Test de Retrospect 8

guillaumegete |
Parmi les programmes un peu particuliers dans le cœur des administrateurs Mac, il y a Retrospect. Développé par Dantz pour le Système 7 (peut-être même avant !), ce logiciel était l'un des tous premiers à permettre la sauvegarde centralisée sur bandes des Mac d'un bureau. Produit puissant et apprécié dans sa mouture classique, il a eu en revanche bien plus de mal à faire le grand saut vers Mac OS X. Et avec le temps, ses défauts presque légitimes dans Mac OS Classique (pas de multitâche, moteur de sauvegarde dépendant de l'environnement graphique, entre autres choses) sont devenus de vrais plaies avec lesquelles il a fallu parfois cohabiter bon gré mal gré.

Il faut dire que son évolution a été parsemée d'embûches. Dantz a été racheté par l'éditeur EMC en octobre 2004, alors que les développeurs travaillaient sur une nouvelle version de Retrospect apportant un nouveau moteur et de très importantes nouvelles fonctionnalités. Mais le débarquement des Mac Intel a encore changé la donne, et priorité fut donnée pendant quelques mois à la version Windows, qui avait quelques avantages non négligeables face à la version Mac. Si bien que durant près de deux ans, aucune version majeure n'a marqué l'évolution de Retrospect, faisant même craindre le pire pour son avenir.

Mais en janvier 2008, EMC annonce enfin que le développement de Retrospect continue sur Mac et qu'une nouvelle version est bien sur les rails. Après plusieurs beta, la version finale est annoncée un an plus tard. Alors, la (très longue) attente en valait-elle le coup ?

Un logiciel revu de fond en comble

EMC affirme dans sa documentation qu’à peu près tout a changé dans le logiciel. Et on ne peut pas tellement leur donner tort ! Le premier point important de ce Retrospect réside dans la séparation complète du moteur de sauvegarde et de l'interface d'administration. Dans les anciennes versions, il était impossible de lancer une sauvegarde sans ouvrir de session (ou alors seulement avec des hacks dangereux en terme de sécurité), et le logiciel devait être ouvert pour effectuer la moindre opération. Désormais, le logiciel d'installation est séparé en deux parties : le moteur de sauvegarde Retrospect (Retrospect Engine) et l'interface graphique (Retrospect 8 Management Console).

La version 8.1, sortie quelques heures avant la fin de ce test, requiert Mac OS X 10.5.5 minimum (Mac OS X 10.4.11 est également supporté pour le moteur). Il faudra également un processeur Intel, PowerPC G5 ou un G4 bi-processeur. Le logiciel client est toujours compatible à la fois Mac Intel et PowerPC, et d'autres versions sont fournies pour sauvegarder les clients Windows et Linux.

Si vous installez uniquement le moteur, un panneau de préférence système est proposé pour l'arrêter ou le relancer si nécessaire. Rien n'empêche donc de fermer la session du serveur et de lancer à distance à partir d'un poste d'administration des opérations de restauration, sauvegarde ou de maintenance des fichiers de sauvegarde ou encore de préparer des scripts de sauvegarde.



C'est du côté de la console que les plus grosses surprises arrivent. L'interface a été entièrement relookée, en reprenant un peu le look de Server Admin (l'application de gestion de serveurs pour Mac OS X Server, qui elle-même s'inspire fortement d'iTunes). Elle est malheureusement uniquement en anglais pour le moment, la régionalisation française est prévue d'ici la fin de l'année.



Les efforts pour tenter de rendre l'interface plus simple et plus conviviale sont nombreux, et ça se sent. La colonne de gauche liste les serveurs connectés (la console peut gérer autant de serveurs que souhaité). Sous chaque serveur, on retrouve plusieurs catégories :
- Activities liste les activités du server programmées, en cours ou passées ;
- Past Backups donne accès aux sauvegardes les plus récentes effectuées par ce serveur ;
- Scripts liste les scripts de sauvegarde et permet de les modifier, que ce soit en terme de machines associées, de programmation… ;
- Sources : les machines que vous allez sauvegarder, sur lesquelles le client Retrospect a été installé ;
- Media Sets : les destinations de sauvegardes. Un media Set peut être un support optique, un disque interne ou externe, une partition de disque ou un dossier, ou, surtout, un jeu de bandes, puisque Retrospect peut effectuer la sauvegarde de données sur bande ;
- Storage Devices : les différents supports de stockage matériels accessibles : graveur, mais également lecteur de bande LTO, DLT, AIT…
- Reports : des jeux de rapports personnalisés.



