WWDC 2008 : quelle humeur chez les développeurs ?

Florian Innocente |
Il y a quelques jours nous avons sollicité l'avis de développeurs Mac, auteurs de logiciels très différents, sur leur état d'esprit avant la conférence mondiale des développeurs Apple 2008. A chacun trois questions qui portaient sur Leopard, l'iPhone et leur profession. Au bout du compte, on obtient des réponses contrastées de Brent Simmons (NetNewsWire), Oliver Breidenbach (iStopMotion, Fotmagico…), Michaël Noyon (Contactizer Pro) et Glen Aspeslagh (Call Recorder, MegaPhone, iGlasses…).


Six mois après la sortie de Leopard est-ce que vous rencontrez toujours des problèmes à l'utiliser dans vos développements ?

Oliver Breidenbach : Leopard est un bon OS pour le développement. Même si les dernières nouveautés ne sont pas aussi abouties que certains composants du système présents depuis plusieurs années. Mais en gros ça va et Apple bosse dur pour régler les problèmes. On a pas eu trop de difficultés avec nos logiciels, certaines nouveautés de Leopard relevant plus du marketing que de la technique. On travaille aujourd'hui à intégrer quelques-unes des nouveautés comme on l'a fait avec Quick Look et iChat Theater dans Fotomagico.

Brent Simmons : Je suis assez content de ce système et du développement que je fais avec. Comme pour toute mise à jour majeure il y a eu des problèmes au départ, rien de terrible, juste des petites choses, mais elles ont été corrigées avec la 10.5.2.

Leopard amène tellement de choses sympas que j'aimerai pouvoir développer uniquement pour lui, mais que ce soit au niveau des outils de développement ou des possibilités dans l'interface, le résultat c'est que ça ne fonctionnerait plus avec Tiger.

NDR : Simmons a depuis annoncé une version iPhone de NetNewsWire et une version Leopard uniquement de NetNewsWire 4.0 (voir l'article NetNewsWire 3.2 et 4.0 : premières infos).

Michaël Noyon : On va se garder de toute langue de bois : Mac OS X Leopard est sorti trop tôt ou plus exactement le développement de l’iPhone a amputé sa “finition” de façon flagrante. Les nouvelles technologies qu’offre Mac OS X 10.5 aux développeurs ne sont pas au point. Plus globalement, le système nous parait être encore en beta, du moins, sur ce que nous utilisons pour nos applications - c’est-à-dire un nombre non négligeable de frameworks signés Apple.

Faire en sorte qu’une application professionnelle comme Contactizer, qui doit s'intégrer au système (récolter les emails ou les historiques de Chat, utiliser la synchronisation, etc.), et qui, en outre, “est” et “doit” rester compatible avec Tiger est une vraie partie de plaisir…

Aujourd’hui, nous dirions que la transition de Tiger vers Leopard a été pour nous bien plus douloureuse que de Panther vers Tiger. C'est dû à notre sens - bien entendu à de profondes refontes des arcanes (interface comprise) du système - mais aussi et surtout à un soin bien moindre apporté par Apple à ses développements. Nous pensons en fait qu’Apple est en sous-effectif pour ses développements. Il leur manque clairement des développeurs opérationnels.

Néanmoins, point positif, les outils de développement - XCode & Co - ont été grandement stabilisés et optimisés.

Glen Aspeslagh : On est satisfaits de Leopard mais on a encore beaucoup de clients sur Tiger. On ne fait pas d'applications 100% Leopard et ça nous a empêchés d'utiliser certaines technologies assez géniales du 10.5. Sinon, on n'a pas de problèmes particuliers. Apple ayant fourni des versions préliminaires de Leopard très en amont on a eu le temps de s'y préparer.

Est-ce que vous avez des plans de développement pour l'iPhone et qu'est-ce qui vous intéresse dans cet appareil ?

Oliver Breidenbach : L'iPhone est très tentant. C'est la première plateforme Internet mobile à mériter ce qualificatif. C'est un petit ordinateur sans fil dont le potentiel se révèle une fois qu'il est jailbreaké et pourvu de nouvelles applications.

