Interview de Ronald G. Wayne : le troisième mousquetaire d'Apple

Christophe Laporte |

Dans son numéro d’octobre/novembre 2013, le magazine Chronicart publie une longue interview de Ronald G. Wayne. Il s’agit ni plus ni moins du troisième (et méconnu) cofondateur d’Apple.

Âgé de 79 ans, l’homme est qualifié par le magazine de « perdant magnifique ». Vivant dans le « dénuement le plus total » dans le désert du Mojave, il pourrait être aujourd'hui milliardaire s’il avait gardé les 10 % du capital. Mais l’homme qui dit ne rien regretter a préféré faire retirer son nom quelques jours après la création d’Apple.

Dans les années 70, l’homme rejoint Atari en tant que designer en chef. C’est là où il fit la connaissance d’un certain Steve Jobs. Lors de la constitution de la société Apple, Ronald G. Wayne était en quelque sorte le médiateur entre les deux Steve. C’est lui qui à l’aide de sa vieille machine à écrire a rédigé le contrat liant les trois hommes.

Preuve que le business n’est pas le point fort de Ronald G. Wayne, il a retrouvé il y a quelques années un exemplaire de ce fameux contrat qu’il a vendu alors à un collectionneur 500 $. Quelque temps plus tard, ce papier sera revendu plus d’un million de dollars (lire : Les débuts d'Apple mis aux enchères pour 100 000 €).

Dans ce long entretien, il explique que son apport à Apple ne s’est pas limité à cet éphémère poste de médiateur. Il a dessiné le premier logo d’Apple qui fut rapidement abandonné, a participé à créer un système afin de rationaliser la construction des circuits électroniques et optimiser la gestion, l’achat et le montage des parties de circuits et a travaillé sur le design industriel de l’Apple I.

Dans cet entretien qu’on vous recommande, il parle de Steve Jobs, de son rapport à autrui ou encore à la mort :

Jobs était si déterminé qu’il pouvait marcher sur le monde entier, et je n’avais pas envie de vivre avec la trace de sa semelle sur mon visage (rire). C’était un type brillant, très agréable, mais il ne fallait pas être sur sa route. Si vous deviez choisir Steve Jobs ou un bloc de glace pour vous réchauffer un soir d’hiver, vous auriez choisi le second ! Ce n’est pas méchant, c’est la simple réalité. Et si Jobs n’avait pas été ainsi, il n’aurait jamais réussi. […] Si j’avais continué chez Apple, j’aurais été le plus riche des cadavres du cimetière local : Jobs était une tornade, et je n’avais plus l’âge ni l’énergie de le suivre

L’argent lui importait peu ; c’était l’idée de faire de nouvelles choses qui le stimulait. Il était animé d’une force incomparable, et c'est ce qui l’a tué si jeune. Jobs et Roeblin, d’ailleurs, sont morts pour la même raison : ils étaient tellement persuadés d’être plus forts que la nature qu’ils en ont été les victimes. Quand Roeblin voulait à tout prix finir le pont de Brooklyn, il avait eu un accident sur le chantier et a refusé de se soigner. Quelques semaines plus tard, il souffrait de gangrène, et c’est son fils qui a fini le travail, tandis que Roeblin regardait le chantier se finir depuis la fenêtre de son lit de mort. Jobs a fait exactement la même chose, en ne voulant pas soigner son cancer. Et lorsqu’il a compris qu’il avait fait une erreur, c’était déjà trop tard. Il a dépensé des millions de dollars ensuite pour se faire soigner, en vain. Il a juste retardé sa mort de quelques mois.

Chronic’Art numéro 79 - 5,90 €

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