Test de Word 2011

Vincent Absous |
Qu’on apprécie ou non son éditeur, toute nouvelle version de Word est un événement. C’est que le traitement de texte de Microsoft demeure, plus de vingt ans après sa première version sur Macintosh, un incontournable de la bureautique. Ce statut particulier, le programme le doit certainement avant tout à sa polyvalence. Si les texteurs et metteurs en page sont relativement nombreux sous Mac OS X (il n’en a pas toujours été ainsi), Word a pour lui des atouts que d’autres n’ont pas : il fait autant office de traitement de texte que de logiciel de P.A.O. légère. Il permet alors de rédiger sa dissertation, son rapport de stage, sa thèse de doctorat, le courrier de son patron, une note de service, de mettre en page le journal d’une association, de préparer l’affiche d’un vide-grenier, etc. À ce titre, il intéresse autant l’enseignant, l’étudiant, la secrétaire que Madame ou Monsieur le particulier. Et on le trouve dans les grandes entreprises comme sur l’ordinateur du fiston.

Aussi, l’arrivée d’une nouvelle version, près de trois ans après un Word 2008 qui n’avait pas fait, à l’usage, l’unanimité sur son nom, est-elle l’objet d’une attention particulière. Disons-le tout de suite : parce qu’il est parvenu à un certain degré de maturité, la nouvelle version du traitement de texte ne révolutionne pas les choses. Rien de plus normal. Si une nouvelle mouture de Pages peut être synonyme de grandes avancées, une énième évolution de Word ne peut pas prétendre à cela. Pour autant, Word 2011 marque une étape importante dans l’histoire du programme.

Une interface revue intelligemment



À première vue, l’interface de Word 2011 ressemble à celle de Word 2008. Mêmes tons gris et bleus, mêmes icônes, même page qui vient s’afficher devant soi. Pourtant, Microsoft a revu la devanture de son logiciel bien plus avant qu’une première impression peut le laisser penser.

Premier constat : Word 2011 pour Mac ressemble désormais beaucoup à Word 2010 pour Windows. Pour qui travaille avec les deux versions du logiciel, il y a là un vrai terrain connu. Et comme l’interface de Word 2010 est plutôt une réussite, celle de Word 2011 est du même tonneau. Plus dense que celle de Word 2008, elle s’avère surtout bien plus pratique à l’usage.



Plusieurs niveaux la composent par défaut. Tout d’abord, une barre d’outils (la version Windows en est d’ailleurs dépourvue) où l’on retrouve l’accès direct aux fonctions essentielles : enregistrement, copier-coller, affichage de telle ou telle palette, accès à l’aide, etc. Les icônes sont plus serrées et pourtant plus lisibles que dans la version précédente.



Au même niveau, Microsoft a eu l’idée, plutôt bonne, de placer une zone de recherche telle qu’on en trouve beaucoup sous Mac OS X. On y accède très vite d’un Command+F et les résultats s’affichent, surlignés, dans le document ou dans une liste d’occurrence à gauche du document. C’est d’ailleurs là que s’effectuent également les opérations de remplacement.



Vient ensuite une série d’onglets qui correspondent aux différentes activités qu’on peut être amené à faire dans un document (tableaux, graphique, insertion de divers objets, etc.). Chacun de ces onglets déroule un « ruban » où l’utilisateur retrouve les commandes essentielles qui vont lui permettre de travailler. Ce ruban, apparu dans la version 2008, est désormais le lieu où tout, ou presque, se passe. L’onglet Accueil reprend les principales fonctions de formatage du texte. Ces dernières ont donc quitté la palette flottante où elles avaient été logées dans Word 2008 pour revenir au dessus du texte qu’on saisit. L’onglet Disposition donne accès à tout ce qui concerne le document en soi (taille, format de papier, orientation de la page, du texte, nombre de colonnes, numérotation des lignes, arrière-plan entre autres fonctions de base. L’onglet Éléments de document permet de travailler sur différents aspects : insertion de pages, de tables des matières, de notes de bas de page ou de fin, de bibliographie, etc. C’est là qu’on trouvera l’inévitable WordArt (increvable, toujours kitsch dans ses résultats), et l’indispensable éditeur d’équations pour matheux et scientifiques. L’onglet Tableaux devrait pouvoir se passer de commentaires. Tout comme l’onglet Graphiques. SmartArt permet pour sa part d’intégrer des organigrammes, des diagrammes dans un document. L’onglet Révision, enfin, gère tout ce qui a trait au travail à plusieurs sur un même document. Le ruban s’adapte intelligemment. Un clic sur un tableau et c’est l’onglet idoine qui se déploie.



