2007, l'année d'OpenOffice ?

Christophe Laporte |
Alors que les nouvelles versions d'iWork et Microsoft Office se font attendre, les développeurs d'OpenOffice mettent, eux, les bouchées doubles. Ils ont pour ambition de finaliser cette année une version Aqua d'OpenOffice. Éric Bachard, l’un des leaders de l’équipe portage sur notre plate-forme, nous explique avec précision l'avancement de ce projet titanesque. Nous l'avons également interrogé sur l'évolution du logiciel libre, le positionnement d'Apple dans ce domaine et sur les failles de sécurité relatives à Microsoft Office.

- Alors, 2007 sera-t-elle l’année d’OpenOffice sur Mac ?

Sans dire que ce sera l’année d’OpenOffice.org sur Mac, l’année 2007 sera une grande année pour le projet, et nous allons faire le maximum pour le prouver.

En réalisant, par exemple une vraie application native ( sans X11), conforme au look and feel requis sous Mac OS X.

Ces deux dernières années ont aussi été très importantes pour le port Mac OS X :

- janvier 2005 : première version 2.0 à démarrer sous Mac OS X
- janvier 2006 : première version Intel ( qui n’utilisait pas Rosetta). Microsoft n’y est pas encore arrivée

Et nous avons fait cela avec nos maigres moyens (sic).

Pour l’instant, nous allons continuer à travailler, car le travail restant à faire est très important, et il est directement lié à nos ressources (humaines et matérielles).

Comme le nombre de développeurs augmente régulièrement, nous devons adapter nos méthodes de travail. Ainsi, notre récent meeting à Hambourg était d’une très grande importance. Entre autres points importants, nous avons pu faire le point entre nous, et faire des avancées considérables :

- la liste de ce qui manque à implémenter, pour une version fonctionnelle, est dressée (c’est peu de le dire)
- les tâches les plus importantes, ont maintenant toutes un développeur responsable
- nous avons testé la version aqua (que j’avais préparée pour l’occasion) et nous avons appris ensemble à utiliser XCode pour le débogage.

C’est incroyable ce qu’on peut apprendre lors de tels ateliers !

Ce que je retiendrai, c’est que nous sommes une équipe, qui grandit chaque jour, et qui s’entraide. Nous mettons en avant l’aspect communautaire du projet.


- Outre l’interface, quelles sont vos priorités pour qu’OpenOffice s’intègre mieux à Mac OS X ?

Tout d’abord, avoir une vraie application Mac OS X : qui s’installe et s’utilise comme une autre, facilement, et qui fonctionne de manière fiable et stable.

Il a d’abord fallu se passer de X11 (c’est maintenant chose faite), nous avons ensuite dû faire l’inventaire du travail à faire (et trouver assez de monde pour faire un vrai portage).

Je rappelle le contexte : nous utilisons Carbon, ce qui ne change en rien le look and feel de l’application. À part le code (qui ne se voit pas directement), le résultat - c’est à dire l’apparence - est le même.


Ensuite, viennent, avec le même degré d’importance :

- Le ‘Look’ : respecter au mieux la conformité au standard défini par Apple, appelé «‘Aqua Human Interfaces Guidelines’, car l’impression visuelle est très importante.

Pour cela, nous sommes en train d’implémenter le look Aqua, ainsi que tous les contrôles natifs possibles, qui auront un comportement identique à celui des contrôles d’une vraie application Mac. Les polices natives Mac sont déjà utilisables avec l’ATS.

- Le ‘Feel’ : implémenter progressivement tout ce qui fait le ‘feeling’. Par exemple pour l’ouverture des fichiers, utiliser le ‘FilePicker’ natif ( fait ), implémenter le vrai drag and drop ( implémentation en cours ) , utiliser les mêmes raccourcis que n’importe quelle application Mac OS X, avoir le même comportement dans une situation similaire ( couleur des boutons sélectionnés, lorsque la souris survole la zone, etc.)

Mais il est aussi prévu (un peu plus tard) :

- l’intégration de Spotlight
- l’intégration du player utilisant QuickTime
- l’impression native ( en cours )

Pour illustrer la difficulté, il a d’abord fallu :

- se passer complètement de X11, une fois encore,
- réécrire TOUT le code manquant : nous avons créé une nouvelle version, un port complet ( ce n’est évidemment pas terminé )
- marier les boucles d’événement OpenOffice.org avec celles de Mac OS X (fait)
- implémenter le système de fenêtrage Mac OS X (fait)
- implémenter les menus natifs (fait),


L’étape suivante :

Créer un nouveau set d’icônes, plus conforme avec le look Aqua (un set réalisé sous Licence GPL n’est pas utilisable par OpenOffice.org).

