Penny Arcade Adventures : On the rain-slick precipice of darkness, Episode 1

Arnaud de la Grandière |
Pour ceux qui ne connaissent pas Penny Arcade, petit cours de rattrapage : il s'agit d'une webcomic à succès consacrée pour l'essentiel à l'univers du jeu vidéo. Elle est réalisée depuis ses débuts en 1998 par Jerry Holkins, qui se charge de l'écriture, et par Mike Krahulik pour les dessins. Ils publient un nouveau strip trois fois par semaine, dans lequel évoluent leurs alter ego respectifs Tycho Brahe (du nom d'un astrologue danois), et Jonathan "Gabe" Gabriel.

La BD, en plein dans la sous-culture geek, oscille entre blague potache, et humour glacé et sophistiqué, digne des plus belles heures de Fluide Glacial, le tout saupoudré de références culturelles caustiques, parfois à la limite du private joke. Les thèmes abordés varient entre la soumission des critiques de jeux aux éditeurs, le cynisme de ces derniers, ou encore la croisade contre l'avocat Jack Thompson, grand prédicateur farouchement opposé aux jeux, qui fait usage de méthodes contestables.

La bande dessinée fait figurer d'autres personnages récurrents (Jésus lui-même, Div, le fameux Fruit Fucker, ou encore Charles, un Mac-User qui a même fini par les convertir. À noter que ce dernier aura un rôle dans l'épisode 2 du jeu), ainsi que des histoires situées dans des univers propres, comme le cardboard tube samurai ou encore Twisp et Catsby. Cette propension à créer des univers parallèles sera d'ailleurs mise à profit pour la série de jeux.

L'entreprise Penny Arcade fonctionne plutôt bien, puisque, outre les produits dérivés et autres albums, le duo organise également un salon dédié, PAX, ainsi qu'une œuvre caritative, Child's Play. Il était donc tout naturel que le jeu vidéo à proprement parler soit leur cible suivante. L'équipe en a d'ailleurs profité pour lancer leur propre plate-forme de distribution en ligne, Green House.

Le jeu se présente sous la forme du feuilleton, puisqu'il sera publié en quatre épisodes. Reprenant les canons de l'Aventure-RPG, cet épisode 1 se déroule dans la bonne ville de New Arcadia, en 1922. Gabe et Tycho tiennent un cabinet de détectives sur les phénomènes paranormaux. Et ils vont être servis, puisque la ville se voit assaillie par un gigantesque robot (aux traits étrangement similaires au Fruit Fucker). D'ailleurs, celui-ci vient d'écrabouiller votre maison, ce qui suffit à vous décider à joindre l'intrépide duo dans sa quête.


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Disons-le tout de suite : On the rain-slick precipice of darkness, Episode 1 est un jeu fait par des geeks, pour des geeks. Le jeu fourmille de références culturelles, notamment à l'œuvre de Lovecraft puisque le boss final s'inspire particulièrement de Cthulhu. L'épisode 2 fera également référence au fameux Nécronomicon. En revanche, si vous ne versez pas dans la littérature de genre fantastique, SF ou heroic fantasy, sans doute les allusions vous échapperont-elles quelque peu ("Klaatu barada nikto", ça ne fait pas rire tout le monde)

Sur la base d'une interface "point and click", vous dirigez vos personnages, inspectez les objets, et devez régulièrement vous frotter à des ennemis dans un système de combat qui mélange le temps réel et le tour par tour. Le genre étant sous représenté sur Mac, ça n'est pas pour nous déplaire. À mesure que vos capacités augmenteront, vous débloquerez de nouvelles attaques qu'il vous faudra déclencher par une sorte de minijeu assez original pour chaque personnage. Vos aventures vous feront visiter quatre lieux différents, et il vous faudra entre 5 et 8 heures pour en venir à bout.


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Le jeu, développé par les Canadiens de Hothead, a été réalisé sous la houlette de Ron Gilbert, qui avait réalisé les jeux du genre point and click les plus mythiques, comme Maniac Mansion, ou encore Monkey Island 1 & 2. Pourtant, cette prestigieuse collaboration peine à se faire sentir : les interactions se limitent pour l'essentiel à cliquer sur des objets du décor qui recèlent divers bonus, le gros du jeu se déroulant dans les scènes de combat, qui deviennent quelque peu répétitives à la longue.