Ainsi fait, le système des onglets et du ruban est astucieux et permet, parce qu’il est assez logique dans son fonctionnement, de mieux s’y retrouver dans la jungle des fonctionnalités qu’offre un logiciel comme Word. Si l’on travaille sur du texte, l’onglet Accueil offre tout ce qu’il faut le plus souvent : formatage des polices, des paragraphes, choix des styles (avec un aperçu qui permet d’avoir une idée immédiate de l’effet rendu) et des thèmes. Plus besoin de fouiller dans les menus ou de déplier les rubriques de la palette, tout est là à portée de souris. Le bonheur pour qui, sur un écran modeste, a pesté de devoir déployer, onglet après onglet, la boîte à outils pour se retrouver à l’étroit avec des outils invisibles faute de place ! La Boîte à outils de Word 2008 n’a pour autant pas disparu. Elle est toujours là, mais si elle donne encore accès aux outils de référence, à l’Album, aux Citations ou encore au rapport de compatibilité, pour ce qui est du formatage, elle donne désormais uniquement accès aux styles courants. Du coup, on ne la convoque plus vraiment. Pour autant, le système du ruban n’est peut-être pas l’idéal pour qui travaille sur un « petit » écran et les utilisateurs de MacBook Air 11 pouces le replieront peut-être d’un simple clic.



S’ils ne le font pas, et c’est là un dernier élément important concernant cette interface, ils passeront peut-être en plein écran. Si Word 2008 offrait déjà un mode ainsi nommé, cela n’avait rien, dans les faits, d’un vrai plein écran. Tout juste ce mode-là faisait-il le ménage en escamotant barre d’outils et palette de mise en forme. Avec Word 2011, comme dans Pages, l’utilisateur peut se concentrer sur sa page : d’un clic sur la petite icône en bas à gauche et tout disparaît sinon la page elle-même et quelques commandes essentielles, le tout s’affichant sur un fond noir par défaut qu’on peut modifier pour égayer un peu la vie.



À noter que le plein écran de Word 2011 offre deux modes distincts : un mode Écrire et un mode Lire. Dans ce dernier cas, c’est toute la page qui s’affiche (on peut aussi en afficher deux côte à côte), avec les commentaires le cas échéant. On passe alors d’une page à une autre en cliquant sur les vignettes latérales ou en jouant de la souris ou du trackpad, le tout dans un effet à la Time Machine (merci Core Animation).



Écrire avec Word 2011

Comme c’était le cas déjà dans Word 2008, travailler avec Word 2011 peut se faire dans différents environnements selon le type de document qu’on veut réaliser. Outre le mode plein écran qu’on vient de voir, on retrouve le mode Page, répondant au principe du fameux WYSIWYG (What You See Is What You Get, ce que vous voyez est ce que vous obtiendrez), propre au traitement de texte, le mode Brouillon, qui permet de taper du texte au kilomètre sans se préoccuper, pour le moment de sa mise en forme, le mode Plan, qui permet, lui, de travailler un document structuré logiquement, le mode Bloc-Notes où l’on « jette sur le papier » idées, notes, objets divers (sons, images, etc.) et le mode Publication qui permet, à l’instar de Pages par exemple, de mettre en page des compositions plus évoluées associant textes et images notamment. Encore une fois, Word se veut polyvalent.



Pour cette version, Microsoft n’a rien ajouté de spectaculaire à son logiciel vedette. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a rien de nouveau. Loin s’en faut. Word 2011 propose diverses améliorations qui facilitent la vie de l’utilisateur.

