Écrans tactiles: de l'iPhone au Mac ?

bferran |
Cela n'arrête plus. Ces derniers jours, deux nouvelles demandes de brevets de technologies tactiles émanant d'Apple ont été publiées. Et les rumeurs se succèdent, annonçant des Mac dotés de cette nouvelle génération d'écrans. La faute à l'iPhone qui depuis janvier a réveillé l'intérêt pour ce procédé. Pourtant, le passage des téléphones aux ordinateurs tactiles multi-points n’est pas évident. Explications.

L'industrie des écrans tactiles est particulièrement complexe. Avec huit technologies principales, huit autres en devenir et sûrement des dizaines de projets en préparation dans les labos, avec des applications dans la téléphonie mobile, la médecine, la finance ou la grande distribution, le marché est déjà bien développé. En 2006, les ventes d’écrans tactiles ont atteint 2,4 milliards de dollars, selon une étude de iSuppli publiée courant juin. D’ici 2012, elles devraient pratiquement doubler, à 4,4 milliards de dollars.

Tous ces procédés ont un même but : pouvoir diriger à la main l’affichage sur un écran, en complément ou en remplacement de la souris et du clavier. Incarnant résolument l'avenir, l’écran tactile ne figurait pourtant pas en tête des pronostics des observateurs avant la présentation de l’iPhone en janvier. Et pour cause, les PDA et les smartphones tactiles n'ont jamais vraiment convaincu. Peut-être parce que, sur les 38 millions de mobiles équipés d'écrans tactiles vendus en 2006, la totalité était encore équipée d'écrans résistifs. Cette technologie représente 90% du marché tactile, sur lequel bataille une centaine de fabricants.

Le résistif a donc un atout important: son prix. Grâce à une forte concurrence, les tarifs baissent de 10 à 15% chaque année. Réservé à l'origine aux combinés les plus chers, le tactile se répand peu à peu sur toutes les gammes et réalise des incursions remarquées sur d'autres secteurs. Depuis 2004, Nintendo inclut avec succès un écran résistif dans sa console portable, la DS. Pourtant, ces écrans ne manquent pas de défauts. Constitués de deux couches finement espacées qui se rencontrent lors d’une pression du doigt ou d’un stylet, ils laissent moins facilement passer la lumière (entre 75 et 85%, selon les modèles). De plus, la couche externe peut être assez fragile.

L'iPhone: un écran capacitif projeté et multi-point
Pour l'iPhone, Apple a choisi une technologie différente: l'écran capacitif ("capacitif projeté", plus précisément). En début d'année, LG a fait le même choix pour son Prada. La luminosité est cette fois bien meilleure, autour de 90%, et la résolution plus importante. Techniquement, un courant électrique quadrille une couche de l'écran. La pression d'un doigt interrompt le courant, ce que le téléphone détecte automatiquement pour déterminer le point d'impact. Le procédé est précis, ne nécessite pas de pression, tandis que les écrans sont plutôt résistants. En revanche, ils sont notoirement plus chers.

En 2006, les écrans capacitifs n'ont représenté que 1% des ventes d'écrans tactiles, principalement pour des kiosques Internet et des matériels pour l’industrie ou la médecine. Toutefois, le marché devrait décoller rapidement grâce à l’iPhone, prédit iSuppli. De 200.000 unités en 2006, les ventes atteindront 21 millions d'unités en 2012, soit 458 millions de dollars de chiffre d'affaires. C’est même la technologie tactile qui connaîtra la plus forte croissance au cours des cinq prochaines années.

L'envolée devrait être comparable pour le multi-point, qui constitue l'autre atout d'iPhone. Apple en détient un brevet sur les écrans capacitifs projetés. Mais le multi-point est aussi applicable sur des écrans résistifs. Concrètement, jusqu'à quinze pressions peuvent être effectuées simultanément sur le téléphone pour mener des actions complexes, par exemple le recadrage d'une photo ou le zoom sur une page Internet. "La technologie est dans l'air depuis des années. Mais le volume est resté très faible jusqu'à l'iPhone", nous rappelle Jennifer Colegrove, auteur de l'étude d'iSuppli. Dès lors, la téléphonie mobile, et plus précisément l'iPhone, représentera encore la quasi-totalité des ventes d'écrans multi-points en 2012, estime l'analyste.

Et sur les Mac ?
Aussi, au cours des cinq prochaines années, les écrans tactiles multi-points ne devraient pas réussir à percer dans l'informatique grand public, selon iSuppli. Certes, en 2006, 2 millions de Tablet PC ou d'ordinateurs portables tactiles ont été vendus. Et en 2012, ce marché devrait passer à 9 millions d'unités. Seulement, il s’agit principalement de technologies actuelles : d’un côté, de l’"active digitizer", qui nécessite l’usage d’un stylet spécial, de l'autre, du résistif, déjà proposé par des fabricants comme Elo (autour de 800 dollars pour un 17 pouces).

Pourtant, les projets plus modernes ne manquent pas. Chez Microsoft, on s'active pour populariser l’écran tactile sur les PC. L'échec commercial des Tablet PC a montré qu'il ne suffisait pas de mettre un écran tactile dans un appareil pour attirer les foules. L’heure est donc au développement de nouvelles interfaces totalement pensées pour un usage tactile, à l'image de l'iPhone.

Fin mai, Microsoft a présenté Surface, une table équipée d'un système de reconnaissance tactile multi-point. Rien à voir avec la compacité de l'iPhone, puisque l'imposant appareil utilise des caméras infrarouges pour détecter les mouvements. A 10.000 dollars pièce, Surface sera utilisé d’abord par des chaînes d’hôtels, des casinos et des boutiques d’opérateurs mobiles pour promouvoir leurs produits. Autrement dit, les débouchés restent confinés aux milieux professionnels.

Des prototypes plus compacts sont néanmoins en chantier. Exemple, en vidéo, avec cet ordinateur portable dont une partie de l'écran détecte les impulsions des doigts. Pour cela, Microsoft a placé ses capteurs infrarouges derrière la dalle LCD. Avantage: il n'y a pas de couche supplémentaire à ajouter devant l'écran, contrairement à l'iPhone. En revanche, la résolution est plutôt basse, comparée aux technologies résistives et capacitives, et le coût de fabrication encore trop élevé.

C'est pourquoi l'application immédiate de ces nouvelles technologies sur les ordinateurs est peu probable. "Vues les propriétés des écrans tactiles infrarouges, la mise en production n'est pas pour tout de suite", tempère Jennifer Colegrove, à propos du projet de Microsoft. Même réserve de l'analyste concernant Apple. "Il y a une possibilité, mais la question est la même: quand ?". Dès lors, puisque la technologie est encore trop chère pour des appareils de cette taille et compliquée à intégrer, le futur proche pourrait davantage se jouer sur les évolutions de la trackpad, tous deux tactiles, comme le montre les récents dépôts de brevets d'Apple.

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*Les explications des technologies tactiles résistives, capacitives et infrarouges mènent à des pages - en français - sur le site de Elo, numéro un des écrans tactiles aux États-Unis.

Sur le même sujet, retrouvez sur MacGeneration l'analyse des brevets tactiles d'Apple par David Borel, de MacBrains.
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