Club iGen : interview d’Émilie Ettori, l’illustratrice de notre affiche Apple Park

Florian Innocente |

Pour la collection de goodies proposés dans le cadre de notre Kickstarter nous avons voulu avoir une affiche qui exprime pleinement l'univers Apple sans pour autant aller vers la représentation de l'un des produits de la marque..

Proposer, à ceux qui vont nous soutenir, quelque chose de différent. Qui soit familier à l'amateur de Mac, d'iPhone ou d'iPad, qui lui parle mais sans utiliser ces appareils. L'idée d'Apple Park s'est vite imposée car ce bâtiment est devenu un emblème de la Pomme, au même titre que certains de ses produits les plus connus. C'est l'ultime grande oeuvre de Steve Jobs, qu'il dévoila lui-même à l'été 2011.

Si l'on peut depuis quelque temps parler de produits "post Jobs" dans les annonces qui sont faites chez Apple, ce campus est comme une passerelle entre deux époques. Il a été imaginé du vivant du co-fondateur d'Apple puis construit et achevé après sa disparition. C'est un bâtiment qui marque une transition entre deux hommes — Jobs et Cook — c'est un symbole massif et imposant d'un nouveau chapitre dans l'histoire de la Pomme.

Pour réaliser cette affiche qui sera imprimée en série limitée, nous nous sommes tournés vers l'artiste lyonnaise Emilie Ettori. Architecte de formation elle a orienté son activité vers des illustrations de quartiers et de villes vus du ciel. En plus de sa production personnelle elle réalise parfois des dessins pour des magazines, institutions ou même des particuliers.

Émilie Ettori. Image Leofotka.

Dans sa manière de représenter ces lieux, elle n'a rien inventé, comme elle le dit d'emblée : « Les vues aériennes, c'est un mode de dessin qui fait partie du bagage de l'architecte, c'est une axonométrie. Un type de dessin parmi d'autres, pour aider à la compréhension d'un projet. Certains clients ont parfois du mal à visualiser un bâtiment dans l'espace ».

Si ses illustrations s'appuient sur une technique courante, elle a développé un style personnel. Il est fait d'une palette de couleurs très réduite, surtout utilisées pour les ombres. Les tracés sont fins, les représentations des lieux sont fidèles et empreintes de détails. Les bâtiments et les espaces trahissent, volontairement, leur exécution à la main levée. Les grandes lignes sont légèrement tremblantes. Ce ne sont jamais des représentations froides, il y a toujours une atmosphère heureuse.

Ce sont des dessins sans assistance par ordinateur… ou presque. Comme nombre d'illustrateurs, Émilie Ettori est passée par la tablette Wacom et les logiciels d'Adobe mais sans renier les supports traditionnels : « Je n'abandonnerai jamais le papier » assure-t-elle.

Elle noircit toujours des carnets de croquis, remplit de grands formats papier et une autre de ses marottes est la sérigraphie, qu'elle utilise régulièrement pour ses tirages. Elle continue sur papier mais travaille aussi sur son iPad Pro 9,7" avec son Pencil :

Je ne suis pas du tout experte et je pense que j'utilise mon appli et mon iPad à leurs capacités les plus basses. Mais ça s'adapte à mes besoins et c'est assez intuitif. Quand on aime bien les choses faites main, c'est tellement simple d'utilisation qu'on bascule vers ça.

L'affiche d'Apple Park a été réalisée avec la tablette. C'est en voyant l'une de ses vidéos sur Instagram, où elle travaille avec son Pencil, que l'idée de lui proposer ce projet est devenue évidente.

S'il y a toujours cet attachement fort au papier, pourquoi être allée vers l'iPad et le Pencil en plus de la tablette graphique et de l'ordinateur ?

J'avais quelques commandes web, pour faire des contenus exclusivement numériques. J'avais testé ce stylet en magasin et trouvé ça vraiment fantastique, c'est bluffant de voir la précision, la fidélité du trait… tu gères la pression. Au début je faisais mes dessins sur papier, je les passais au scan, puis dans Photoshop pour les nettoyer et ajouter les ombres et la couleur avec ma tablette graphique.

