Andelia : les bornes interactives qui ressemblaient à des iPhone de 32 pouces

Anthony Nelzin-Santos |

Les bornes libre-service de la SNCF qui affichent les départs quand vous vouliez sélectionner « Retrait de dossiers et de billets ». Les distributeurs automatiques des TCL illisibles au moindre rayon de soleil. Les guichets automatiques des banques qui sonnent comme de vulgaires PC Windows. Les kiosques d’informations bloqués sur un écran bleu ou un message d’erreur d’Adobe Flash. Nous ne sommes jamais pris d’enthousiasme pour une borne interactive… jusqu’à ce que l’on utilise celle de la petite société française Andelia, qui présente la particularité d’être construite autour d’un Mac mini.

Nous devons avouer avoir levé les yeux au ciel lorsque Patrice Casse nous a contactés pour nous présenter ce qu’il décrit comme « un iPhone de 32 pouces »« sérieusement, une borne tactile ? » Le doute s’est transformé en franc scepticisme lorsqu’il est arrivé à la rédaction avec une grosse valise de plusieurs dizaines de kilos et des brochures en papier glacé — « des brochures ! En papier ! » Et puis nous avons utilisé la borne Tactilys pendant un quart d’heure qui est devenu une heure, puis deux — « c’est quand même très fluide… »

Cette fluidité, la borne Tactilys la doit au Mac qu’elle renferme. « Les premières bornes », conçues en 2008 dans les hauteurs de l’ancien quartier militaire Craplet de Barcelonnette, « étaient construites autour d’un Mac Pro, avec une grosse climatisation. » Elles contiennent aujourd’hui un simple Mac mini : « il est suffisamment puissant, il coûte moins cher, il consomme moins, et libère beaucoup d’espace. »

Les bornes Tactylis, déclinées en modèle d’extérieur, d’intérieur et de vitrine, se distinguent aussi par leur écran tactile de grande qualité. « Nous utilisons les mêmes dalles que JCDecaux », explique Patrice Casse, « et nous faisons fabriquer la matrice sur mesure en Chine ». Capable d’atteindre 2 000 cd/m² et traité antireflet, l’écran est lisible en plein soleil… mais dans le Sud, les bornes sont placées à l’ombre pour ne pas avoir à tourner à pleine puissance toute la journée.

Un Mac et une dalle sur mesure, ces choix techniques peuvent sembler incongrus quand les concurrents d’Andelia se contentent de composants qui évoquent les PC bas de gamme. Mais Patrice Casse est un amateur des produits de la firme de Cupertino — pour un peu, il présenterait sa société comme l’Apple de la borne interactive. Pas assez orgueilleux pour le faire, il se contente de défendre la « spécificité et l’originalité » de sa proposition.

D’originalité, sa borne en manque quand son interface s’inspire de celle de l’iPad jusqu’à l’excès : « les utilisateurs sont en terrain connu », se justifie le fondateur d’Andelia, « et puis Apple a trouvé les bonnes réponses aux questions que nous nous posons. » De fait, on a envie de pincer pour zoomer sur la carte touristique… et ça ne fonctionne pas. On avait presque oublié que la borne tournait sous OS X : « il ne gère pas le tactile, donc nous avons développé notre propre pilote. » Pourquoi, alors, ne pas avoir prévu de gestes multitouch ? « La dalle reconnaît plusieurs points de contact », rétorque Patrice Casse, « mais nous n’exploitons pas cette capacité, car Apple possède plusieurs brevets dans le domaine. »

La spécificité de la solution d’Andelia est indéniable : OS X lui offre un niveau de sophistication auquel les kiosques affichant une simple page web ne peuvent prétendre. Une application Mac, qui ressemble à un croisement entre Keynote et iWeb, permet au client de personnaliser sa borne selon qu’il soit un office de tourisme, l’organisateur d’un salon, un cinéma, une concession automobile, un aéroport… Des modèles et des widgets permettent d’aller plus vite : on glisse ici un plan interactif, là un annuaire des hôtels, un peu plus loin la météo et des informations pratiques… D’un clic, le tout est envoyé sur toutes les bornes reliées au réseau.

