Labo de Final Cut Express

La redaction |
Alors qu'on pourrait parfois reprocher à la firme de Cupertino d'être obstinément absente de certains secteurs propres à l'outil informatique, il faut néanmoins constater une chose : quand Apple vise un marché particulier, elle le fait, et elle met pour ainsi dire le paquet. La cible qui nous intéresse ici, c'est bien sûr l'univers du traitement vidéo. Enclenchée par iMovie, crédibilisée par Final Cut Pro, et ensuite raffermie par l'arrivée d'outils tels que DVD Studio Pro et Shake, la révolution vidéo made in Apple fait son bonhomme de chemin, couronnée ça et là d'éloges (et éventuellement de critiques). Si les deux extrêmes de la demande semblent satisfaits — iMovie pour l'amateur, Final Cut Pro pour le spécialiste, qu'en est-il de ce qui se situe entre les deux, c'est à dire celui qui en veut plus que l'extrêmement simple, mais moins que le très compliqué ? La Pomme y a pensé, et ainsi naquit Final Cut Express...




Ca commence bof...
Un petit coup d'oeil dans la boîte du logiciel nous fait découvrir plusieurs choses : deux disques (un cédérom d'installation, et un DVD-Video de formation), deux feuilles parsemées de vignettes autocollantes — libellées en anglais — à appliquer sur les touches du clavier (pour faciliter l'utilisation des raccourcis), un guide de service et d'assistance, un guide d'installation, et une carte d'enregistrement vous proposant une inscription en ligne, qui vous offrira la possibilité de télécharger gratuitement Joe's Color Glow, un module externe générateur de halos et auras. Vous avez bien lu : le mode d'emploi n'y figure pas. Mais en insérant le disque d'installation de Final Cut Express, vous découvrirez rapidement qu'il est bel et bien disponible, dans un fichier PDF. Sachant que celui-ci compte exactement 784 pages, certains y réfléchiront sans doute à deux fois avant d'entreprendre l'impression de son intégralité, surtout sur un dispositif à jet d'encre. À mon goût, c'est une erreur de la part d'Apple de ne pas avoir inclus une version physique du manuel, étant donné le prix du logiciel le destinant à une clientèle plus vaste que celle intéressée par son grand frère Final Cut Pro ; le coût d'impression du mode d'emploi aurait été largement amorti.




Autre déconvenue, assez impressionnante cette fois : le DVD de présentation et formation livré avec le logiciel est en anglais, et il n'est même pas possible d'obtenir de sous-titres en français (ni en aucune autre langue d'ailleurs) ! Certes, il est clairement mis en scène et on peut deviner plus ou moins facilement de quel sujet traitent les intervenants, mais cela reste malgré tout décevant. Sans oublier de mentionner que cette présentation transpire la vantardise et l'auto-satisfaction, à la manière d'un show à l'Américaine, où tout le monde "did a great job". La plupart d'entre vous oublieront vite ce DVD.

De plus, je vous déconseille d'appliquer les vignettes autocollantes destinées aux touches de votre clavier : elles ne tiennent guère et vous gêneront plus qu'autre chose. Par ailleurs, Apple proposait encore il y a quelque temps un clavier spécial aux touches colorées, destiné à Final Cut Pro (mais utilisable avec Express également), mais je n'ai pas été en mesure de le retrouver sur l'AppleStore... Il faut dire qu'il coûtait près de 150 €...

... Mais ça continue en beaucoup mieux !
Passons aux choses plus sérieuses. L'installation de Final Cut Express se passe sans heurt, et l'application vient naturellement se loger dans le dossier Applications de Mac OS X. Au premier lancement de FCE, vous êtes invité à entrer vos informations personnelles et votre numéro de série ; ensuite, le chargement du logiciel se poursuit. Comme son aîné, FCE râle s'il ne trouve pas de périphérique DV connecté à votre Mac. Ce problème peut être réglé en faisant un petit tour dans les Préférences. Voilà enfin le plan de travail de Final Cut Express sous vos yeux...




À partir de cet instant, que l'on soit transfuge de iMovie, de Final Cut Pro, de Premiere ou que l'on soit carrément néophyte, les réactions peuvent diverger, mais une impression subsiste : celle d'avoir un outil puissant devant soi. Et Final Cut Express est puissant. Il demandera sans doute une plus longue période d'adaptation aux inconditionnels d'iMovie, mais ceux qui connaîtraient déjà certains outils professionnels trouveront leurs marques assez rapidement ; dans l'ensemble, une fois les spécificités de l'interface assimilées, le tout est d'une utilisation relativement facile et se révèle très souple.