La bibliothèque de projets est devenue « Bibliothèque de documents Word ». Le principe est le même : à l’ouverture du logiciel, l’utilisateur accède à une série de modèles de documents qu’il peut utiliser et modifier pour ses propres compositions, modèles qui sont classés et qui s’avèrent de bonne facture même si, avis personnel, on leur préfère ceux, plus élégants à nos yeux, de Pages. Si ceux qui sont installés avec Word ne suffisent pas, on peut encore en récupérer facilement en ligne, proposés par d’autres utilisateurs. Comme toujours, de toute façon, les modèles sont peut-être plus adaptés à un public américain qu’à un public français, mais il y a de quoi faire.

La bonne idée est certainement de permettre leur personnalisation d’emblée. En effet, le modèle choisi, on peut immédiatement choisir un autre jeu de polices et un autre jeu de couleurs. Le simple fait d’opter pour des polices sans serif donne tout de suite une allure différente au document.



Autre bonne idée qui facilite la gestion des styles : les guides des styles. Cette fonction, qu’on active depuis la palette Styles, permet d’avoir un aperçu rapide des styles utilisés dans un document. Un chiffre et une couleur, qui s’affiche en marge de la page, sont associés à chaque style et l’utilisateur peut ainsi voir tout de suite quels styles sont à l’œuvre et, surtout, quelle partie du document en est dépourvue. Cela s’avère très pratique à l’usage.



En complément, on peut aussi activer les guides de mise en forme directe qui, cette fois, mettent en surbrillance les formatages ponctuels (gras, italiques, etc.).

Le mode Publication, introduit avec Word 2008, évolue également un peu. La collaboration avec les logiciels tels iPhoto, Aperture ou encore iTunes, est un peu plus évidente. Pour insérer une photo, un film ou un son, on passera par une palette flottante Média qui rappelle beaucoup ce qu’on voit par ailleurs sur Mac : les sources au moins PhotoBooth, souvent iPhoto, iTunes, GarageBand, iMovie, parfois encore Aperture) dans la partie haute, les vignettes des photos, des films ou les extraits des musiques et des sons dans la partie basse.



Comme de bien entendu, Word 2011 est livré avec sa série de cliparts classés en grandes catégories (entreprise, alimentation, occasions spéciales…). Les dessins qui ont fait le charme des compositions pendant deux décennies semblent avoir disparu. On ne les regrettera pas vraiment.



Autre changement, spectaculaire à défaut d’être essentiel : la gestion des « couches ». Dans Word 2011, une mise en page complexe peut être réorganisée a priori facilement. Si un objet placé au premier plan devrait l’être au second, Word propose de modifier l’agencement en jouant, là encore, sur Core Animation. Un clic sur le bouton Réorganiser dans le ruban Accueil (en mode Publication) et les différentes couches, les masques du document apparaissent dans un très joli effet. On peut passer d’un masque à un autre et modifier facilement leur ordre. Spectaculaire, mais pas forcément très pratique. On ne voit pas bien chaque masque (ils ne sont visibles que de biais). Microsoft aurait été bien inspirée de permettre un affichage de face qui aurait été plus pratique.



Puisqu’on parle de réorganisation des objets, signalons que la modification ou le déplacement d’un élément sur la page affiche, comme dans Pages, de guides dynamiques qui facilitent son positionnement.

Moins spectaculaire que la gestion des calques, mais important pour certains : Word permet de gérer assez finement la typographie : ligatures, espaces et variations d’un jeu de caractères (ce qui permet d’avoir un aperçu de possibilités offertes par une police en fonction des attributs), Word offre sur ce point nettement plus que la plupart des logiciels de sa catégorie. Peu de doute d’ailleurs que la plupart des utilisateurs ignoreront de telles possibilités.



Et ensuite ?

Une fois qu’on a créé son document, Word permet de le partager. On ne s’attardera pas ici sur l’impression, la création de pages Web (vraiment en cas de dépannage) ou de PDF (on en passe toujours par le menu Imprimer), ou encore sur l’envoi en pièce jointe. Tout cela est bien connu. Ce qui retient l’attention, c’est la possibilité d’utiliser le service SkyDrive pour publier un document sur le net et pour travailler à plusieurs dessus.



