteint 40,48 % en 2011. Malgré la disponibilité d'un iPhone 4 à un prix cassé et d'un iPhone 3GS gratuit, Apple ne pense pas devoir revoir sa marge à la baisse : les caisses vont continuer à se remplir.



Apple a d'ailleurs ajouté 5,4 milliards de dollars à ses réserves de cash, qui se portent désormais à 81,57 milliards de dollars. Elles pourraient être plus hautes si Apple n'avait pas mis la main à la poche pour s'offrir les brevets de Nortel. Tim Cook a expliqué que tout cet argent ne chatouillait pas Apple : « je ne suis pas dogmatique en ce qui concerne la conservation ou non de nos réserves. » Si Apple s'est servi de son trésor de guerre pour acheter des sociétés, des brevets, et sécuriser ses lignes de production, elle compte continuer à l'utiliser de manière ponctuelle, sans véritable doctrine.

L'internationalisation d'Apple
Dernier point important : Apple s'est totalement dégagée de sa dépendance au marché américain, qui ne représente plus que 38,5 % de son chiffre d'affaires. Le principal levier de croissance d'Apple à l'international est la zone Asie-Pacifique, et tout particulièrement la Chine : le CA y a triplé en un an. Cheval de bataille de Tim Cook depuis plusieurs années, la Chine est aujourd'hui un marché prioritaire pour Apple : elle y ouvre de nombreuses boutiques en nom propre, y noue des partenariats avec de grands distributeurs, et se rapproche toujours plus des opérateurs. « Le ciel y est la seule limite » dit Tim Cook de la Chine.



Notons que plus des deux tiers de la réserve de cash d'Apple est stockée en dehors des États-Unis. La firme de Cupertino n'a aucune raison de rapatrier ces fonds : tant qu'ils sont à l'étranger, ils ne sont pas soumis à taxation aux États-Unis, et ils peuvent y servir pour les investissements locaux. Comme Google, Apple milite auprès du Sénat américain pour obtenir une exonération temporaire, le temps de rapatrier son trésor de guerre.

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