Ces produits qui sentent le sapin

Mickaël Bazoge |

Il en va des technologies comme de la vie : la mort est souvent au bout du chemin. Mais la rapidité avec laquelle le progrès évolue fait pousser les pierres tombales de plus en plus rapidement dans le cimetière des produits autrefois à la pointe de la technologie. Qui se rappelle encore du Minitel ? Du fax ? Des cassettes vidéo ?

Tous ces produits, objets phares de leur époque, n’ont plus guère d’attrait que le parfum de la madeleine qui s’en dégage lorsqu’on tombe, au détour d’une brocante ou d’une visite dans le grenier, sur un de leurs représentants. Et le mouvement pourrait s’accélérer en même temps que se déploient de nouvelles technologies toujours plus performantes. On peut ainsi s’amuser à jouer au diseur de bonne mauvaise aventure et tenter de deviner quels seront les produits de la vie courante promis, à court et moyen terme, à une retraite paisible.

Dans le salon

C’est le salon qui pourrait bien se voir complètement remodelé. Si le téléviseur semble bien parti pour trôner encore au cœur du foyer, ses appendices devraient se réduire comme peau de chagrin.

La galette perd de sa saveur

Le lecteur DVD/Blu-ray commence à prendre la poussière ? Rien de plus normal : les vidéos transitent désormais par des services en ligne directement intégrés dans des téléviseurs de plus en plus connectés à internet, ou en streaming depuis l’ordinateur via le réseau local.

Le Media Player de Sony, un boîtier format platine DVD qui sert au streaming de contenus 4K.

Certes, les galettes physiques conservent de sérieux atouts sur les contenus dématérialisés : il est infiniment plus facile de prêter un Blu-ray qu’un fichier iTunes, sans compter qu’on peut apprécier les petits bonus offerts avec un objet physique — mais les livrets, featurettes et autres gourmandises font de plus en plus partie du « paquet » numérique livré avec les fichiers virtuels (iTunes Extras).

Et n’oublions pas la menace qui pointe à l’horizon : la 4K et demain, la 8K, se livrent aujourd’hui quasiment uniquement par internet. Netflix et Amazon sont les premiers services de vidéo à la demande à fournir des vidéos en ultra haute définition, et même si le contenu disponible est encore bien maigre, il permet de mettre le pied à l’étrier. Ces services n’ont d’ailleurs pas fait mystère de leur volonté de bonifier leurs catalogues 4K.

Il existe certes un disque Ultra HD Blu-ray, destiné à devenir le nouveau standard de l’industrie. Mais son utilisation implique le rachat d’un lecteur compatible. Au vu du poids des fichiers 4K et de la bande passante nécessaire, ce nouveau format physique pourrait néanmoins trouver un certain écho, en particulier dans les pays où l’accès à internet est moins performant qu’en France.

La télécommande définitivement perdue

La télécommande aussi est dans la cible de mire de l’inéluctable progrès. L’objet que l’on perd un peu trop facilement sous les coussins du canapé ou entre les crocs du chien est lui aussi voué à une disparition précoce. Et on parle aussi des télécommandes universelles comme celles de la gamme Harmony de Logitech.

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L’Apple Watch est déjà capable de piloter un Apple TV, et les développeurs peuvent concevoir des apps pouvant communiquer avec les box des opérateurs (watchOS 2 apportera cet automne plus de souplesse encore). N’oublions pas non plus l’iPhone et l’iPad, qui font office de télécommandes idéales avec leurs grandes surfaces tactiles, que l’on peut transformer en second écran (l’app Smartglass pour la Xbox est à cet égard un modèle d’intégration).

La console inconsolable

Autre boîtier qui pourrait dans les prochaines années commencer à disparaître des salons : la bonne vieille console de jeu. Les lancements concomitants des Xbox One et PlayStation 4 en fin d’année 2013 ont pu donner l’impression que le marché avait trouvé un second souffle.

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En 2014, première année pleine durant laquelle la Xbox One et la PS4 étaient disponibles, Sony a écoulé 14 millions de consoles, Microsoft près de 8 millions. Pour des produits aussi lourdement promus par leurs constructeurs respectifs, ce n’est quand même pas particulièrement mirobolants. Les chiffres de vente des Xbox 360 et PS3, durant la première année effective de la disponibilité de ces consoles, sont plus impressionnants : 15,8 millions pour la première, 9,1 millions pour la deuxième.

À l’époque des PS3 et Xbox 360 triomphantes, il fallait aussi compter avec la Wii de Nintendo, qui caracolait en tête des ventes. Cela apporte un peu plus d’eau à notre moulin, puisque l’an dernier, on ne peut pas dire que la Wii U ait fait des étincelles avec ses 3,6 millions d’unités (en 2013, Nintendo vendait plus de 100 millions de Wii !). L’appétit du public pour les consoles de salon est-il en train de se tarir ?

Cela n’aurait rien d’étonnant. Les dispositifs pour jouer dans des conditions confortables sont aujourd’hui beaucoup plus nombreux qu’aux heures fastes des consoles de salon. Qui, en 2007, aurait pu prédire le succès incroyable du jeu pour iPhone ? Les capacités graphiques de nos terminaux mobiles ne sont pas encore aujourd’hui au niveau des consoles les plus performantes du marché, mais il y a matière à en prendre plein les yeux. Les consoles traditionnelles conservent encore l’apanage des contrôleurs physiques — difficile de revenir à l’écran tactile quand on a goûté aux manettes de la PS4 ou de la Xbox One.