En haut de la fenêtre, diverses opérations peuvent être engagées : lancement d'une sauvegarde rapide, d'une copie de fichiers ou restauration de données, pause de toutes les activités ou seulement des programmées, etc. Dans l'ensemble, l'interface est très agréable, mais elle pourra peut-être sembler ardue pour ceux qui ne connaissent pas du tout ce type de logiciels de sauvegarde. De même, il faudra se faire à une nouvelle nomenclature, certains termes techniques étant modifiés : ainsi il n'y a plus de "backup set" mais des "media sets", la fonction "Duplicate" devient "Copy"… Notons enfin qu'il n'est plus nécessaire de passer par AppleScript pour envoyer des messages d'alerte à la fin des sauvegardes ou des restaurations…

Préparer un script de sauvegarde

La préparation d'un script de sauvegarde va se faire en plusieurs temps. La première étape va être de déterminer quels postes sauvegarder. Vous installez le logiciel client sur les postes du réseau, que vous pouvez paramétrer pour bénéficier d'une authentification par mot de passe ou, nouveauté, par un échange de clés publiques/clés privées, ce qui évite la saisie du mot de passe sur chaque poste client et sur le serveur après l'installation.


Pour ajouter un poste sur le serveur, il suffit de cliquer sur le bouton Source, puis sur le bouton Add : un dialogue détecte alors tous les postes équipés du client Retrospect visibles sur le réseau, soit via multicast, soit par un broadcast sur l'adresse de sous-réseau du serveur.



Une fois le client ajouté, vous choisissez les volumes à sauvegarder sur votre serveur : soit tous les volumes, soit ceux sélectionnés, soit uniquement le volume de démarrage. Plus intéressant, la notion de tag fait son apparition. Vous pouvez ainsi créer des groupes de machines à partir de tags appliqués, et lancer des sauvegardes différentes, par exemple selon le type de postes, ou les logiciels installés, etc. Plusieurs tags peuvent être appliqués à un même poste, ce qui permet de lui appliquer plusieurs stratégies de sauvegarde.

Ceci fait, il va falloir déterminer où vous souhaitez sauvegarder vos données. Plusieurs choix s'offrent à vous :
- Disque : c'est en fait une sorte de "conteneur" pouvant exploiter n'importe quel autre type de sauvegarde : bande, fichiers sur disque dur, gravure… C'est l'option conseillée par EMC ;
- Lecteur de bandes, si compatible avec Retrospect (une liste de compatibilité des lecteurs se trouve sur le site d'EMC) ;
- Lecteurs de bandes WORM (Write Once Read Many, c'est à dire un support enregistrable une seule fois mais que l'on peut relire plusieurs fois) ;
- Fichiers : les fichiers sont dupliqués de disque à disque ;
- Support optique : on peut normalement sauvegarder sur CD ou DVD, malheureusement, en raison d'un bug de Mac OS X, ce support est pour le moment désactivé.

Malheureusement encore, la fonction de sauvegarde FTP a été supprimée. En revanche il est possible de monter un volume AFP ou SMB. Notez que les jeux de media (media set, anciennement backup set) disposent désormais de méthodes de chiffrement très élevés, comme l'AES-256. Un bon point pour l'amélioration de la sécurité.

Les possibilités sont donc assez étendues. Pour ce test, nous avons utilisé un lecteur de cartouches Tandberg RDX QuickStor connecté via USB2 sur un Mac Pro 2,66 GHz Quad Core équipé de 8 Go de RAM. La sauvegarde a donc été faite directement sur ces cartouches qui contiennent chacune un disque dur 2,5".



