Apple : une histoire qui peut faire flop

Vincent Absous |
À lire la presse, la presse papier comme la presse Internet, Apple va bien. Certes, crise financière et crise économique obligent, le titre AAPL est chahuté ces temps derniers, mais le sentiment profond est que tout réussit à la Pomme en ce moment. Il n'y a qu'à se rendre dans une Fnac quelconque pour voir que le Mac, longtemps très mal placé en rayon, caché presque, sinon même absent, occupe désormais un espace privilégié, clairement identifié et bien souvent loin du fin fond du rayon informatique où on le reléguait avant. Désormais, le Mac intéresse et Apple semble voler de succès en succès. En août dernier, la capitalisation boursière d'Apple (159 milliards de dollars) dépassait celle de Google ! Apple devenait alors la deuxième capitalisation du Nasdaq. Deuxième derrière... Microsoft

Depuis le lancement de l'iPod, fin 2001, un appareil auquel tout le monde était loin de croire en son temps, Apple a multiplié les succès, à commencer par redresser assez spectaculairement les ventes de ses ordinateurs. Depuis, l'iPhone n'a fait que confirmer ce sentiment. Certes, la version EDGE n'a peut-être pas rencontré partout où elle était commercialisée le succès escompté, mais la version 3G, elle, a frappé un grand coup. D'ailleurs, depuis son lancement en juillet dernier, le téléphone est disponible dans toujours plus de pays. Apple fait même désormais partie du Top 10 de la téléphonie, "Une sacrée performance pour une société qui n’a qu’un seul modèle à son catalogue", écrivait Christophe Laporte dans sa Une du jeudi 30 octobre.

La semaine passée, John Sculley, l'homme que Steve Jobs était venu débaucher de Pepsi pour lui confier la direction d'Apple, revenait sur ces incroyables succès, les mettant notamment sur le compte d'un certain génie de Steve Jobs. Et pourtant, c'est ce même John Sculley qui avait mis à la porte Steve Jobs de la société qu'il avait fondée en partie.

C'est que l'on aurait tendance à oublier qu'Apple est loin d'avoir toujours tenu une aussi belle forme qu'aujourd'hui. En 1997, Michael Dell conseillait même aux dirigeants d'Apple de mettre la clef sous la porte. La Pomme semblait on ne peut plus pourrie. Rien ne fonctionnait. À cette époque-là, ce n'était pas de Top 10 de la téléphonie qu'on parlait, mais bien plutôt de catastrophe industrielle.



Allan Yogasingam n'a pas la mémoire courte. Travaillant pour EE Times, il est revenu mardi dernier, lors de l'Embedded Systems Conference de Boston, sur des échecs matériels pourtant retentissants de la Pomme. Dans tous les cas évoqués, il s'est agi d'un problème avant tout marketing.


mp2000


Le premier d'entre eux, celui auquel on pense beaucoup en ce moment, et dont a voulu reparler John Sculley la semaine passée : le Newton. Pour l'ancien patron d'Apple, le PDA est arrivé trop tôt. En 1992, commercialisé l'année suivante en fait. Quinze ans avant celui qu'on dit être son successeur, l'iPhone. Il avait tout pour lui : taille, reconnaissance de l'écriture manuscrite et même un brin d'ironie de la part des Simpson (l'appareil a fait une apparition dans un des épisodes). Il avait tout, sauf son prix. Il était vendu entre 700 et 1 200 dollars ! John Sculley a beau jeu de dire que le Newton est arrivé trop tôt sur le marché. On voit bien les errements d'Apple en matière de marketing. Il ne s'agit pas d'arriver à l'heure, il s'agit d'arriver au bon prix. Un produit qui offre un bon rapport qualité/prix est alors dans l'air du temps.


pippin2


Autre exemple : la Pippin. Lancée en 1995 sur le marché japonais avec Bandai, un acteur majeur du moment, la console fit un four. Pour Allan Yogasingam, c'est au cœur même de l'objet qu'il faut en aller voir les raisons : son processeur. Le 603 PowerPC de Motorola avait déjà trois ans d'âge ! Un CD-ROM mettait plus de trois minutes à se charger. Certes, la Pippin était la première console à se connecter au Net (on était en 1995 !), mais avec un modem à 14,4 Kb/s. Envoyer un message, en recevoir une réponse prenait déjà dix minutes. Tout cela sans parler du prix : 600 $, alors que la N64 se vendait à peine 200 $.



cubeapple


Et il ne faudrait pas croire que ces bides remontent à l'époque où Steve Jobs n'était plus aux commandes d'Apple. C'est lui qui, fièrement, présentait le Cube en 2000. Le Cube, ce magnifique ordinateur avec son look si particulier, son élégance, sa légèreté, a lui aussi été un joli flop, au point qu'Apple en a interrompu la fabrication et la commercialisation assez brutalement en juillet 2003. Pour Roger Kay, observateur du monde Mac, l'échec est dû justement à une erreur de jugement de Steve Jobs. Pour lui, "le Cube était assurément le mauvais produit".

Et que penser d'Apple TV ? Flop, pas flop ? Il est peut-être encore tôt pour le dire avec certitude. Annoncé en janvier 2007, disponible quelques semaines plus tard, le média center d'Apple n'avait été vendu qu'à 250 000 exemplaires six mois après. On parlait déjà à l'époque d' "iFlop". D'ailleurs, cherchant à peine à tromper son monde sur ce point, Steve Jobs préférait parler d'Apple TV comme d'un "hobby".


lisa


Et la liste ne s'arrête pas à ces exemples emblématiques. On pourrait encore évoquer le Lisa, cet ordinateur auquel l'acharné Steve Jobs a donné le nom de sa fille, dont il a soutenu le développement alors que d'autres équipes d'Apple développaient le Macintosh, qui, commercialisé en 1983 au prix de 10 000 dollars, s'est à peine vendu, au point qu'Apple en a enterré (Greenpeace doit adorer l'idée) des milliers d'invendus dans un champ de l'Utah. Même le mythique Macintosh Portable, vendu en 1989 6 500 $, fit un four avant que la société ne le repense et n'en propose une autre version deux ans plus tard et ne le décline ensuite, avec le succès qu'on sait, avec le PowerBook, puis le MacBook. On pourrait aussi parler du Quicktake, là encore un de ces produits en avance sur leur temps. Lancé en 1994, il ouvrait la voie à la photo numérique, mais à 750 $ et avec 0,3 mégapixel ! Ajoutons le Macintosh TV, un hybride de LC 520 PC équipé d'un Tuner TV. Moins de 10 000 exemplaires ont été assemblés.

Sur son excellent site L'Aventure Apple, J.-B. Leheup n'en finit pas de dresser la liste de ces appareils qui ont fait rêver, mais qui n'ont finalement pas su trouver leur public. Et les matériels ne sont pas les seuls. Le logiciel n'est pas en reste. Un nom suffit, au moins : Copland. On connaît la suite : l'échec de ce projet-là a pourtant jeté les bases du succès d'un autre projet, Mac OS X, et a signé le retour aux commandes de Steve Jobs.
avatar Yves SG | 
Décidément, je maîtrise toujours pas l'utilisation des tags moi...

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