Test de Director 11.5

Arnaud de la Grandière |
Voilà donc la seconde mise à jour de Director depuis qu'il est passé dans le giron d'Adobe après sa fusion avec Macromedia. Le logiciel, dont on annonce la mort imminente depuis une dizaine d'années, poursuit malgré tout son évolution. Il est vrai que les mises à jour du vénérable logiciel d'authoring n'ont plus fait figure que de maintien sous perfusion sans véritable ambition. À bien y regarder, la plus ambitieuse version de Director, qui introduisit la 3D et qui fut la plus couteuse à réaliser, fut également la dernière qui fut vraiment digne d'intérêt, il y a maintenant plus de 8 ans. Le moteur 3D n'a guère connu d'évolution depuis, et les nouvelles fonctionnalités restaient bien maigres, l'essentiel consistant en des ravalements de façade peu convaincants, et au support des derniers OS et processeurs.

Ce fut également le cas de la précédente mise à jour, qui intégrait le support des processeurs Intel, l'ajout de filtres bitmap, et le support du texte Unicode… Ce qui était bien inconsistant après quatre ans sans nouvelle version. Il aura toutefois fallu attendre moins longtemps pour Director 11.5, annoncé comme son prédécesseur à la Game Developer Conference, tout juste un an après. Le rythme reprend une allure normale, espérons qu'Adobe poursuive sur cette voie et se donne les moyens de ses ambitions affichées pour Director : lui rendre la place de logiciel d'authoring de premier plan qui fut autrefois la sienne.



Peut-on être plus satisfait de cette nouvelle mouture? Disons-le tout net, le moteur 3D s'enfonce un peu plus dans la désuétude puisqu'il ne connait pas de modification majeure, et pire encore, Director n'est toujours pas compatible avec les fichiers Flash codés en AS3. Voilà qui devrait limiter drastiquement les usages, en fonction de vos priorités. Ne désespérons cependant pas, ces deux fonctions devraient figurer au rang des nouveautés de Director 12, qu'on annonce comme juteuses.

Que reste-t-il à se mettre sous la dent? En premier lieu, Director 11.5 s'affranchit désormais des moteurs extérieurs de vidéo (QuickTime, Windows Media Player et Real Player, d'ailleurs tous supportés par Director), en proposant un lecteur de vidéo H.264 intégré, permettant d'importer et de lire les fichiers aux formats MP4, F4V, et FLV. Ainsi, plus besoin de recourir à une installation d'un plug-in supplémentaire pour afficher de la vidéo dans Shockwave ou dans un projecteur, ni même de s'en remettre à Flash pour le faire. Cependant, l'implémentation n'est que partielle, puisqu'elle ne gère pas les "cue points", ces marqueurs temporels qui permettent de synchroniser des évènements au déroulement d'une vidéo, et que seuls certains types de vidéo passeront (à tel point qu'une propriété lingo vous permettra de déterminer si la vidéo est supportée). S'il est possible d'afficher de la vidéo "streamée", il ne s'agit que de streaming au sens strict, Director ne supportant pas la lecture d'un tampon préchargé en HTTP (comme le permet Flash avec les implémentations de type YouTube). En outre, s'il est possible de varier la vitesse de lecture de la vidéo, il est impossible de la lire en arrière.



D'autre part, Director 11.5 propose désormais un nouveau moteur sonore, permettant de mixer en temps réel des sons en surround 5.1, et proposant la gestion d'effets sonores de type DSP (réverbération, écho, flanger, time-shifting, etc.). Le tout se présente sous la forme d'un nouveau type d'objet, nommé "mixer", dans lequel on peut désormais mixer 16 pistes audios, ou "sound objects" (cumulables à l'infini en prémixant les sons). On peut appliquer plusieurs effets à chaque objet sonore, ainsi qu'au mixer en lui-même. Le moteur est rapide et réactif, permettant à Director de proposer une gestion moderne du son. Quelques petits regrets toutefois, le son surround n'est pas lié aux modèles 3D automatiquement, il vous faudra donc coder vous-même la spatialisation de vos effets sonores, ainsi que les effets de dynamique du son tel que le Doppler (cette particularité physique qui fait que le son d'une sirène d'ambulance semble varier de tonalité à mesure qu'elle se rapproche ou s'éloigne). Cependant, différents développeurs émérites ont déjà mis à disposition de la communauté des briques de code permettant de pallier ce manque. Il ne fait aucun doute qu'Adobe poussera l'intégration du son surround au moteur 3D dans la prochaine version de Director. Malgré tout, il est possible de faire passer la bande-son d'une vidéo H.264 dans le mixer pour lui appliquer différents effets en temps réel.



Director 11.5 corrige également les problèmes introduits par Director 11 (voir notre labo) : l'ajout du texte Unicode dans la précédente version ne s'était pas fait sans mal, puisque la gestion du texte était devenue incroyablement lente, et qu'en outre il était devenu impossible d'exploiter des données en binaire. Director 11.5 améliore notablement la vitesse du texte d'une part (y compris dans l'éditeur de scripts), et d'autre part apporte le support officiel des données binaires. Ainsi, il est maintenant possible de lire un fichier binaire par le biais de l'Xtra FileIO ou via une requête HTTP. De même, un nouveau type d'acteur est disponible, permettant de stocker des données binaires directement dans une distribution, ainsi qu'un nouveau type d'objet Lingo, appelé ByteArray, qui permet de stocker des données binaires dans une variable et de les manipuler. Il est également possible d'intégrer ces données binaires dans du XML ou de les échanger via l'Xtra MultiUser. La fonction est très prometteuse, puisqu'Adobe a également intégré des ponts entre le moteur graphique, le moteur sonore, et le gestionnaire de données binaires. Ainsi, il est possible de lire un échantillon sonore au format PCM à partir d'un fichier binaire et de l'injecter dans le mixer audio. De même, il est possible de lire des données graphiques binaires et de les injecter dans une variable de type image. L'inverse est également vrai. Ainsi, il devient non seulement possible de créer vos propres formats de fichiers binaires, mais également d'ajouter l'import de formats non supportés en standard par Director en codant un gestionnaire en Lingo.