Sauvegarde : des options à gogo

Côté configuration, on ne peut pas dire qu'il manque grand chose. Retrospect fait désormais beaucoup de choses inimaginables dans la précédente version. Ainsi, on verra apparaître avec plaisir un système d'archivage Disk-to-disk-to-tape (enregistrement des données sur disque puis migration dans un jeu de bandes), ou encore la notion de grooming limitant le nombre maximal de sauvegardes dans un jeu. De même, la sauvegarde proactive remplace l'ancienne fonction Backup Server, qui permettait de sauvegarder une série de postes les uns après les autres. Et c'est tant mieux, car cette dernière fonction était particulièrement pénible lors de l'utilisation d'ordinateurs portables sur le réseau. En effet, ceux-ci n'étaient sauvegardés que s’ils étaient connectés au moment du contrôle par le Backup Server. Dans le cas contraire, ils passaient leur tour jusqu'au cycle suivant… et parfois n'étaient jamais sauvegardés ! Avec la sauvegarde proactive, un poste peut voir sa sauvegarde lancée dès qu'il est connecté sur le réseau.

Performances : de l'enthousiasme… à la déception

Du côté des performances, Retrospect aura soufflé le chaud comme le froid durant ce test. Car autant la sauvegarde des données peut être très rapide, autant leur restauration peut être glacialement longue.

Côté sauvegarde, nous avons réussi à obtenir des débits très corrects, avec des pointes à 319,3 Mo/minute à travers un réseau gigabit Ethernet. Ce n'est pas énorme mais pas non plus affreux, étant donné qu'on sauvegarde sur un disque connecté en USB2. En revanche, la restauration a laissé une bien moins bonne impression, avec un débit parfois en dessous de 10 Mo/minute… Le résultat était tellement pitoyable que nous avons refait les tests en déplaçant les fichiers de sauvegarde sur un disque interne du Mac Pro, pour obtenir les mêmes résultats.



Nous avons alors relancé la même restauration sur un disque interne de notre serveur. Et là, les performances étaient à nouveau bien plus que correctes : environ 215 Mo/minute. Par conséquent, si vous devez restaurer une grosse quantité de données, passez plutôt par un support physique local. Ces problèmes de performance sont reconnus par EMC, et des correctifs sont prévus… mais dans l'état, ces résultats sont très difficilement acceptables.

Fiabilité des sauvegardes : oui, mais…

La plus grosse difficulté des logiciels de sauvegarde se rencontre autour de leur capacité à sauvegarder un système en cours d'activité, et là, Retrospect 8 affiche clairement des déficiences, parfois très graves. Dans l'ensemble de nos tests, il a été impossible de sauvegarder complètement puis de restaurer un système qui était alors en utilisation sur un Mac du réseau, que ce soit sur Mac OS X ou, plus grave, Mac OS X Server. Ainsi, dans un de nos tests, le serveur a redémarré mais il n'a jamais été possible de s'authentifier après le démarrage (même le compte root était inutilisable). En revanche, en se limitant à toutes les données non-système, la restauration est efficace et les données utilisables. En clair : si vous envisagez de restaurer des postes complets, Retrospect risque de coincer. Mais pour la rétention ou la restauration de volumes complets hors disque de démarrage ou d'un dossier de départ utilisateur, l’application tient très bien la route.

Tarifs et configurations

Pour acheter Retrospect, il faut se diriger vers le site de… Iomega, récemment racheté par EMC. On retrouve trois versions distinctes (tarifs TTC). Les deux versions dites Single Server protègent le serveur sur lequel est installé Retrospect. La version Single Server et 20 postes clients (Mac, PC et Linux confondus) coûte 479€ en version standard, et 609€ avec un an de maintenance, alors qu'il vous en coûtera 809€ pour sauvegarder un serveur et un nombre illimité de clients, contrat de maintenance annuel inclus. Enfin, la version MultiServeur coûte 1669€, et à ce tarif, vous pourrez sauvegarder autant de postes Mac, PC ou Linux que souhaités, plate-forme serveur ou non (le contrat de support annuel est également inclus).

