Vidéo en HTML5 : on refait le match ?

Arnaud de la Grandière |
Google a donc décidé de supprimer le support du H.264 dans son navigateur d'ici deux mois. La raison affichée d'un tel choix : la promotion et le support de formats libres au détriment du standard ouvert (mais non moins propriétaire) qu'est le H.264 (lire Chrome : Google abandonne le H.264).

Voici donc un nouvel épisode dans la longue bataille rangée qui oppose les deux camps autour du tag vidéo de HTML5. Les supporters de WebM se surprennent à rêver qu'un tel soutien soit décisif pour faire basculer les choses… La Free Software Foundation n'a d'ailleurs pas caché son enthousiasme suite à cette annonce. Mais, malgré le poids indiscutable de Google, il en faudra bien plus pour faire basculer l'équilibre actuel des choses.

Commençons par faire une estimation des forces en place. Dans le domaine des navigateurs sur ordinateur, seuls Safari et Internet Explorer restent dans le camp du H.264, tandis que Firefox, Opera et désormais Chrome (qui jusqu'ici était le seul navigateur à supporter les deux formats) sont dans le camp de WebM. Pour ce qui est du support effectif du HTML5, seuls IE9 (0,46 % de parts de marché), Safari 4+ (5,41 %), Firefox 3.5+ (21,09 %), Opera 10.5 (2 %), et Chrome 3+ (9,8 %) supportent le tag vidéo, du moins parmi les navigateurs sur ordinateur. Cela ne représente encore qu'une minorité sur la totalité des navigateurs utilisés actuellement.

Car il ne faut pas omettre les appareils mobiles, et particulièrement iOS, dont l'incapacité à lire du Flash a été l'un des moteurs de l'adoption du H.264 sur le web. Si iOS ne s'arroge "que" 1,69 % de parts de marché des systèmes d'exploitation (toutes machines confondues), il n'en est pas moins le fer de lance des plateformes mobiles, un domaine hautement stratégique. Les autres OS mobiles proposent également tous un support natif du H.264, grâce à l'accélération matérielle qui rend sa lecture plus économe en énergie.

WebM-H264-Flash


Passons ensuite sur les fournisseurs de contenus : le premier d'entre eux, YouTube, supporte aussi bien le H.264 que le WebM. Au-delà, il faut encore chercher pour trouver des vidéos au format WebM. Et pour cause : cette valse des codecs a un coût, non seulement de stockage, mais surtout d'encodage.

Les fournisseurs de contenus sont avant tout à la recherche du plus grand dénominateur commun entre tous les navigateurs et toutes les plateformes. Pour l'heure, c'est le duo Flash et H.264 qui l'emporte, puisque le plug-in d'Adobe permet de lire des vidéos H.264 dans les navigateurs qui ne disposent pas de cette fonction. De même, iOS, privé de Flash, peut lire les vidéos au format H.264, comme la plupart des plateformes mobiles.

Prenons le cas de Dailymotion, qui héberge quelque 16 millions de vidéos, au format 3G (240p), SD (380p), HQ (480p) et HD (720p). Pour supporter pleinement le WebM, il faudrait convertir chacune de ces vidéos à chacune de ces résolutions, pour au final n'obtenir strictement aucun avantage du point de vue de l'hébergeur : le support du WebM n'augmenterait pas la portée du site. Sans compter que Dailymotion reçoit nombre de vidéos déjà encodées en H.264 eu égard à la quantité de matériel qui supporte nativement ce format, et que les encodeurs WebM sont deux à trois fois plus lents que leurs pendants en H.264. Sachant d'autre part que le MPEG-LA a décidé d'abandonner définitivement ses royalties sur la diffusion gratuite de contenus en H.264, WebM ne présente pas même de compensation sur ce plan.

Adobe a déjà annoncé son intention d'ajouter le support du WebM dans Flash, et Google parle également d'un plug-in permettant de lire du WebM (probablement sous la forme d'un codec pour QuickTime et Windows Media plutôt que d'un plug-in pour chaque navigateur, lire WebM : liberté, politique et… installation de plug-ins). Il n'en reste pas moins qu'iOS restera incapable de lire du WebM. Les éditeurs de sites qui souhaitent rester accessibles sur les appareils d'Apple auront donc tout intérêt à conserver H.264, qui restera lisible dans Firefox, Chrome et Opera par le truchement de Flash.

Et c'est là où l'annonce de Google démontre ses effets pervers : loin d'inciter à l'abandon de Flash, elle ne fait que renforcer sa position. Certains observateurs n'ont d'ailleurs pas manqué de soulever une incohérence dans l'attitude de Google : si elle abandonne le H.264 pour des questions de philosophie relative au code propriétaire, que fait donc le code de Flash au sein même de celui de Chrome ? Et qu'en est-il des autres produits de Google qui conservent leur support du H.264 ? Olivier Poitrey, directeur technique de Dailymotion, ne mâche pas ses mots : « Google veut nous faire croire que son unique intérêt est de faire avancer l'open source, mais en gardant le support de ce format propriétaire dans YouTube, Android et Google TV, elle démontre l'hypocrisie de son action ».