Malheureusement, Adobe n'a intégré aucun moyen d'opérer des calculs sur un ensemble de données binaires, il vous faudra donc procéder à vos calculs octet par octet, et on arrive vite aux limites du lingo et des lenteurs inhérentes à un langage interprété, lorsqu'il s'agit de traiter du son en 44 kHz par exemple… De même, on regrette que le pont entre le moteur bitmap et le gestionnaire de données binaires ne se limite qu'aux images 24 et 32 bits : il aurait été possible de parer aux limites du traitement du son en transformant un signal audio en données graphiques 8 bits pour y appliquer des opérations en une seule passe, ce qui aurait été autrement plus rapide, à la manière de ce qui se pratique avec les GPGPU.

Sur le plan de la 3D, on frise l'anecdotique avec le support du format de fichier de Sketchup, et l'amélioration du moteur Ageia PhysX qui gère désormais les formes concaves et voit quelques bugs corrigés. Et ô affre des affres, la politique d'Adobe en matière d'aide en ligne pour toute sa gamme de logiciels a de nouveau basculé l'aide de Director en HTML. On se souvient de triste mémoire que Macromedia en avait fait autant, au grand dam de ses utilisateurs : les pages HTML se prêtent fort mal au recours quasi permanent à la documentation dont l'utilisateur de Director a besoin. Macromedia était revenue à l'aide intégrée à Mac OS X après bien des cris d'orfraie, Adobe reproduit donc la même erreur. En revanche, Shockwave bénéficie dorénavant de la même politique "cross-domain" de Flash, ce qui permettra d'accéder à des fichiers à partir d'un nom de domaine différent sans faire surgir la terrifiante alerte de sécurité. Ainsi, les développeurs pourront désormais intégrer de la publicité dans leurs réalisations par exemple, ce qui leur offrira de nouvelles opportunités avec Shockwave.

Au final, les trois principales nouvelles fonctions sont très prometteuses et puissantes, mais laissent un gout d'inachevé : pour donner leur pleine mesure et être vraiment exploitable, il aurait fallu qu'Adobe consacre un peu plus de temps au développement de Director 11.5. Et c'est autant de temps qu'il faudra passer en plus pour véritablement les achever sur Director 12, dont la feuille de route est déjà bien chargée. Néanmoins, ne boudons pas notre plaisir : voilà bien longtemps qu'une nouvelle version de Director n'avait plus offert de réelles nouvelles capacités au niveau du moteur d'exécution, ce qui permettra enfin de faire de nouvelles choses et de repousser les contraintes d'hier. Le moteur sonore apporte à Shockwave un nouveau réel avantage face à Flash et devrait lui permettre de remporter de nouveaux marchés. Ça n'est pas encore tout à fait le retour du phoenix, mais ça commence à y ressembler, gageons que la prochaine sera la bonne. Une chose est sûre, si beaucoup d'entre vous avaient boudé Director 11, ils pourront passer plus sereinement à la version 11.5 qui corrige les gros problèmes de lenteur sur le texte, et supporte pleinement Leopard (il était temps!)

Mais alors que Google vient de proposer un nouveau plug-in 3D pour le web, dans le cadre d'une initiative du Khronos Group pour un standard ouvert, on ne peut que déplorer le gâchis : Macromedia a laissé le chantier en jachère trop longtemps, sans rien en faire d'ambitieux, et on peut se demander si Director 12 et la mise à jour promise pour la 3D n'arrivera pas trop tard, même si Adobe semble vouloir reprendre le taureau par les cornes.

La page produit de Director sur le site d'Adobe (démo disponible)
avatar Anonyme (non vérifié) | 
Merci Nonoche pour ce test. C'est pas très encourageant pour Director, en espérant que la version 12 permette un nouveau départ.
avatar patrick mantout | 
Bonne article de nonoche, mais il faut arrêter de prendre ses désirs pour des réalités, Director est mort et bien mort face à Flash. J'ai utilisé Director depuis Director 2 avec HyperCard (souvenir, souvenir :-) ) et j'ai réalisé pas mal de CDs interactifs mais avec la sortie de l'Actionscript 3.0, il faut bien se rendre à l'évidence, Director ne tient plus la route, Lingo est totalement dépassé face à l'AS3 qui possède des notions de POO très performantes. Comparer Lingo à l'AS3, c'est comme comparer le Basic au C. Certes le Lingo est très facile à appréhender, mais ce n'est plus un outil professionnel. Mis à part, pour la 3D et le son en 3D, Flash est plus performant que Director dans tous les domaines (gestion du texte, du vectoriel, portage sur Linux, Flex, RIA, …). Quand on voit les commandes du module AIR qui permet de faire des modules Flash off-line, c'est vraiment le coup de grâce à Director. Même pour la gestion d'opérations bitmaps pixels à pixels (pourtant le point fort de Director) Flash (depuis l'AS3) est plus rapide et performant que Director. D'ailleurs Adobe, laisse totalement tomber Director si vous allez sur le site "Flash Developer Center" [url=http://www.adobe.com/devnet/flash/], vous verrez que les 6 derniers articles remontent au maximum à 2 mois, c'est du frais :p Alors que sur le site "Director Developer Center" [url]http://www.adobe.com/devnet/director/[url=*], les 6 derniers articles remontent au maximum à plus de 3 ans et demi CQFD Patrick [url]http://www.mega-art.com/blog/ [url=*]

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