On trouve également des add-ons pour augmenter certaines capacités de Retrospect. Comptez entre autres 299€ pour sauvegarder un serveur supplémentaire avec la version Single Server, 1029€ pour gérer de façon avancée les lecteurs de bandes (pour gérer plusieurs lecteurs de bandes simultanément) ou encore 1489€ pour le module de sauvegarde des données Windows à chaud qui permet entre autres de sauvegarder les bases de messagerie électronique ou bases de données sans devoir les éteindre.

Dans l'absolu, on pourrait penser que Retrospect 8 n'est pas si cher que ça, comparé à d'autres logiciels. Le souci, c'est que son tarif a en fait augmenté de façon très significative dans certaines configurations. Ainsi, il devient beaucoup plus coûteux de sauvegarder plusieurs serveurs, puisque l'ancienne version Retrospect Server 6.1 de base permettait aussi de le faire, mais pour seulement 779€… Là vous n'aurez pas le choix : vous devrez passer par la version Multiserver.
En revanche, le nombre de licences était alors de 100 postes. Mais seules de grandes entreprises sauvegardent autant de postes… Heureusement, la version Serveur avec 20 postes ne change presque pas de tarif (489€).

En conclusion

Difficile de donner un avis définitif sur Retrospect 8. D'un côté, le logiciel montre des atouts qui manquent à énormément d'autres solutions : une interface conviviale, une vraie console d'administration séparée du processus de sauvegarde, des options de sauvegarde très évoluées, une vraie gestion multitâche… Mais les problèmes de lenteur et de fiabilité des sauvegardes complètes ne rassurent pas vraiment… et ce sont des points fondamentaux pour un logiciel de sauvegarde ! Malgré tout, EMC semble parti pour tenir compte des bugs remontés (les cinq pages de corrections de bugs documentés dans la mise à jour 8.1 en témoignent !) et améliorer sa solution de sauvegarde rapidement. En attendant, vous pouvez d'ores et déjà télécharger la version de démonstration sur le site d'EMC pour vous faire une idée.

Il faut aussi replacer Retrospect dans le marché de la sauvegarde sur Mac en général : il reste à l'heure actuelle la solution la plus simple à mettre en œuvre pour sauvegarder plusieurs dizaines de Mac en réseau sur bandes, la plupart des autres solutions ne fonctionnant que sur disque dur. Or, la rétention d'informations et l'archivage dans les entreprises impose souvent l'utilisation du lecteur de bandes, et dans ce cas, le rapport qualité/prix/facilité d'utilisation de Retrospect est imbattable. Des logiciels comme BRU coûtent peu chers, mais sont complexes à gérer pour qui ne connaît pas Unix. Quand à Netvault, Prestore ou, encore pire, Time Navigator, on ne nage plus dans les mêmes eaux tarifaires… Dans ce cas, et à condition de bien le mettre en œuvre et de comprendre ses limitations et savoir les contourner, Retrospect propose un rapport qualité/prix sans pareil. Mais il faudra encore quelques mises à jour pour savoir si la confiance doit être de retour ou non…

Nos remerciements à la société Tandberg Data pour le prêt du matériel de test

Note

Les plus :

- La nouvelle interface graphique indépendante du moteur de sauvegarde - La gestion multithread des tâches de sauvegarde et de restauration - La vitesse de sauvegarde très correcte - La sauvegarde des postes portables plus efficace - Tarif très accessible pour un logiciel de sauvegarde sur bande - Efficace pour la restauration de données (hors disque de démarrage)

Les moins :

- Performances de restauration effroyables - Sauvegarde des disques Mac OS X à chaud - Pas de sauvegarde sur FTP - Sauvegarde sur disque optique inutilisable pour le moment - Encore beaucoup trop de bogues résiduels - Modules additionnels coûteux
5.5
10

Prix :
409€ (standard) à 1699€ (Multiserver)

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