Reste également l'épineuse question de l'accélération matérielle, cruciale pour les appareils mobiles, et jusqu'ici l'apanage exclusif du H.264. Certes, le support du WebM au niveau matériel a été promis, mais quid des générations actuelles de matériel, et des divers engagements contractuels de YouTube auprès de ses partenaires ?

En effet, il est difficile d'imaginer que Google puisse supprimer le H.264 sur YouTube : dans l'immédiat seuls 32,89 % des internautes pourraient continuer à consulter le site en l'état, un sacrifice impensable. Même lorsque Flash intégrera WebM, il faudra que les internautes mettent à jour leur version pour pouvoir en tirer parti : la version actuelle de Flash ne pose pas cet inconvénient (Flash gère le H.264 depuis la version 9 sortie en décembre 2007). De plus, on imagine mal que Google ne se soit pas engagé contractuellement auprès de partenaires comme Apple pour maintenir la compatibilité avec leurs appareils.

L'engagement de Google derrière le WebM a au moins le mérite de clarifier la donne concernant la situation du codec sur le domaine des brevets : le MPEG-LA a dit et répété que le format libre violait certains de ses brevets, et qu'une licence était en cours d'élaboration. L'association industrielle ne pourra faire trembler indéfiniment sans que ses menaces ne soient mises à exécution, et dans l'hypothèse où elles sont fondées, Google représenterait une cible de choix, si ce n'est pour l'exemple, au moins pour les dommages et intérêts qu'elle pourrait représenter. Ajoutons cependant que rien n'empêche le MPEG-LA de choisir avec parcimonie ses adversaires judiciaires, d'autant que Google a clairement fait comprendre qu'elle ne viendrait pas au secours de ses partenaires.

Bref, la décision de Google est un pavé dans la mare du HTML5, qui ne fait que redonner de la pertinence à Flash, là où Apple avait fait tout le contraire. Et si précisément c'était l'effet de bande recherché ? En redonnant de l'importance à Flash, Google pourrait fort bien œuvrer à l'intérêt d'Android, qui lui supporte ce format, à l'inverse d'iOS… le tout en passant pour le chevalier blanc des formats libres.

Mais Google n'a-t-elle pas tout simplement suivi la logique d'écosystème ? À vrai dire, la propriété d'un codec vidéo, fut-il appelé à devenir un standard, n'est pas un enjeu stratégique majeur, dans la mesure où l'interopérabilité est précisément un élément crucial pour les standards industriels. L'exclusivité est d'autant moins de mise sur un format libre. Google peut certes présider en toute liberté sur l'avenir du codec et décider de ses évolutions futures, mais les effets collatéraux semblent plus déterminants encore que ce seul avantage, du moins à moyen terme.

