Avec GeForce Now, le Mac devient un PC très joueur

Mickaël Bazoge |

C’est une réalité que les utilisateurs de Mac ne connaissent que trop bien : pour eux, le jeu, c'est mort. Oh certes, il existe bien une petite logithèque sur macOS mais elle est sans commune mesure avec le choix pléthorique de leurs camarades sur PC.

Dans ces conditions, comment étancher sa soif vidéoludique tout en restant sur son Mac ? On ne peut pas compter sur Apple pour améliorer la situation malheureusement, mais on peut se tourner vers des solutions de cloud gaming pour se faire plaisir y compris avec une machine aux performances graphiques inexistantes.

Les plateformes ont fleuri ces derniers mois ; nous avons ainsi eu l’occasion de tester — et d’apprécier — le Shadow de la jeune pousse française Blade. Une autre proposition signée Nvidia est en passe d’être lancée : GeForce Now. Encore en bêta, cette solution présente des performances intéressantes ; il nous manque toutefois quelques cartes pour pouvoir donner un avis définitif.

Un PC de gamer dans le Mac

Sur Mac comme sur PC, GeForce Now permet de s’adonner aux jeux les plus gourmands, sans avoir sous la main une machine suffisamment puissante pour les faire tourner. Pour peu qu’on possède une connexion internet solide (on y reviendra), le contrat est rempli : on peut jouer à PUBG ou Injustice 2 sur un MacBook Air de 2014 ! Et on en prend plein la vue malgré la carte graphique anémique de l’ordinateur.

Les jeux en question bénéficient en fait du meilleur rendu qui soit puisque le traitement graphique est assuré par les GPU les plus puissants de Nvidia, avec une promesse : celle de faire tourner les jeux en 1080p à 60 ou 120 images par seconde. Pour y parvenir, le constructeur utilise des GPU Tesla P40, qui allouent dynamiquement des ressources graphiques en fonction des besoins du jeu. Cela peut être l'équivalent d'une GTX 1060 ou d'une GTX 1080Ti, du moment que le jeu roule au minimum en 1080p à 60 FPS.

Au-delà des considérations techniques, jouer sur un Mac un peu vieillot à des jeux triple A réservés à Windows met une petite claque (au passage, on regrette qu’Apple ait abandonné ce terrain). En quelque sorte, c’est comme si un PC de gamer s’était glissé dans le Mac.

Des jeux pour commencer...

Jouer avec les plus gros jeux du moment via GeForce Now nécessite de remplir quelques exigences. Il importe tout d’abord de posséder les titres pour en profiter sur son Mac. Le service de Nvidia prend en charge Steam, la célèbre plateforme de Valve, et Uplay d’Ubisoft. L’entreprise travaille aussi avec Electronic Arts pour le support d’Origin.

La page d'accueil de GeForce Now.

Le catalogue est déjà plus que conséquent et il y a de quoi s’amuser. Ce d’autant que la totalité des jeux de ces plateformes sont compatibles. GeForce Now met en avant des titres spécifiques pour une raison particulière : ils ont été optimisés pour le service, c’est-à-dire qu’ils offriront les meilleures performances graphiques dès leur lancement.

La bibliothèque de jeux du joueur.

Nvidia a mis au point Optimal Playable Settings (OPS), un ensemble de réglages qui optimise automatiquement certaines préférences comme la définition des jeux et leur qualité graphique.

Mais tous les jeux Steam et Uplay sont en fait compatibles. Pour certains qui ne sont pas optimisés OPS, il faudra simplement faire un tour dans les réglages pour adapter au mieux la qualité graphique.

... et une connexion solide pour en profiter

GeForce Now est une application macOS et Windows disponible en bêta publique (il faut s’inscrire pour recevoir le sésame, et la file d'attente est très longue). Pour ce qui nous concerne, un Mac sous Yosemite (OS X 10.10) minimum est requis. La compatibilité du service avec nos machines est remarquable : il suffit en effet d’un MacBook de 2008 pour en profiter ! Mais après tout, quoi de plus normal, l’ordinateur se contente finalement d’afficher un flux vidéo et d’envoyer des commandes. Le travail de rendu graphique est assuré par les serveurs de Nvidia.

Si on veut vraiment prendre son pied, l’acquisition d’une souris avec des boutons et une molette est à considérer. Les manettes des consoles (la DualShock 4 en USB ou Bluetooth ou le contrôleur de la Xbox 360 sous réserve de bidouille) peuvent aussi faire la blague, tout comme la plupart des manettes Bluetooth.

Mais il y a une autre condition indispensable pour jouer dans de bonnes conditions : une connexion internet solide. Nvidia recommande un débit de 25 Mbps au minimum, mais si on peut pousser à 50 Mbps, ce sera plus confortable. La connexion sera d’autant plus fiable qu’elle sera sur la bande de fréquence des 5 GHz plutôt que sur du 2,4 GHz. On peut également envisager, si c’est possible, une bonne vieille connexion filaire en Ethernet.

Pour réduire encore la latence, GeForce Now comprend un mode Ultra Streaming, qui peut cependant affecter la qualité graphique des jeux.

La latence est également un élément capital : pas question d’attendre que les contrôles du joueur ne soient pas répercutés immédiatement dans le jeu, sous peine d’y passer trop souvent. Nvidia recommande une latence de 40 millisecondes et moins. Pour avoir une idée des performances du service, on peut utiliser la combinaison de touches ⌘ ⌥ F6 durant le jeu pour obtenir les statistiques (plus d’informations dans cette FAQ de Nvidia).

