Témoignages : « J'ai quitté Apple… et je suis revenu »

Florian Innocente |

Avez-vous tenté l'aventure de quitter macOS ou iOS pour aller vers Windows ou Android, puis décidé de « revenir à la maison » ? C'est cet aller-retour qui était l'objet de notre dernier appel à témoins et quelques dizaines d'utilisateurs ont raconté leur expérience.

Les raisons de changer de crémerie sont variées, ça peut être une question de moyens financiers lorsqu'on s'apprête à renouveler son matériel ou tout simplement une irrépressible curiosité. Mais une fois arrivé de l'autre côté l'herbe n'est pas forcément plus verte et l'adaptation pas si évidente. Changer c'est réapprendre, ça peut être aussi se détacher d'un groupe. Ces plateformes concurrentes ont d'indéniables attraits mais ceux d'Apple sont également puissants.

Les situations les plus courantes sont celles d'un switch d'iOS vers Android. Mais une fois le changement effectué, l'écosystème d'Apple et l'intégration de ses logiciels, matériels et services se rappellent au bon souvenir de ces utilisateurs.

D'iOS à Android

L'un de ces lecteurs, Alargeau a tenté le coup pour un Galaxy S7 (2016), parce que son prix était plus abordable et parce qu'il n'y avait pas un gouffre entre les fonctions de ce Samsung et celles de son iPhone 4S, « mais c'est dans les petits détails qu'Apple est forte », dit-il. Entre un transfert initial de ses données qui ne s'est pas bien passé, des bugs répétitifs et l'impossibilité d'envoyer des SMS depuis son MacBook ou de synchroniser ses mots de passe, l'expérience s'est conclue par l'acquisition d'un iPhone SE.

Sur iPhone depuis le 3GS, LessToma s'est acheté le Galaxy S20 FE sorti l'an dernier et il a passé les deux premiers mois sans grands soucis, hormis de rares bugs. Mais il s'est retrouvé en quelque sorte orphelin de son précédent environnement : « Je suis revenu sur un iPhone, je suis trop ancré dans l’utilisation des services Apple, une grande partie de ma famille étant utilisatrice Apple, iMessages et le partage de photos ont été les plus grands manques. »

On retrouve cette dépendance à la transparence de communication entre les appareils Apple dans d'autres témoignages. MasterJojo1104 avait troqué son iPhone pour un OnePlus 7T au début 2020. Galère (relative) tout d'abord pour transférer photos et albums d'iCloud vers Google Photos. Mais ceci fait, il perdait la capacité à retrouver immédiatement dans l'album de son Mac ou iPad une photo venant d'être prise avec son smartphone.

OnePlus 7T

Et puis il y a eu le reste : « J'ai commencé à être gêné par le manque d'intégration et de communication entre les applications tierces et Android, que ce soit pour le remplissage automatique des mots de passe ou l'intégration du capteur d'empreinte avec les applications tierces. Également, des applications comme Instagram qui sont bien moins confortables à utiliser sur Android que sur iOS ». Il a depuis changé son OnePlus pour un iPhone 12 mini, qui a le mérite supplémentaire d'être plus confortable en main.

Pour Berkanovitch c'est pareillement le déménagement de ses milliers de photos et vidéos vers son Galaxy S20 flambant neuf qui s'est avéré plus compliqué qu'escompté. Ni une ni deux, profitant d'une promo, il est reparti vers un iPhone 12 mini et a revendu par la même occasion sa Galaxy Watch 3 toute neuve pour prendre une Apple Watch. « Imaginez le gaspillage », reconnaît-il. Il regrette au passage qu'iOS ne soit pas disponible sur des smartphones autres que l'iPhone. Un vœu pieu.

L'Apple Watch peut désormais être un motif pour rester chez Apple, au même titre peut-être que l'indéboulonnable Messages. johnlocke2342 a fait de nombreux allers et retours car Face ID l'agace au plus haut point et plus encore en ces temps où le masque bloque son utilisation. Il a donc préféré un iPhone SE 2020 à un iPhone 11 mais il a mis de côté son OnePlus. Il pourrait revenir sur Android, toutefois ce n'est plus si simple : « Mon récent retour est surtout lié à l’envie de repasser sur Apple Watch, le retour sur Android ayant été un crève-cœur puisque cela rend l’Apple Watch inutile. »

L'écosystème Apple n'est pas le seul avantage cité. Fego007, qui bourlingue pas mal entre iOS et Android, a même acheté le premier Galaxy Fold pour se faire une idée, mais il n'en est pas sorti convaincu. Il juge l'OS de Google à la sauce Samsung trop « brouillon, fourre-tout. » Mais il a été déçu également, à l'époque de son Galaxy Note 3, par des problèmes récurrents et un SAV « catastrophique » qui ne réglait apparemment rien à ses ennuis.