SkyDrive offre 25 Go d’espace de stockage en ligne à l’abonné Windows Live (service gratuit). Le fichier qui y est envoyé peut alors être partagé avec d’autres abonnés. Surtout, il peut être modifié dans la version en ligne de Word. Certes, il n’est pas question de faire en ligne ce qu’on fait en local, mais cela s’avère tout à fait suffisant pour continuer, en déplacement, à saisir un texte commencé à la maison. On peut aussi faire l’inverse : créer en ligne un document, le récupérer dans Word pour en achever la rédaction et le mettre en page. En tout cas, Microsoft et Word font mieux qu’Apple et Pages qui ne permettent que la publication et l’annotation de documents mis en ligne mais non modifiables.




Et les performances ?

Ce n’est jamais facile d’aborder cette question. On est en grande partie dans le subjectif. Disons que , sur notre iMac 24 pouces Core 2 Duo (2,93 GHz et 4 Go de RAM), Word s’ouvre vite, très vite… une fois qu’on l’a déjà lancé dans une session. Sur notre Mac, le logiciel s’ouvre après sept bonds de son icône dans le Dock (mesure des plus scientifiques…) lors d’une première utilisation ; il ouvre en revanche un document vierge dès le premier bond ensuite. La version précédente avait déjà marqué une amélioration de ce côté-ci, Word 2011 est encore plus véloce. Surtout, on n’a pas remarqué cette fois certaines lourdeurs qu’on pouvait ressentir auparavant et qu’on ressent encore avec Pages. Word semble plus léger. Le parcours d’un long document chargé d’images (495 pages de cours du Louvre avec force illustrations) s’avère assez aisé. Certes, Word met un certain temps à le charger, mais cela fait, le défilement s’avère très fluide. Plus de saccades.

Surtout, ce qui va faire plaisir, c’est que Word est stable. En deux semaines d’utilisation, il n’a pas planté une seule fois. Certains, qui avaient éprouvé de violentes envie d’assassiner tous les membres de la MBU en constatant que le travail accompli avait disparu en même temps que Word 2008 s’était éclipsé, devraient retrouver le sourire.

Pour ce qui est de la compatibilité, nous l’avons testée avec un document créé sur Mac et exporté dans Word 2010 sous Windows 7. Pas de remarques particulières : le document n’a absolument pas souffert de ce petit déménagement.

Faut-il alors l’acheter ?

Évidemment, le passage à Word 2011 est assez onéreux. Il faut dire que Microsoft (à la différence de ce que s’apprêterait à faire Apple avec Pages sur le Mac App Store) ne vend pas Word autrement que dans la suite Office. Près de 100 euros au moins, c’est une somme. Pourtant, la nouvelle version vaut la peine qu’on s’intéresse à elle et qu’on l’achète si on le peut. Sans être essentielle pour qui possède la version 2008, cette nouvelle mouture offre nombre d’améliorations : interface plus cohérente, vraiment plus pratique, mode plein écran assez bienvenu, partage et édition de documents en ligne, etc. Ces nouveautés permettent au logiciel très polyvalent de Microsoft de conserver une certaine longueur d’avance sur ces concurrents. Reste qu’on peut aussi rester allergique à ce qui découle de cette richesse et de cette polyvalence : son côté usine à gaz. On peut avoir le sentiment de se perdre dans Word. Et, c’est le cas pour une grande majorité d’utilisateurs, on utilise rarement toutes ses possibilités.

Note

Les plus :

- Interface intelligemment revue - Réactivité, stabilité et vélocité - Thèmes et modèles proposés nombreux et assez variés - Gestion des thèmes et des modèles - Nouvelle Bibliothèque des documents Word - Mode plein écran - Guide des styles - SkyDrive - Polyvalence du logiciel

Les moins :

- Si riche qu'on finit par s'y perdre toujours un peu - N'est pas vendu séparément  - Un mode "couches" qui n'est pas encore abouti - Une nouvelle version qui n'est pas essentielle
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