Ces explications justifieraient-elles les coûts importants que représente l'investissement de Google derrière le WebM ? Il lui en a tout de même coûté 100 millions de dollars pour en faire l'acquisition, et la conversion des plus de 120 millions de vidéos hébergées sur YouTube aura certainement un coût conséquent que peu d'autres acteurs peuvent se permettre. Des chiffres qui sont malgré tout à remettre en perspective : selon diverses estimations, le déficit de YouTube se monterait à quelque 500 millions de dollars rien que sur l'année 2009. Une paille en comparaison des 6,5 milliards de bénéfices engrangés l'an dernier par Google.
avatar BioSS | 
Un lien de la part de vraies personnes bossant dans le milieu à haut niveau qui se foutent bien de la gueule de votre HTML5 moisi et qui pleurent pour développer du web riche avec le safari embarqué sur iOS. On dit Merci la connerie d'Apple http://blog.millermedeiros.com/2011/01/ipad-is-the-new-ie6/
avatar MacRicow | 
@bioSS : des «vraies» personnes bossant dans le milieu à «haut niveau» J'en doute : «Until the middle of 2009 I was doing way more design than development but after that I started focusing more on programming… My main goal right now is to learn as much as I can, write cleaner code at each day and maybe someday become a “good developer”». Manifestement, il est initialement davantage graphiste et est depuis un an et demi en train d'apprendre la programmation et espère un jour devenir un «bon développeur», ce n'est pas à proprement parler ce qu'on appelle du «haut niveau», du moins pas encore… S'il a du mal à coder en HTML5/CSS pour l'iPad, il a encore pas mal de boulot avant d'arriver à «haut niveau».
avatar JoKer | 
=> Je trouve risqué de renié un format libre de droits, dans l'espoir qu’en 2016, il se passera peut-être cela. Ouais... moi je trouve dommage de tabler sur le fait "qu'il y aura sûrement des décodeurs et des encodeurs WebM intégré à tout les appareils d'ici la fin de l'année" pour pousser un format libre, peut-être (avec toujours des risques de procès...), mais moins bon techniquement et surtout beaucoup moins intégré dans l'industrie. Si Il faudrait passer au WebM maintenant (alors qu'il y a un format qui couvre déjà toute l'industrie, depuis ce qui sert à enregistrer les vidéos, les traiter, jusqu'à la diffusion), ça ferait bien trop de chose a changer pour avoir seulement un équivalant. Si le WebM proposait une réelle avancée technique, je ne dis pas. Mais c'est pas le cas. J'ai des clients privés qui doivent consulter des vidéos. Si, sur ces deux prochaines années, il y en à un qui me dit qu'il ne peut pas lire la vidéo, je lui fait installé ce dont il a besoin (navigateur ou plug-ins). Peut-être que YouTube peut se permettre de perdre de l'argent à réencoder ces vidéos, mais c'est pas le genre de chose qu'on peut faire dans la structure dans laquelle je suis.
avatar Almux | 
C'est, quand-même, dégueulasse qu'Apple ait fait virer les disquettes 1.4Mo des PCs! C'était de l'abus de position dominante(?)! lol He! Arrêter de défendre Google et son usage du "libre"! Google, c'est comme le bon dieu: assez grand pour se défendre tout seul et imposer sa volonté!
avatar Stanley Lubrik | 
Avec la pression que crée le WebM, eh bien que le MPEG-LA libère tous les usages du H264... Et la messe serait dîte... Et puis - pour me répéter - je pense qu'avec l'inclusion progressive de la pub dans la vidéo diffusée gratuitement, Google avait besoin d'un modèle de codec totalement libre.... Cet investissement est une conséquence de son modèle business... Et l'avoir totalement libéré est évidemment un moyen de pression sur l'industrie.... Et si le WebM évolue à la vitesse du navigateur Chrome, on peut imaginer le codec murir à vitesse grand V. En tous cas, comme je l'imagine, on peut songer à une prochaine version du codec avec une couche invisible permettant une diffusion automatisée de pub quand des accords le permettront. Exemple : songez à un partenariat Google avec le producteur d'un film, lequel récupère une part de la pub diffusée en compensation de la gratuité de diffusion. Une part financière toujours valorisée par de la pub évolutive sur toute la carrière online du film. WebM pourrait donc révolutionner la diffusion des fillms par une gratuité accrue compensée par cette pub incontournable. Même les copies en WebM seraient autorisées sur son ordinateur puisqu'elle sauraient actionner la pub via le Web, ou sauraient se bloquer en diffusion si Internet est coupé. Fin toute querelle de droits sur ce type de diffusion par la persistence d'un mode de rémunération durable et évolutif par la pub... De YouTube à YouPub !!!
avatar MauriceTardif | 
J'en viens à me demandé si vous avez la capacité de critiquer les décisions d'Apple. Et ne vous en faites pas, moi je suis capable de critiqué Google, Microsoft, Nintendo, Oracle et encore plus. He non, je ne considère pas que Google est parfait. Mais connaissez-vous un autre des trois grands joueurs qui se donne la peine de supporter toutes les plateformes, Mac, Windows et Linux? Et ce avec des produits gratuits? Et arreté de le critiquer pour les publicités, quand on donne ces produits, on doit bien se financer autrement. Pour tous les usagers Linux, ce n'est pas les modèles d'affaire de Microsoft et d'Apple qui les sert le mieux.
avatar MauriceTardif | 
Ma motivation n'est pas de défendre Google, mais le fait qu'un codec vidéo libre devrait être supporté. J'ai déjà expliqué que comme les langues parlées et écrites nous devrions aussi pouvoir utilisé de vidéo sans avoir a payé de licences. Les joueurs qui ne pourront pas se permettre d'utiliser le H.264 pourront toujours même s'il est moins performant utiliser le Webm. Seulement si nous ne critique'on pas le fait qu'Apple refuse de supporté aussi le Webm, ou tous autre alternative pouvant lire plusieurs formats vidéo comme flash, les utilisateurs de produit Apple se verrons censuré d'une partie de ces fournisseurs. Privé de cette clientèle, ce petit producteur en subira aussi un contre cout. Si je me suis attardé sur le cas de Google, comme je l'ai déjà expliqué, c'est que certaine personne tente d'excusé le comportement d'Apple, en donnant comme exemple la décision de Google de ne plus utilisé le H.264 dans chrome. J'ai seulement démontré que la décision de Google n'avait pas le même impact sur les usagers comparativement à des effets radicaux des décisions d'Apple sur ses propres clients. Personne n'a été en mesure de me démontrer le contraire. Essayé donc de faire comme si Google n'existait pas. Et dites-moi pourquoi il est si important pour Apple de ne pas supporter le webm, ou tout autre format libre ? Et arreté de me parler de consommation, ceux qui voudront l'utiliser pourraient les activer dans les options de configuration avec une mention de consommation accrue. Ce sera leur décision, non celle d'Apple. C'est surtout le libre choix des clients d'Apple qui est brimé, et ce n'est pas parce que vous, vous ne voulez pas activé flash de temps en temps, que tous les utilisateurs d'Apple ne le veule pas. Pour ce qui est des accélérations matérielles de Webm, il est indéniable que ça viendra. http://www.webmproject.org/about/supporters/ Et le premier soc. http://www.itespresso.fr/rockchip-et-webm-lancent-le-rk29xx-la-premiere-solution-de-systemes-sur-puce-soc-a-soutenir-lenregistrement-sur-materiel-de-la-video-hd-de-webm-40097.html

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