Le jeu est également assez linéaire, et la progression aurait mérité d'être mieux dosée : le jeu est tantôt trop dur, tantôt trop simple, la puissance des ennemis ne s'adaptant pas à la vôtre. Du point de vue graphique, il n'y a pas grand-chose à relever, la 3D du moteur Torque Engine affichant un pseudo-cell shading honnête et peu gourmand qui tournera correctement même sur les Macs équipés d'une puce GMA 950. Les cinématiques reprennent le rendu 2D de la bande dessinée à l'aide de Flash, et on reconnaît bien les personnages de la série que ce soit en 2D comme en 3D. Un autre regret également : le système qui vous permet de créer votre propre avatar dans le plus pur style de la webcomic, assez prometteur, perd beaucoup de son intérêt dans la mesure où trop peu d'options de personnalisation sont proposées.


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Vous vous retrouverez régulièrement dans des séquences de dialogues interactifs où il vous faudra choisir une réponse parmi un choix multiple, mais ces choix auront pour seule incidence d'écourter ou de prolonger le dialogue la plupart du temps. Pour ce qui est du gameplay, un petit regret : la sélection des ennemis en mode de combat se fait à la souris et ça n'est pas toujours optimal : les ennemis bougent, et les membres de votre équipe sont même parfois des obstacles pour les sélectionner. On se retrouve donc à leur faire la chasse avec le curseur et c'est parfois agaçant. D'autre part, en mode exploration, le pathfinding n'est pas toujours à la hauteur, une technique pourtant bien rodée depuis longtemps. Quelques petits bugs pourront également faire planter le jeu (sur la fin de la partie, toute utilisation du chat en mode combat mettait fin aux hostilités de façon rédhibitoire).

Mais à vrai dire, tout ça n'a guère d'importance, car ce en quoi Penny Arcade Adventures : On the rain-slick precipice of darkness, Episode 1 s'illustre particulièrement, c'est son humour déjanté. Tous les textes du jeu ont été écrits de la main de Jerry Holkins lui-même, et c'est un vrai bonheur, si toutefois vous n'êtes pas hermétique à l'humour de Penny Arcade. Il vous faudra en revanche un assez bon niveau d'anglais pour en profiter pleinement, l'auteur aimant particulièrement à utiliser un vocabulaire alambiqué, ce qui fait d'ailleurs l'objet d'autodérision à plusieurs reprises dans le jeu.

Au-delà même des textes, les rebondissements de l'histoire vous propulseront dans des situations surréalistes, par exemple la dissertation d'un savant fou sur les vertus du pipi, ou encore dans des combats contre une bande de mimes-zombies. Même la campagne promotionnelle du jeu est à l'avenant, puisqu'elle met en avant les critiques acerbes d'un troll anti-penny arcade qui a sévi sur différents forums !

Si on attendait plus Penny Arcade sur la satire des lieux communs dont les jeux vidéos sont généralement boursouflés, cette approche originale n'en est pas moins plaisante, et les quelques heures que vous passerez avec le jeu, si elles ne seront pas les plus marquantes de votre vie de gamer, n'en seront pas moins agréables : en somme, le jeu se savoure un peu comme une version plus ou moins interactive de la BD. Ceci étant, les critiques de jeux, qui sont souvent les victimes de Penny Arcade, ont été relativement fair-play et ont assez bien noté le jeu, alors qu'une occasion en or de prendre leur revanche se présentait à eux.

Le duo a d'ailleurs beaucoup appris de cette première expérience, et promet des améliorations pour les épisodes à venir. Ceux-ci récompenseront d'ailleurs les joueurs fidèles qui auront terminé les épisodes précédents. On peut en revanche regretter le tarif quelque peu élevé au regard de la longévité du jeu, d'autant que si vous voulez connaître le fin mot de l'histoire, il vous faudra bourse délier à quatre reprises. À recommander aux fans de la webcomic avant tout, donc.
avatar Bassman | 
Des infos sur sa disponibilité prochaine en français dans le texte ?
avatar oomu | 
hmm je doute qu'il y aura un jour une traduction comme Tycho ne fait pas traduire ses textes, il n'y a pas de traduction officielle vis à vis de la bande dessinée. le Fruit-fucker serait traduit comment ? Quid de la francisation des noms des personnages ? et ne risque-t-on pas de perdre tout le charme des textes alambiqués de penny arcade? c'est la même question que pour les livres de Douglas Adams sauf qu'ici on a plusieurs années de BD (qui forment la base de l'humour du jeu) qui n'ont jamais été traduites.
avatar Bassman | 
En tout cas j'adore :D j'ai pris sur moi de pas manger ce midi pour tester la démo, c'est sympa comme tout :)

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