Le tout en continuant d’être synchronisé avec la dernière version du code d’OpenOffice.org.


- Ces dernières semaines, plusieurs failles relatives aux documents Word, ont été découvertes. Est-ce que les utilisateurs d’OpenOffice peuvent souffrir de ces failles ?


À décharge, un logiciel exempt de bugs n’existe pas :-)

Le fait que le propriétaire historique du format de fichiers .doc ne documente pas correctement son format de fichier n’aide pas. De plus, la sécurité par la dissimulation n’est pas une garantie de sécurité.


Si vous faites allusion à la faille récemment découverte, celle-ci provoque un crash, mais rien de plus en fait. Et il a été corrigé comme tel, presque immédiatement après avoir été rapporté.
Par ailleurs, aucun logiciel n’est à l’abri : certaines failles de sécurité sont découvertes de temps en temps, mais elles sont corrigées le plus vite possible.


- Firefox connait un succès important. Est-ce qu’il y a des retombées sur d’autres logiciels libres ? Y a-t-il en quelque sorte un effet Halo ?


Je ne sais pas s’il s’agit d’un effet halo. Peut-être s’agit-il plus des efforts de communication concernant les logiciels libres, le manque d’argent pour certaines administrations, et donc la publicité faite autour de ces changements «forcés» qui font que le logiciel libre commence à avoir de la visibilité et un nombre d’utilisateurs grandissant.

Pour ne citer que l’école dans laquelle je travaille (L'UTBM), on installe de plus en plus de logiciels libres, surtout parce qu’il n’y a plus assez de moyens pour continuer dans la voie propriétaire.

Nous sommes très peu en fait à revendiquer les vraies valeurs du logiciel libre comme justification de leur utilisation.


- Quelles sont, selon vous, les vraies valeurs du logiciel libre ?

Tous ont en commun le respect de l’utilisateur, la qualité en constante évolution, et surtout, le partage des connaissances.


- Comment voyez-vous l’évolution du libre ?


En apparence, tout va bien : le libre prend des 'parts de marché' , s’améliore , est utilisé un peu plus chaque jour.

Mais ce n’est pas tout à fait vrai : à mon humble avis, les sujets de l’éthique autour du libre, comme celui de l’économie du libre devraient être débattus pour que les choses soient clairement énoncées.

En tant que responsable du port Mac, je suis sans cesse à la recherche de solutions pour notre visibilité, notre développement, etc., et c’est vraiment un casse-tête pour renouveler les ressources.

- Que pensez-vous du Macintosh en tant que plate-forme pour faire fonctionner des logiciels libres ?

Il est aujourd’hui possible de porter la plupart des logiciels libres, c’est à dire, adapter leur code source pour qu’ils fonctionnent sous Mac OS X, et beaucoup tournent déjà.

Les outils de développement proposés sont formidables, et permettent de développer dans d’excellentes conditions. Ainsi, le port sur Mac OS X d’applications venant souvent de Linux, mais aussi de Windows, est grandement facilité.

Parce qu’ils le méritent vraiment, juste deux exemples de logiciels libres de qualité qui viennent d’être portés sous Mac OS X : OpenArena et SuperTux (0.3).

Cela a demandé peu de changements (en termes de code), pour adapter ces logiciels à Mac OS X, et ils fonctionnent vraiment très bien sur mon MacBook Pro. Bref, le Mac est une excellente plateforme en tant que système d’exploitation pour faire fonctionner des logiciels libres.


- Est-ce que cela pourrait être, selon vous, un argument de vente pour Apple ?


Depuis toujours, je dis que le libre fait vendre, car il est aujourd’hui synonyme de qualité et de confiance et Apple aurait beaucoup à gagner.

Donc oui, cela constituerait un argument de vente supplémentaire, mis au-delà des logiciels libres, je suggérerais qu’Apple s’engage dans la voie des formats libres, et là, le gain serait encore plus grand, pour tout le monde.

Cette interview a été traduite en anglais.
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