La transformation de Steve Jobs sous Pixar

Mickaël Bazoge |

Le président de Pixar, Ed Catmull, a côtoyé Steve Jobs durant 25 ans, une période durant laquelle il a vu mûrir le fondateur d'Apple. Dans les premières bonnes feuilles de son livre Creativity, Inc.: Overcoming the Unseen Forces That Stand in the Way of True Inspiration parues dans Gizmodo, il dresse le portrait d'un Steve Jobs plus humble et plus à l'écoute que lorsqu'il était à la tête du constructeur informatique.

Steve Jobs n'était pas uniquement cette personne « rustre, brillante mais sourde aux émotions » volontiers dépeinte par les biographies des magazines, explique Catmull. Il a évolué en un « homme différent » durant les vingt dernières années de sa vie, et son travail chez Pixar a participé de cette transformation. Dans cette société rachetée en 1986 par un Jobs alors en rupture d'Apple, il a eu l'impression que « le monde était meilleur grâce aux films que nous faisions ».

Steve Jobs disait régulièrement qu'« aussi géniaux que soient les produits Apple, ils finiront un jour ou l'autre dans une décharge ». Ce n'est pas le cas des films Pixar, qui « vivront pour toujours ». Catmull poursuit : « Il croyait, comme moi, que [les films Pixar] cherchaient des vérités plus profondes et que grâce à cela, ils allaient durer. Il trouvait de la beauté dans cette idée ». Parce qu'il n'était pas du sérail du divertissement et de la création cinématographique, Steve Jobs « se sentait chanceux d'être impliqué dans cet univers ».

Ed Catmull. Crédit Deborah Coleman / Pixar

Pixar a été un des moyens utilisés par Steve Jobs pour laisser sa trace dans l'histoire. Durant les premières années, le fondateur d'Apple jouait un rôle de « bienfaiteur », « celui qui payait les factures pour qu'on ait toujours de la lumière ». Mais au fil des années et des succès des films du studio, il s'est mué en protecteur : « un critique constructif à l'interne, mais notre plus farouche défenseur à l'extérieur ». Catmull estime que Pixar a été le « beau-fils préféré » de Jobs, « conçu avant qu'il soit entré dans sa vie, mais toujours nourri par lui dans ses années de formation ».

Si Jobs continuait d'apprendre au contact de ses proches et de ses équipes chez Apple, « j'ai vu Steve changer Pixar comme Pixar l'a changé ». Le studio était l'endroit où il pouvait se « relaxer un peu et jouer ».

Alors qu'il n'a jamais perdu de son intensité, nous l'avons vu développer sa capacité à l'écoute. De plus en plus, il pouvait exprimer de l'empathie, de la compassion et de la patience. Il est vraiment devenu sage. Le changement en lui était réel, profond

« Je ne suis pas vraiment un réalisateur de film, alors vous pouvez ignorer ce que je dis », avait-il pour habitude de lancer avant une réunion de crise. Steve Jobs se focalisait sur le problème en lui-même, pas sur les créateurs du film, « ce qui rendait ses critiques plus puissantes encore ». Avec le temps, ses prises de parole sont devenues plus « articulées et respectueuses des sentiments des gens. Il a appris à "lire" une salle, faisant preuve de capacités que, des années auparavant, je ne pensais pas qu'il possédait ».

Steve Jobs, Ed Catmull et John Lasseter, directeur artistique de Pixar, en 2002.

À Pixar comme chez Apple, le fameux « champ de distorsion de la réalité » de Steve Jobs a fait des miracles.

Certaines personnes, après avoir écouté Steve, sentaient qu'elles avaient atteint un nouveau niveau de compréhension, mais elles ne pouvaient ensuite reconstituer les étapes de ce raisonnement. Puis leur compréhension s'évaporait, elles se grattaient la tête, sentant qu'elles avaient été conduites sur le chemin menant vers le jardin

Steve Jobs savait que beaucoup des règles dont il souhaitait s'affranchir étaient « arbitraires » - comme son refus obstiné de mettre une plaque minéralogique sur sa voiture ! « Oui, il a testé les limites et franchi la ligne de temps en temps ». C'est « comme un trait de comportement qui peut être considéré comme antisocial - si cela parvient à changer le monde, vous gagnez le titre de "visionnaire" ». Quitte à ignorer les problèmes que cela peut causer en pratique.

Ed Catmull conclut ce premier extrait en affirmant que si Steve Jobs comprenait la valeur de la science et de la loi, il savait aussi que les systèmes complexes empruntaient des chemins non-linéaires et impossibles à prédire. « Et cette créativité, à notre meilleur, nous surprend tous ». Steve Jobs pensait qu'en restant proche de nos valeurs et en agissant selon nos intentions, « nous changeons le monde ».

Mise à jour - Le livre d'Ed Catmull Creativity, Inc. (en anglais) est en précommande sur l'iBooks Store pour 15,99 euros. Livraison prévue le 8 avril (merci à 6ix pour l'info).

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