Et si le réseau tombe en panne ? « La borne conserve un cache de ses données : elle peut toujours servir de plan ou d’annuaire le temps que des techniciens interviennent. » Bon, et si la borne elle-même fait des siennes ? « Elle remonte un diagnostic de bon fonctionnement toutes les minutes. Un gestionnaire intercepte les messages d’erreur, et fait en sorte de les fermer pour éviter que l’utilisateur ne les voit, ou de redémarrer la machine si c’est plus grave. En cas de rupture de communication, nos équipes sont prévenues immédiatement. » Onze sites de maintenance, indépendants d’Andelia mais agréés par la société, sont capables d’intervenir sur site dans les 48 h.

Les modèles d’extérieur, utilisés par exemple par les offices de tourisme, contiennent deux écrans. « C’est très compliqué du point de vue du refroidissement, mais cela nous permet de proposer une solution accessible » : le châssis de la borne, alliant bois et métal traité anticorrosion, est taillé de manière à faciliter l’approche en fauteuil et l’utilisation de l’écran du bas. La borne est censée fonctionner en continu, mais des capteurs lui permettent d’adapter son fonctionnement pour limiter sa consommation.

Le contrôleur énergétique fait varier la puissance du système de refroidissement, la borne pouvant fonctionner de -30 °C comme à Courchevel jusqu’à plus de 40 °C comme en bord de mer. Les capteurs de luminosité et de présence adaptent la luminosité de l’écran, et déclenchent l’allumage du plafonnier intégré à la coiffe s’il le faut. Une coiffe qui contient aussi des antennes : « si la collectivité le souhaite, elle peut faire en sorte que la borne redistribue sa connexion par un réseau Wi-Fi public ».

La borne Tactylis est plutôt jolie, plutôt pratique, et particulièrement agréable à utiliser… mais tout cela à un coût. « La concurrence est 30 % moins chère », admet Patrice Casse, « mais nous misons sur la qualité. » Un argument qui fait parfois mouche : « les gens y sont de plus en plus sensibles, notamment pour les marchés publics, où l’on pense au coût global. » Andelia propose des offres de financement pour les clients voulant acheter le matériel, qui coûte entre 15 et 18 000 €, mais aussi une offre de location incluant la maintenance du matériel et son remplacement tous les trente-six mois.

Les bornes sont solides et faciles à réparer : « nous n’avons été confrontés qu’à trois cas de vandalisme, dont deux sur la même borne ; à chaque fois, il n’a fallu changer que la vitre de protection. » Et la solution d’Andelia consomme deux fois moins que ses concurrents en utilisation intensive et trois fois moins en utilisation normale. Mais ces arguments ne suffisent pas pour l’emporter à coup sûr : « nous sommes toujours premiers sur les technologies, mais les clients potentiels ne mettent pas toujours l’accent sur les technologies. » Pas de quoi entamer l’enthousiasme de Patrice Casse pour le Mac et les possibilités qu’il offre.

« Nous observons avec intérêt l’évolution du Mac mini. Enfin, nous avons un peu peur, aussi. (Rires) ». Peur qu’il n’évolue plus ? « Quelque part, sa “stabilité“, pour le dire gentiment, nous arrange. » Peur qu’il évolue trop, alors ? « Nous espérons qu’Apple ira vers quelque chose de plus petit et de plus fin, pour libérer encore plus d’espace et nous permettre d’imaginer de nouveaux formats. Mais comme nous concevons et fabriquons nous-mêmes nos boîtiers, nous pourrons nous adapter. » S’adapter, c’est aussi ce qu’Andelia a dû faire avec son logiciel, qui trahit maintenant son âge.

Si la borne que nous avons testée utilise une interface rappelant iOS 6, Andelia a commencé à déployer une version pas tout à fait copiée sur iOS 7. Le passionné d’Apple doit lui-même en convenir : la majorité des utilisateurs de bornes Tactylis connaissent mieux Android qu’iOS. « Nous nous sommes rendu compte que tout le monde ne comprenait pas à quoi faisaient référence certains points de notre interface », concède-t-il. La nouvelle version est donc un peu moins marquée, mais elle tourne toujours sous OS X : c’est ce qui en fait la première borne interactive que nous avons eu plaisir à utiliser. Si on nous avait dit que cela arriverait un jour…

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