Dans le témoignage de Kenshiro69 on retrouve les critères d'une plus grande simplicité d'iOS, d'une qualité supérieure de ses apps (que ce soit iMovie ou la version iOS d'Instagram) ou la bonne entente entre les appareils de la Pomme. Il met toutefois en exergue un autre facteur, celui de la pérennité des produits d'Apple :

Force est de constater qu’il y a un côté « intemporel » avec les iPhones (du moins à 4 ou 5 ans), ce qui m’amène à la partie qui fait la force d'Apple : le suivi et la longévité de leurs produits. C’est un gage de pérennité et c’est important. Important de savoir que son iPhone, iPad, MacBook se revendront mieux que ses alter-ego Android, sans parler de la dépréciation incroyable de son concurrent direct Samsung.

Dans ces retours d'expériences, certains sortent de l'ordinaire comparaison de fonctions ou de plateformes, ou alors ils révèlent des choix singuliers. Par exemple, Nathan008 reconnaît sans ambages qu'il est sensible aux jugements extérieurs : « Je suis quelqu'un de très influençable et encore jeune donc j'avoue que le regard et les remarques (« c'est quoi ton téléphone de geek » bla bla bla) que portaient les gens sur moi ont aussi provoqué mon retour chez Apple. »

Initialement il avait pris un One Plus 7 Pro, intrigué par la popularité de cette marque auprès des personnes de son âge et attiré par son tarif. Finalement, déçu par Android, par l'ergonomie du système ainsi que par sa montre connectée Fossil achetée dans la foulée, il a pris un iPhone 11 et inscrit une Apple Watch sur sa liste. En outre, son Android ne fera plus obstacle à la synchronisation de ses données avec son MacBook Pro.

La notion de sécurité et de confidentialité de données, un cheval de bataille d'Apple, est avancée par quelques lecteurs. nono18200 a écumé quelques marques concurrentes — Asus, Huawei, Google — et il se dit toujours réticent lorsqu'il s'agit de leur fournir un mot de passe ou des informations personnelles : « On a beaucoup plus de mal à leur faire confiance ». En cas de perte de son iPhone, sachant tout ce qu'il recèle d'infos personnelles, Nathan008 se dit plus confiant dans le système d'Apple pour rester inviolable que pour des appareils Android : « Ça rassure. Et ça a été aussi un détail qui m'a fait revenir chez Apple et sur iOS. »

Et pourquoi pas les deux

Dernier cas de figure chez Jacques alias notcloud. Il a tout simplement deux téléphones en permanence : il a choisi un iPhone SE 2020 pour remplacer son iPhone 11 trop grand (comme son XR avant cela) et parce qu'il n'aime pas Face ID lui non plus. Puis il a ajouté un Redmi Note 8 Pro au début de l'année dernière, pour étudier cet animal d'Android d'un peu plus près :

Il y a du bon et du moins bon. On peut personnaliser beaucoup de choses, le tiroir d’applications est très pratique, le journal de notifications est très pratique aussi. Par contre, dans le menu des paramètres, le rangement des rubriques et des sous-rubriques, tout est à refaire et parfois mal traduit. On va dire que ce sont des erreurs de jeunesse. J’ai eu du mal, j’ai pris des notes sur papier, maintenant j’y arrive, mais c'est bon à savoir.

Pixel 4a

Avec cet Android validé péniblement, mais validé, un Pixel 4a a pris la place du Redmi. Il utilise donc l'iPhone pour tout ce qui est disons sérieux : « J’aime beaucoup iMessage, la stabilité de l’OS, la sécurité et la confidentialité qui est important pour moi. » Le Pixel est dédié au divertissement, dont YouTube. Deux smartphones pour un usage personnel ? Ça peut paraître un poil compliqué, mais visiblement pas pour Jacques, et les deux téléphones lui sont revenus moins cher qu'un seul gros iPhone : « Avec l’iPhone SE 2020 et le Pixel 4a j’ai le meilleur des deux mondes, c’est un vrai bonheur et je peux faire de belles photos et vidéos en toutes circonstances. »

De Windows à macOS

Avant le switch entre smartphones, il y a celui entre PC et Mac, grâce surtout à l'utilisation par Apple de puces Intel. Il arrive que des utilisateurs retournent sur Windows (ou aient envie de Linux) pour disposer par exemple d'une machine puissante ou d'une carte graphique costaude pour un prix plus abordable. « Payer jusqu'à 3 000 € pour avoir une machine performante graphiquement parlant ne passait pas », grince GameAndWatc4 à propos des MacBook Pro.

Ou alors c'est Apple qui a alimenté toute seule un ressentiment au fur et à mesure qu'elle se désengageait de certains marchés ou que ses machines abandonnaient des équipements. Exemple chez Moustif, photographe :

Quand Aperture a été "suicidé" en 2014, je me suis rendu compte d'une chose. J'utilisais iWeb, abandonné. J'utilisais iDVD, abandonné. J'utilisais iWork, la dernière version était une terrible régression. Aperture était juste le dernier clou du cercueil.