Là je pouvais directement tester les ombres, sans perdre de temps, je n'avais pas de phase de nettoyage, et puis pour les projets web je pouvais travailler au bon format et à la bonne résolution. Sinon c'est super abstrait pour moi quand il faut faire certaines tailles.

J'utilise Procreate, l'app n'est pas chère (11 €, ndlr) et je peux faire des grands formats sans soucis. Même si je n'utilise que deux ou trois stylos, il y a toute une palette à disposition. C'est parfois d'ailleurs un peu gadget, il y a des trucs assez inexploitables ou dont je me demande ce que je pourrais faire avec.

L'habitude de travailler au Pencil s'est prise « très rapidement, ça s'est fait naturellement. N'utilisant pas toutes les possibilités de mon stylet Wacom, l'absence de gomme sur le Pencil ne m'a pas gênée ». Émilie a adopté cet outil sans en faire pour autant son unique support de travail :

Je n'abandonnerai jamais le papier pour ça (montrant l'iPad) ça c'est évident. Je n'ai pas acheté cet iPad pour remplacer le papier, il n'y a pas la même sensation, mais je suis assez bluffée. Je n'ai pas utilisé assez de stylets pour pouvoir comparer mais pour moi qui ai un dessin assez linéaire, pour qui la précision et la finesse du trait sont importants, je trouve que c'est vraiment fidèle à un stylo, ça ne me bloque pas dans ma manière de dessiner.

J'avais peur de perdre mon identité graphique mais je peux aller vachement dans le détail des façades, c'est ça qui me plaît dans mes dessins. C'est vraiment accessible pour des gens qui travaillaient à l'ancienne ou qui ne sont pas des geeks. En définitive ça me correspond bien.

Avantage aussi du travail avec l'iPad, la rapidité et la facilité pour les échanges avec les clients, lorsqu'il y a des discussions sur des modifications à apporter. La mobilité en plus.

Pour cette représentation d'Apple Park nous lui avons soumis cette vue d'artiste qui a longtemps servi d'illustration chez Apple à ce qu'allait donner le projet une fois achevé.

La base d'inspiration de l'affiche

Pour ses différentes illustrations, Emilie Ettori s'appuie sur les cartes d'Apple et de Google :

J'ai Plans d'ouvert sur mon ordi pour avoir un niveau de détails assez élevé puis je fais les tracés. Avec Plans et Google Earth, je regarde comment sont faites les maisons, pour choisir ce que je vais reprendre comme éléments. Je me mets dans Street View pour voir s'il n'y a pas d'autres choses qui pourraient être intéressantes, ce seront par exemple des personnages qui figurent dans le dessin ou tout ce qui est panneaux ou feux.

Tout est fait à main levée, je m'applique à ne surtout pas faire de trucs rigides, surtout pas faire de crayonné. Ça ne m'intéresse pas de faire un dessin pour le décalquer ensuite. Je fais d'abord les grands axes, les grands éléments pour que ce soit cohérent et tout le reste ce sont des niveaux de détails qui s'ajoutent et s'approfondissent.

À propos de cette commande, elle explique que la forme très basique du bâtiment d'Apple n'était, paradoxalement, pas synonyme d'une plus grande facilité :

Ce dessin a été particulier car c'était très dur de faire comprendre l'échelle et d'insérer des repères, le bâtiment étant colossal et construit sur un terrain plat à l'infini :). C'était donc compliqué de faire comprendre les dimensions et c'est pourquoi le premier plan était important à détailler.

Après quelques allers et retours, de points de détails modifiés (dont un easter-egg au dernier moment), l'affiche a été finalisée. Elle est incluse dans les deux derniers paliers de notre Kickstarter. Signée par son auteure, elle sera tirée à seulement 100 exemplaires, en format 50x70.

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