Interview : Tri-Edre à l'heure de Time Machine

Florian Innocente |
Avec une dizaine d'années d'existence l'éditeur Tri-Edre commence à faire partie des meubles dans le monde Mac. Mais son profil reste atypique. Installé loin de tout (si l'on excepte le calme, le soleil et la mer Méditerranée…) il conçoit ses propres logiciels tout en distribuant ceux d'homologues étrangers. A la veille de la sortie de l'un de ses titres phares, Tri-Backup 5, et alors qu'Apple a fait de la sauvegarde de données l'un des piliers de Mac OS X et que l'iPhone promet d'ouvrir un nouveau marché aux développeurs, l'occasion était bonne d'interroger Thierry Rolland, son patron fondateur.


Est-ce que vous pourriez nous redonner la fiche d'identité de Tri-Edre ?

TR: J'ai créé TRI-EDRE en 1991. Après des études d'ingénieur, j'ai travaillé dans différentes sociétés, à Paris et en province, dont une multinationale, Schlumberger, dans laquelle je faisais de la R&D. J'en suis parti pour créer ma première société, où j'ai appris... tout ce qu'il ne fallait pas faire. Je l'ai fermée au bout de 6 mois, repris un emploi salarié pour faire bouillir la marmite, puis créé TRI-EDRE.

Nous étions à Nice à cette époque. Il y a 12 ans nous avons décidé, ma femme et moi (non, elle ne travaille pas avec moi !), de nous installer dans le Var parce que nous avions eu le coup de foudre pour le coin (c'est toujours le cas). J'ai transféré TRI-EDRE à Lorgues, un petit village dans une région d'oliviers, de vignes et de soleil. Nous sommes installés dans un ancien moulin à huile en plein centre de Lorgues, mais très peu de gens d'ici connaissent notre existence (c'est voulu). Et les gens sont toujours très étonnés d'apprendre que, depuis un petit village de Provence, nous vendons partout dans le monde.

Au départ, j'étais seul dans la société. J'ai commencé à embaucher. Nous avons grossi, mais au bout de quelque temps, j'ai préféré privilégier l'ambiance et nous sommes revenus à une équipe réduite et soudée. Quatre personnes travaillent à TRI-EDRE. C'est un petit groupe efficace, qui sait exactement ce qu'il a à faire, où l'ambiance est très bonne, et avec lequel il m'est très agréable de travailler. Brigitte est le contact des revendeurs et elle s'occupe de l'administratif. Marjorie gère les commandes et le standard. Gilles a plusieurs casquettes techniques : il développe, fait du support technique, s'occupe de traduction. Pour ce qui me concerne, je développe et je supervise l'ensemble.




La distribution de produits tiers s'est imposée comme une évolution parmi d'autres de Tri-Edre ou c'était devenu indispensable pour pérenniser l'activité de développement ?

Au début, TRI-EDRE devait se limiter à la création de logiciels, qui devaient trouver facilement un distributeur (je suis parfois un peu naïf !). Comme ça n'a pas été le cas, j'ai pris en charge la distribution de nos produits. Là ça a commencé à marcher alors j'ai proposé à d'autres éditeurs de les distribuer.

Nous faisons une distribution à forte valeur ajoutée. En gros, nous recevons le logiciel brut et des numéros de série, et nous nous occupons du reste : traduction, production, commercialisation, communication et support technique. Nous sommes peu (très peu) à travailler de la sorte, mais je détesterais recevoir des boites toutes faites avec comme seul boulot de les renvoyer dans les boutiques. Et puis c'est tellement plus agréable d'avoir une activité diversifiée et d'effectuer des tâches très variées.




Est-ce qu'il est aujourd'hui plus facile d'être un éditeur indépendant sur Mac ?

Je ne crois pas que les règles de base aient beaucoup changé dans l'activité du logiciel, contrairement aux revendeurs de matériel. Il n'y a pas spécialement de nouvelles contraintes ni de difficultés dans le développement et la vente de logiciels. Et le fait d'être un éditeur indépendant ne pose aucun problème particulier. Pour moi, ce serait même plutôt un avantage.

Par contre, il y a des évolutions. Elles sont d'ordre techniques avec les Systèmes, les technologies, les outils et les machines mais aussi commerciales. La manière d'échanger des informations avec l'utilisateur change. Les modes de distribution doivent évoluer pour prendre en compte de nouveaux besoins. Il n'est plus rare de voir des gens avec un portable et une machine de bureau, du coup nous avons proposé des licences deux postes pour Tri-BACKUP 5. Il faut s'adapter, c'est tout.


Tri-Edre est un tout petit éditeur, en quoi le développement d'Internet a changé votre activité ?

Il est évident que notre métier a évolué avec Internet. La communication a changé, le bouche à oreille a beaucoup plus d'importance, et les relais de l'information sont différents. Un autre changement très important amené par Internet concerne la vente en ligne. Elle permet au client d'avoir un produit immédiatement, au moment où il en a besoin, même le week-end ou en pleine nuit. On le voit très nettement avec les logiciels de récupération de données ou de réparation.

