Samsung v Apple : c'est celui qui l'dit qui y est !

Anthony Nelzin-Santos |
La querelle entre Samsung et Apple sur fond de violation de brevets, modèles et marques déposées tourne doucement mais sûrement à la bataille de cour de récré. Dans le dernier épisode en date, les deux sociétés s'affrontent sur le calendrier de la suite des événements : quand l'un veut que les premières conclusions soient rendues en septembre, l'autre préfère qu'elles ne le soient qu'en octobre. Cette bataille de pinailleurs est moins puérile qu'elle ne paraît l'être : le temps est devenu un enjeu majeur de cette affaire judiciaire.

À la suite de sa demande d'expertise des prototypes de produits Samsung à venir, Apple gagné une victoire à la Pyrrhus : Samsung n'a pas pu obtenir les prototypes d'iPhone 5 et d'iPad 3, mais est désormais libre de porter le débat sur les prochaines générations d'iPhone et d'iPad, face aux prochaines générations de produits Samsung. Le juge lui-même expliquait :


Samsung est libre de soutenir, par exemple, que le risque de confusion est minime car ses produits ne seront pas mis en rayon avec l'iPhone 4 et l'iPad 2, mais plutôt avec la prochaine génération d'iPhone et d'iPad. De même sur la notion de proximité, Samsung est libre de soutenir que puisque l'iPhone 4 et l'iPad 2 seront bientôt passés de mode et que leur prix sera réduit, ils ne sont (ou seront) plus vendus au même type de clients susceptibles d'acheter les nouveaux produits Samsung.


Il concluait : « en décidant de concentrer ses attaques pour violation sur sa gamme actuelle, Apple prête le flanc à cette défense. » Le temps, donc, est devenu une arme jouant en défaveur d'Apple : la firme de Cupertino doit jouer la montre pour que les premières auditions aient lieu avant la présentation de l'iPhone 5. Car si cet iPhone 5 était bien différent des produits Samsung actuels (commercialisés, présentés ou existant sous forme de prototype), la firme coréenne pourrait arguer qu'Apple s'est elle-même dégagée de la copie présumée. Ce scénario est hypothétique, mais suggéré par la cour elle-même et bien connu des deux belligérants : l'un comme l'autre cherche donc à détourner le calendrier à leur faveur.



Apple a tout intérêt à accélérer la procédure, alors que Samsung doit tout faire pour la ralentir, notamment dans ses derniers instants : les calendriers divergent de deux semaines pour les premières obligations, mais de plus d'un mois pour la première audition. Apple, qui a bien compris que la bataille devrait désormais porter sur les produits futurs, a réduit la voilure de ses attaques à trois modèles déposés et un brevet. Samsung se sert de ce changement d'avis comme d'un argument : puisqu'il s'est écoulé 10 semaines entre la première attaque et ce dernier mouvement, Apple peut bien encore attendre.

L'opposition entre les deux approches est très bien résumée par deux points du dossier. Samsung dit ainsi :


Apple peut bien attendre encore quelques semaines, afin que Samsung puisse se défendre contre les allégations changeantes d'Apple.


La firme coréenne, qui a récupéré la main, joue à fond son avantage, et demande du temps pour étudier les propos d'Apple, afin d'y répondre de la manière la plus détaillée. Apple, qui a toujours milité pour une expédition rapide de cette affaire sur les aspects les plus visibles de la copie présumée (modèles déposés, déconnectés du reste de l'affaire), enrage : elle laisse six semaines à Samsung pour préparer sa défense, contre quatre en temps normal.


Apple a proposé une résolution rapide de cette affaire pour prévenir tout dommage irréparable causé par la copie illégale des produits révolutionnaires que sont l'iPhone et l'iPad.
[…]
La proposition d'Apple laisse six semaines à Samsung pour préparer sa défense, contre quatre semaines en temps normal. C'est un agenda raisonnable qui laisse à Samsung suffisamment de temps pour […] préparer sa défense. […] Samsung n'a pas besoin de dix semaines pour préparer sa défense à la motion ciblée d'Apple, qui est limitée à trois modèles déposés et un brevet.


« Changeant » contre « ciblé », chacun prépare ses arguments, comme le note Florian Mueller. L'argument d'Apple est clair comme de l'eau de roche : Samsung n'a pas besoin de temps supplémentaire pour évaluer de quelle manière ses produits copieraient ou non les produits d'Apple — cette évaluation a déjà été menée il y a plus de deux mois, lors de la contre-attaque de la firme coréenne.

« Le calendrier est crucial. » conclut Apple : « chaque jour passé pendant lequel Samsung continue à vendre ses produits violant [notre propriété industrielle] est un jour ajoutant aux dommages irréparables causés à Apple ». Le calendrier est crucial, en effet : il se pourrait bien que la date de sortie de l'iPhone 5 soit intimement liée à la date de la première audition dans cette affaire.

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