Avant le lancement d’un jeu, l’application effectue un speed test pour vérifier la qualité de la connexion. J’ai eu l’occasion de tester le service depuis le Canada, en me connectant à un des centres de données basés aux États-Unis. Étant donné mon éloignement physique du data center, je m’attendais à des performances médiocres en raison d’un ping élevé.

Dans cette session de PUBG : 59 FPS et une latence de 16 ms avec les réglages les plus élevés… De quoi défourailler à l’aise.
Injustice 2.

Surprise, malgré une latence souvent supérieure aux recommandations de Nvidia, j’ai tout de même pu profiter du service dans des conditions de confort somme toute agréables, sachant que ma configuration n’était pas idéale (pour ce qui concerne le Canada, des serveurs régionaux vont arriver, nous a indiqué Nvidia).

Les collègues qui ont pu tester GeForce Now en France n’ont noté aucun problème de latence et ils ont bénéficié de performances au petit poil à tout coup. Enfin presque : il arrive que les serveurs soient engorgés, dans ces cas-là il faut prendre son mal en patience...

Nvidia a ouvert récemment des serveurs en Europe pour les joueurs français. Pour le moment, ce sont deux data centers basés à Dublin et à Amsterdam qui moulinent nos données, mais d’autres vont ouvrir pour soutenir la demande qui ne manquera pas d’augmenter avec le lancement grand public du service attendu dans les prochains mois.

Tout se déroule dans le nuage : à l’exception du client GeForce Now et de Steam (si vous en passez par le service de Valve), il n’y a rien à installer de plus sur le Mac. Les jeux se téléchargent automatiquement sur les serveurs de Nvidia, ce qui permet au passage d’économiser de précieux Go — pas inutile sur des machines limitées à 64 ou 128 Go.

Tout n’est pas encore parfait cependant. Bien souvent, cliquer sur la jaquette d’un titre dans la bibliothèque de l’application GeForce Now n’est pas synonyme de jeu immédiat. Le service de Nvidia étant tributaire de Steam, il faut se coltiner l’application de Valve qui aurait bien besoin d’un ripolinage en bonne et due forme. Quand le logiciel n’impose pas un lent téléchargement d’un paquet du jeu sur le PC distant (c'est pourtant censé être immédiat), ou quand il ne plante pas tout simplement.

Combien ça coûte ?

Actuellement, le service est en bêta et Nvidia propose de le tester gratuitement. Mais ce ne sera pas toujours le cas : la version finale sera bien sûr payante... Reste à savoir combien. Le constructeur est encore en pleine réflexion sur le sujet.

À l’origine, Nvidia avait l’intention de vendre des heures selon le GPU choisi : 25 $ pour jouer 20 heures avec une GTX 1060, ou 10 heures avec une GTX 1080. Cette formule a finalement été abandonnée, mais le modèle économique définitif n’a pas été défini encore. On se dirige peut-être vers un abonnement forfaitaire mensuel.

Les data centers dédiés à GeForce Now. D'autres vont ouvrir.

Pour info, l’abonnement mensuel au service Shadow est de 29,95 € par mois. Mais ce dernier ne se limite pas au jeu vidéo : c’est en fait un PC complet auquel on a accès en ligne. GeForce Now, ce n’est vraiment que pour le jeu vidéo en streaming (pour les solutions de type « PC dans le cloud », Nvidia a mis au point les services GRID et GPU Cloud).

L’avantage ici c’est qu’à aucun moment on ne « voit » le PC, tout passe par l’interface du logiciel de Nvidia : on n’a aucun réglage à activer au préalable, il suffit de cliquer sur le jeu désiré et c’est tout. Il faut simplement accepter les bugs de Steam.

Au vu des performances offertes par GeForce Now, Nvidia est en mesure de frapper un grand coup auprès des joueurs Mac, frustrés depuis toujours ou presque par le désert vidéoludique de la plateforme. Il faut simplement placer judicieusement le curseur tarifaire : on imagine mal un forfait mensuel à 30 €, alors que pour ce prix on a accès au puissant PC complet de Shadow. Réponse dans quelques mois...

Pour conclure

Des services comme GeForce Now ou Shadow sont susceptibles de redonner une deuxième jeunesse à des Mac franchement dépassés. De quoi envisager le recyclage d’un vieil ordinateur en machine de joueur ! GeForce Now faisant complètement l’impasse sur le PC distant, c’est comme si le Mac était soudainement devenu capable de faire rouler les jeux les plus gourmands du moment, pour peu évidemment qu’on dispose d’une bonne connexion internet.

À aucun moment on n’a affaire à Windows et son interface, il n’y a pas non plus de réglages système à effectuer en amont : Nvidia se charge de tout. Y compris dans les jeux, dont les performances sont au maximum de ce qu’ils sont censés offrir avec les cartes les plus puissantes du constructeur. En ce sens, on retrouve un peu de la philosophie « it just works » d’Apple : on clique sur le jeu et bim, on joue tout simplement.

Pour l'avenir, Nvidia est évidemment le mieux placé pour mettre à jour ses serveurs : l’entreprise gère quasiment toute la chaîne. Le jour où des GPU Nvidia plus puissants que ceux actuellement au cœur de GeForce Now seront lancés, rien n’empêchera le constructeur de les mettre à disposition des joueurs en ligne. La plus grande interrogation réside finalement dans le modèle économique choisi. Il va falloir la jouer fine mais Nvidia a une carte intéressante à jouer.

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