Mais les 30% demandés par Apple sur les ventes de logiciels sur l'App Store sont ridiculement élevés. Ça peut marcher pour un jeux à 9,95$ mais sur un logiciel à 200$ Apple se fera plus d'argent que son développeur. Il y a aussi le fait qu'on prend un risque à développer un produit sur lequel Apple a droit de veto quant à sa vente sur l'App Store.

Brent Simmons : (NDR : voir aussi la réponse plus haut). Tous mes développements (NetNewsWire est un lecteur RSS) se sont fait autour du Web. Ce que j'aime dans l'idée de l'iPhone c'est que vous avez le Web tout le temps avec vous. Et que l'iPhone peut savoir où vous vous trouvez, ce qui ouvre pas mal de possibilités.

Michaël Noyon : Oui comme tout le monde semble-t-il. Mais soyons francs, le SDK dans sa forme actuelle ne convient pas à des applications “pro”. On peut à la rigueur développer des sudokus ou des gestionnaires de vieilles cassettes VHS mais à cause de manquements graves, on ne peut guère faire autre chose.

Pas d’accès aux emails stockés dans l’iPhone, aux évènements locaux non plus, pas de gestion des tâches à ce jour. Plus technique : pas de système de base de données aisément utilisable - à la Cocoa - non plus. Bref, il faut soit attendre une autre version, soit se recycler dans le ludique.

Glen Aspeslagh : On a évidemment plein d'idées ! Le multi-touch et cette idée d'être connecté en permanence nous intéressent plus particulièrement. Mais on est obligé d'attendre qu'Apple élargisse le champ d'action de ses interfaces de programmation.

Et je suis très excité à l'idée de voir ce que les milliers de développeurs indépendants pour l'iPhone vont proposer. Je me souviens de la communauté incroyable et du marché qu'il y avait autour du Palm au moment de son apogée. Je pense qu'on a les moyens de recréer cette magie, mais cette fois avec un appareil du nouveau millénaire.

Est-ce qu'en 2008 vous êtes un développeur Mac heureux ?

Oliver Breidenbach : L'année a très bien démarré pour nous avec des ventes en hausse par rapport à 2007. Donc nous profitons du succès d'Apple. Mais on sent chez elle des signes d'arrogance comme avec ces conditions sur l'App Store. On verra si les choses persistent dans ce sens et la WWDC sera une bonne occasion pour prendre la température.

Brent Simmons : Oui. Les perspectives que l'on pouvait discerner à l'époque du tout premier Mac OS X commencent à devenir réalité. Il y a tellement d'excitation en ce moment autour du Mac et de l'iPhone avec des développeurs et des produits de grande qualité. Je l'ai déjà dit autrefois, on est dans l'âge d'or du développement sur Mac.

Michaël Noyon : Pour reprendre une phrase célèbre “si on s’analyse, on s'inquiète, si l’on se compare, on se rassure”. Plus concrètement, il est évident que nos collègues sous Windows sont plus à plaindre que nous pour une multitude de raisons ou pour le mauvais goût général qui règne sur cette plateforme, en matière d’ergonomie par exemple.

Même si tout n’est pas rose dans notre camp, à minima, les utilisateurs Mac restent plus exigeants et souhaitent des produits agréables, fonctionnels et “sexy”. Cela aide à tirer les développements vers le haut. De même, quand on pense que certains de nos collègues qui ont encore des logiciels codés en grande partie en Carbon ou assimilé, on peut s'estimer heureux, car nous n’avons pas eu cette transition à gérer, nous avons tout codé dès le départ en Cocoa.

Glen Aspeslagh : Honnêtement, il n'y a jamais eu de meilleure période. On développe pour un Mac OS X en pleine croissance et les développeurs Mac sont bien placés pour travailler sur le plus chaud des systèmes d'exploitation mobiles. Faites la comparaison avec la WWDC 2007. Leopard avait été montré un an plus tôt et il avait quatre mois de retard sur le planning. En plus, Steve Jobs annonçait qu'il n'y aurait pas de kit de développement pour l'iPhone, juste des services Web ! 2008 va être très différent.

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