Internet a modifié notre façon de travailler : la distribution évolue et c'est loin d'être terminé, les forums permettent un support technique différent, la communication autour des produits en a aussi été modifiée. Les produits que nous vendons sont très immatériels, il suffit de télécharger un logiciel et de recevoir un numéro de série pour l'utiliser, c'est une activité qui se prête très bien à Internet. Mais ce n'est pas suffisant. Le service et le support technique restent très importants.


Est-ce qu'Internet permet de réduire des déséquilibres entre des concurrents de tailles différentes ?

Je ne crois pas. Internet permet de démarrer quelque chose plus facilement. Mais lancer une société est très facile. La difficulté est de durer et d'être rentable. Là, ce n'est pas un problème de taille. Je ne crois vraiment pas que ce soit plus facile pour les gros que pour les petits. Et franchement, depuis que je suis dans cette activité, j'en ai vu vraiment beaucoup disparaitre, petits et gros, en France comme aux États-Unis, et d'autres perdurer, là aussi des petits et des gros.


Est-ce que le marché français peut suffire pour votre activité ?

Oui, le marché français pourrait suffire. Mais c'est quand même marrant de vendre quelque chose en Australie ou au Japon, surtout depuis un petit village de Provence. Ce serait idiot de s'en priver. L'étranger représente 25% de l'activité globale de TRI-EDRE, et 50% de l'activité de nos propres logiciels.


Quels sont les logiciels qui font l'essentiel de l'activité de Tri-Edre aujourd'hui ?

Tri-BACKUP et TechTool sont les produits qui génèrent la plus grande activité, suivis par Tri-CATALOG et par Data Rescue.


Est-ce que vous avez observé sur vos ventes un effet switcher ?

Non.


Est-ce que la simplicité de fonctionnement de Time Machine ne risque pas de souffler à Tri-Backup une partie de ses clients ?

Je ne crois pas. J'aurais plutôt tendance à penser le contraire. La sauvegarde n'est pas quelque chose de naturel chez les utilisateurs d'ordinateurs. Y compris chez les professionnels, je suis sidéré de voir combien ne sauvegardent pas leur travail et nous contactent en catastrophe pour essayer de récupérer les données perdues. Une fonction intégrée dans le système comme Time Machine peut faire prendre conscience aux gens de l'apport de la sauvegarde et, à ce moment-là, des limitations même de Time Machine.

Avoir une copie démarrable pour repartir immédiatement en cas de problème, pouvoir synchroniser un Mac de bureau et un portable, avoir une copie de ses données située physiquement à un autre endroit pour éviter le pire en cas d'incendie ou de cambriolage. Voilà quelques exemples pour lesquels Time Machine ne peut rien faire, alors que je considère comme vital, ou tout au moins important, d'avoir mis en place de telles procédures, et pour nous de pouvoir fournir des solutions.




De quelle manière avez-vous tenu compte de l'arrivée de Time Machine avec Tri-Backup 5 ?

Ils cohabitent sans problème, et les besoins remplis sont différents. Time Machine est très bien pour réparer une erreur ou une perte de données. Mais dès qu'on envisage de réellement mettre à l'abri ses données importantes, il faut un autre outil.

Tri-BACKUP offre beaucoup plus de souplesse, et de nombreuses fonctions qui complètent les possibilités de Time Machine, voire peuvent même les remplacer. La fonction de Time Machine, à savoir la possibilité de sauvegarder plusieurs versions successives de chaque document, et de revenir à une des versions précédentes, est présente dans Tri-BACKUP depuis 6 ans avec la version 3, nous appelons cela la "Sauvegarde Évolutive".


Et comment organisez-vous vos propres sauvegardes ?

Je suis un accro de la sauvegarde. Nous pouvons fermer TRI-EDRE si nous perdons nos données informatiques. Et j'applique aussi cette "manie" à mes données personnelles, ça me ferait mal de perdre toutes mes photos par exemple.

J'utilise Time Machine pour les besoins de base. Tri-BACKUP lui se charge de mettre réellement nos données à l'abri pour pouvoir redémarrer immédiatement, et aussi pour synchroniser différents postes, à titre personnel j'utilise plusieurs Mac.

Je me sers aussi de TrashMagic qui agit comme un filet de sécurité si j'ai mis des données à la Corbeille avant de me rendre compte que j'en avais encore besoin. TrashMagic, c'est génial pour ça.


Est-ce que l'iPhone vous intéresse comme plateforme de développement ?

L'iPhone nous intéresse. J'ai un iPhone depuis le premier jour de sa disponibilité. Il va modifier notre façon d'utiliser l'informatique, car c'est une fenêtre d'accès réellement utilisable sur nos données et sur Internet. Les logiciels pour iPhone vont créer un nouveau marché, avec des règles et des produits différents : petits prix, monofonction et vente essentiellement en téléchargement. Il y a des développements et de nouveaux produits prévus, et TRI-EDRE distribuera en 2008 des logiciels pour l'iPhone et l'iPod touch.


Question subsidiaire, quand est prévue la refonte totale du look du site ?

Très bonne question ;-)

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