Notre lecteur est toutefois revenu sur Mac au fil du temps, via l'iPad qui a été rejoint par un iMac 2017, par des AirPods Pro et par un MacBook Air M1 : « Ce qui m'a frappé le plus, c'est le gain de productivité que je ressens aux commandes d'un Mac […] Dès que j'ai récupéré un Mac, j'ai compris que je n'avais rien oublié. »

Chez ceux qui ont tenté l'expédition vers Redmond, Windows 10 reçoit quelques satisfécits pour son évolution, comme en liste ecatomb : gestionnaire de fenêtres, intégration d'Office, tuiles du menu Démarrer, etc. Mais aux yeux de certains il pâtit toujours, comme Android, d'un sentiment de complexité, détaille kamilcglr :

Dès qu'on commence à chercher des choses dans les paramètres on se retrouve rapidement sur les vielles fenêtres de configuration compliquées. Pareil pour les icônes (aucune homogénéité) même entre les produits Microsoft (même si ça commence à changer dernièrement). L'explorateur Windows a très peu évolué, aucune possibilité d'avoir des onglets en 2020… Sans parler des autres problèmes propres à Windows : l'ordinateur qui plante sans aucune raison, des tâches qui s'exécutent en arrière-plan et qui monopolisent le processeur alors qu'on n'a rien demandé.

D'autres critiquent le moteur de recherche de Windows, toujours pas au niveau du Spotlight de macOS malgré le temps passé : « La recherche d'un fichier par son nom ou contenu est une horreur. macOS a fini de passer tout le disque en revue alors que Windows achève à peine de regarder un répertoire » relate ecatomb.

Au-delà des bisbilles sur l'interface, les Mac peuvent séduire pour des choses parfois très simples comme… le silence de fonctionnement. Ce critère — qu'Apple ne se prive pas de mettre en avant — est revenu quelques fois dans les commentaires : « Je n'en pouvais plus d'entendre le portable ventiler même quand je ne faisais que de la bureautique », écrit GameAndWatc4 à propos de son ancien MSI 15" 4K acheté en 2017 pour remplacer un MacBook Pro Retina de 2012 : « Je me suis donc résolu à revendre le MSI pour prendre un bon MacBook Air d'occasion et monter un PC à coté ».

Comme on l'a vu plus haut, le processeur M1 pourrait bien être un moyen pour Apple de garder ses clients et de faire revenir ceux partis, grâce à ses performances, à l'autonomie sur les portables et à des prix qui n'ont pas flambé en ce début de migration — ils ont même baissé.

L'arrivée du M1 a fini de convaincre bengir de revenir sur Mac après un an sur un HP à 600 € « pas super sexy, mais qui tient la route ». Il n'en dit pas beaucoup de mal, loin de là, tressant même des lauriers au SAV local du constructeur (il est installé à Taïwan). Mais il est plus critique sur Windows : « Quand on gratte un peu, tout est compliqué. Par exemple, il est impossible de prévisualiser mes PDF dans Outlook, il y a des bugs d'iCloud dans l'Explorateur, etc. Des tas de petites choses qui semblent faciles mais impossibles à résoudre au final ».

Peu d'issues de secours

En définitive, et c'est un propos qu'on a lu dans d'autres témoignages, après avoir changé de plateforme il est difficile de perdre ses habitudes d'utilisation d'un système, les réglages qu'on connaît, les raccourcis qu'on maîtrise :

Je retourne à un Mac M1 mais, pour moi, outre les super avancées du processeur c’est surtout le retour à un système auquel je suis habitué. Il est moins différencié qu’auparavant comparé au PC, mais il a pour lui clarté, stabilité et une certaine cohérence.

Apple a aujourd'hui de multiples cordes à son arc pour retenir ses clients, quand bien même on a vu que certains tentaient de s'émanciper (une poignée de témoignages un peu hors sujet évoquent un départ sans retour pour les plateformes concurrentes : PC Linux, tablette Samsung, smartphone Xiaomi, montre Withings, etc).

Mais entre ses plateformes très imbriquées, la force de l'habitude et des réflexes, l'intégration des logiciels avec les services, le renfort de l'Apple Watch, la domotique de HomeKit, la multiplication des accessoires et la surprise de la puce M1 avec ce qu'elle suppose de potentiel pour l'avenir, Apple a installé de sérieux verrous sur les portes de sortie.

On peut toujours maximiser le recours à des services multiplateformes ou web pour gagner en indépendance et se tenir prêt un éventuel départ. Il n'en reste pas moins qu'il y a toujours des spécificités dans ces plateformes ou matériels Apple qui rendront le changement de plus en plus compliqué.

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