L’application Smartglass permet de contrôler les contenus de la Xbox depuis une tablette ou un smartphones.

Mais les appareils iOS se rattrapent par un catalogue autrement plus fourni et surtout, bien moins onéreux que leurs homologues de salon. Il ne reste plus qu’à afficher les jeux de l’iPad ou de l’iPhone sur le téléviseur : c’est déjà possible via AirPlay, mais le temps de latence rend toute tentative de jeu assez rédhibitoire. Le futur Apple TV, qui devrait intégrer une boutique d’apps (et donc, de jeux), pourrait bien résoudre le problème. Et rapprocher un peu plus les consoles de salon du Bon Coin.

Dans la voiture, le GPS sur la voie de garage

Un conducteur un peu avisé sait qu’il vaut mieux avoir comme copilote un iPhone plutôt qu’un GPS. Plus complet, plus précis et polyvalent, un smartphone équipé d’une bonne application d’aide à la conduite rend aisément la monnaie de sa pièce à un boîtier GPS standard. C’est d’autant plus vrai que des apps comme Waze ou tout simplement Google Maps sont gratuites… Pourquoi donc investir dans un appareil supplémentaire aux fonctions limitées ?

Le GPS à la papa est clairement sur une pente descendante. Les deux leaders du secteur, TomTom et Garmin, ont accusé des ventes en baisse l’an dernier : au troisième trimestre 2014, le marché européen était de 2,1 millions d’unités, 6% de moins qu’au même trimestre de l’année précédente. Et aux États-Unis, les ventes ont reculé de 16% à 0,9 million d’unités. Garmin projette un recul de ses ventes de GPS de 10 à 15% pour 2015.

Les deux entreprises ont d’ailleurs entrepris de diversifier leurs services : l’une comme l’autre offrent des applications mobiles, Garmin tentant de son côté l’aventure des montres connectées, avec un certain succès d’ailleurs auprès des sportifs.

Apple et Google continuent de pousser leur avantage dans les voitures, avec CarPlay et Android Auto qui ont l’ambition de devenir le cœur des activités de divertissement, de communication et d’aide à la conduite pour l’automobiliste, en affichant sur les écrans des autoradios des applications mobiles adaptées. Un moyen de pousser le bon vieux boîtier GPS dans le coffre aux technologies dépassées.

La mini caméra dans le flou

Elles avaient fière allure, ces caméras de poche capables d’enregistrer des heures de vidéo. Les modèles Flip — et les nombreux clones plus ou moins avoués — ont connu leur heure de gloire de 2008 à 2011 ; ces produits étaient alors les « must have » de tout adepte de technologie nomade qui se respectait. Cisco, qui a acquis la famille de caméras Flip en 2009, a arrêté des frais et la production en 2011.

L’iPhone et l’explosion des ventes de smartphones Android, tous équipés de capteurs photos rivalisant avec ceux de ces mini caméras (et bien plus connectés pour partager les fichiers) ont eu raison de cette famille de produits. HTC tente de renouveler l’offre avec sa sympathique RE (lire notre test), tandis que seul GoPro semble encore tirer les marrons du feu avec ses caméras sportives. Par prudence, le constructeur s’est tout de même lancé dans le développement de drones…

Et demain, l’appareil photo ? Les reflex ont encore de beaux jours devant eux, mais le marché des APN compacts et les bridges a été laminé par la popularité des smartphones. Entre 2012 et 2014, la vente de ces appareils s’est littéralement effondrée, passant de 78 000 000 unités à un peu plus de 26 000 000 — une baisse brutale de 66%.

Les baladeurs audio inaudibles

Même si Apple a donné le change en lançant un renouvellement inattendu de sa gamme d’iPod, tous les modèles n’ont pas été logés à la même enseigne. L’iPod touch a finalement eu droit à une grosse mise à jour qui lui redonne un sérieux intérêt pour ceux qui ne veulent pas d’iPhone ; mais le ravalement de façade est cosmétique pour les iPod nano et shuffle. Ces deux modèles sont même incompatibles avec les morceaux Apple Music, ce qui est un comble pour des terminaux censés lire… de la musique (lire : Pas d'Apple Music ni de nouvelle interface pour l'iPod nano).

L’iPod a enterré la concurrence : seuls quelques modèles concurrents vivotent grâce à une poignée d’audiophiles prêts à mettre le gros prix pour écouter leur musique en mobilité. Aujourd’hui, c’est au tour de l’iPod de s’éteindre petit à petit.

Les smartphones, tablettes et montres connectées révolutionnent les usages à vitesse grand V. Toujours plus puissants et polyvalents, équipés de capteurs et de processeurs qui leur ouvrent des possibilités toujours plus importantes et inédites, ils bousculent notre manière de vivre et ils sont à l’origine de l’extinction de marchés que l’on pensait inattaquables. Quels autres appareils de notre vie de tous les jours n’existeront plus que dans nos souvenirs dans dix ans ?

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