La cinquième colonne d'Apple : les erreurs de Microsoft

Anthony Nelzin-Santos |
À la Monday Note traditionnelle de Jean-Louis Gassé a fait écho un article de Rob Enderle de TechNewsWorld, l'un comme l'autre se demandant ce qu'il reste à Microsoft, et si finalement, la raison du succès d'Apple, ce n'était pas tout simplement les échecs de Microsoft.

Ballmer est arrivé à la tête de Microsoft en 2000, en pleine explosion de la bulle Internet. Dix ans après, l'action Microsoft est passée de 56 $ à 25,80 $, quand celle d'Apple est passée de 25 $ à 256,88 $. Si Ballmer ne s'est jamais beaucoup préoccupé de la valeur de l'action MSFT, et que l'action Apple est certainement surestimée, les faits sont là : aujourd'hui, Apple est la plus grosse société high-tech du monde en termes de capitalisation boursière, surpassée seulement par quelques géants du pétrole.

La réaction de Ballmer à cet événement serait symptomatique, selon Gassée : il a répondu peu se soucier de la capitalisation boursière, mais plutôt se concentrer sur le chiffre d'affaires et surtout les bénéfices de sa société, qui restent encore supérieurs à ceux d'Apple. Mais Wall Street refuserait d'offrir de plus gros bénéfices à Microsoft, alors que la rue parie sur Apple en faisant gonfler le cours de son action — les marchés pensent qu'Apple peut transformer tout ce qu'elle touche en or, alors qu'ils ont été échaudés par les échecs de Microsoft.

Ballmer a pourtant raison : Microsoft est une formidable machine se reposant sur Windows et surtout Office, qui peut consacrer 15 % de son chiffre d'affaires en recherche et développement (9 milliards de dollars par an) — finançant un campus qui fait de la recherche pure, finançant de nombreux projets qui ne verront jamais le jour. Le récent remaniement de la division Entertainment and Devices (E&D) de Microsoft est censé faire l'effet d'un électrochoc sur Microsoft. De cette division sont sortis les produits les plus novateurs de la firme de Redmond ces dernières années, mais pas forcément ceux qui ont connu le plus de succès. La Xbox a connu de nombreux problèmes de fiabilité, le Zune est un échec patent, et Windows Phone 7 doit encore faire ses preuves. Quant au Courier, il ne sortira jamais des labos, ce qui a en partie provoqué le départ de J Allard (lire : Abandon du projet Courier : Microsoft perd un de ses meilleurs cadres ?).

Le patron de la division E&D serait même un traître, lui qui n'a pas été capable d'empêcher HP de racheter Palm, Microsoft perdant là un client pour les téléphones, mais aussi et surtout pour les tablettes (lire : Microsoft remercie le patron de sa division jeu et mobiles et Microsoft, les raisons des départs). Après l'échec de Vista qui a fait les affaires de Mac OS X, celui du Zune face à l'iPod, où la disparition pure et simple de Microsoft dans le jeu de la téléphonie mobile, l'histoire pourrait se répéter sur ce segment naissant de la tablette « légère », aux antipodes du TabletPC de Microsoft. Mais ce n'est pas Robbie Bach qui a perdu HP : c'est Ballmer, qui quoi qu’on pense de lui, a toujours été le meilleur commercial de Microsoft.

Le conseil d'administration de Microsoft est composé d'amis de trente ans de Ballmer et Gates — or le conseil d'administration a la lourde tâche de nommer, mais aussi de virer le patron. Certains investisseurs commencent à perdre patience, et se retirent de Microsoft — jusqu'à qu'un demande peut-être la tête de Ballmer.

Certains comme Rob Enderle appellent la division E&D une division vampire, une branche de Microsoft qui ne génère pas autant d'argent qu'elle en absorbe. Les mêmes se demandent jusqu'à quel point cette branche n'est pas une cinquième colonne, un ennemi de l'intérieur, dont les échecs successifs font le succès d'Apple. Alors que le renouvellement de Microsoft passe par le jeu, la téléphonie mobile, et l'Internet, le remaniement de la division E&D est peut-être une saignée destinée à purger un patient plus malade qu'il ne paraît. À moins qu'il ne s'agisse d'une mesure de la dernière chance pour un Ballmer aux abois.
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