La compatibilité avec la plupart des caméscopes DV est assurée ; par ailleurs, la Sony DCR-VX1000E, modèle semi-professionnel qui accuse déjà quelque vieillesse, a été utilisée dans le cadre de ce test sans aucun accroc. La fonction de capture par lot, et la consignation de clips intégrées à Final Cut Pro ont disparu de cette version allégée. Néanmoins, cette dernière apporte un avantage non négligeable : si vous faites l'acquisition de votre bande d'une seule traite (c'est à dire, en un seul clip sans interruption), la commande Détection Marche/Arrêt DV permet de repérer automatiquement les changements de plan, autrement dit chaque instant où vous avez appuyé sur le bouton d'enregistrement pour arrêter ou reprendre la prise de vue. Tandis qu'iMovie sépare automatiquement les plans en clips distincts, Final Cut Express conserve un seul clip, mais y greffe un marqueur pour chaque changement, vous permettant ainsi de vous balader très rapidement de scène en scène et de placer les points d'entrée/sortie en fonction de vos besoins.




Un outil très complet
Toutes les fonctions principales utiles au montage sont présentes. Des outils puissants de gestion de raccords tels que le roll ou l'ajustage sont disponibles, et balaient d'un claquement de doigts les limites d'iMovie. De nombreuses transitions sont offertes, dont certaines peuvent se lire en temps réel, sans requérir un rendu préliminaire avant la prévisualisation (G4 500 Mhz ou plus nécessaire) ; ajoutez à cela une foule d'effets, dont la qualité de certains est incontestable, voire surprenante pour un logiciel de cette gamme de prix. Une remarque curieuse cependant : alors que le Correcteur de couleurs à 3 voies de Final Cut Pro peut s'appliquer en temps réel, le Correcteur de couleurs de Final Cut Express, qui n'est qu'une version allégée, exige un calcul de rendu pour en apercevoir le résultat. Est-ce intentionnel de la part d'Apple ? On se doute bien que cette possibilité aurait encore plus aidé à convaincre certains de l'intérêt du logiciel et surtout, de la plate-forme sur laquelle il fonctionne.

C'est justement dans les effets que Final Cut Express démontre ses plus grandes limites face à la version Pro, non pas à cause d'un manque de choix, mais parce que les effets ne peuvent voir leur valeur être modifiée dans le temps : le principe des images-clé, ou "keyframes", n'existe pas sous Express. Par exemple, impossible de commencer un clip avec un flou gaussien de radius 100, puis de radius 0 à 2 secondes, en espérant que l'effet s'anime dans le temps. Ceci peut être considéré comme gênant par certains, mais il est clair qu'en considération de la puissance de cette fonctionnalité, Apple a eu ses raisons de la réserver à la version professionnelle de son produit ; les deux offres doivent rester suffisamment différentes pour justifier leur raison d'être. Et elles ne ciblent pas le même public.

Toujours parmi les effets, Final Cut Express possède également une série de générateurs vidéo forts intéressants, notamment certains outils de titrage, tel que Title 3D (présent également dans FCP), très complets. On peut juste regretter que leur interface n'ait été traduite dans la langue de Molière. Les mires NTSC et PAL sont aussi présentes, très utiles pour fabriquer des amorces lors de l'exportation sur bande. L'envoi du montage vers une bande n'a pu être réalisé lors de ce test, la DCR-VX1000E étant bridée en DV-in, mais le contrôleur de périphérique provenant de FCP, il y a peu de raisons de douter que cela se déroule sans accroc.




Le logiciel supporte de nombreux formats en importation. La plupart des fichiers supportés par QuickTime s'ouvrent sans problème, tandis que le format Photoshop peut être utilisé pour réaliser des caches, logos, ou autres formes de surimpressions. Lorsque vous importez un tel fichier dans Final Cut Express, il est automatiquement reconnu comme une séquence ; si vous double-cliquez sur celle-ci, vous remarquerez qu'il y a autant de pistes vidéo que de calques dans le fichier PSD originel. Vous pouvez alors à votre guise masquer, déplacer ou déformer n'importe lequel de ces "calques", et également en modifier la durée. Pour faciliter le passage de iMovie à Final Cut Express, Apple a pensé à tout : il est possible d'importer un projet iMovie (version 3 minimum) directement dans le logiciel, et ainsi récupérer tous vos montages !

En exportation, FCE est plus limité que son grand frère. Seules les options Film Final Cut et QuickTime sont disponibles. Heureusement, cela suffit largement à la plupart des besoins : les options liste EDL ou Audio OMF de Final Cut Pro ne sont utiles qu'aux utilisateurs professionnels ayant des impératifs précis. Si vous choisissez l'option QuickTime, vous pourrez bénéficier de tous les préréglages et formats supportés par celui-ci, tel le MPEG-4 tant chéri par Apple. Film Final Cut, quant à lui, exporte votre travail au format DV, avec le préréglage de votre choix. En ce qui concerne la compatibilité FCE/FCP, les ingénieurs de Cupertino ont intégré la possibilité d'ouvrir les projets de l'un dans l'autre, et vice-versa. Si l'ouverture d'un projet Final Cut Express dans Final Cut Pro fonctionne à merveille, le résultat n'est pas toujours garanti dans l'autre sens... Probablement dû au fait que FCE n'intègre pas toutes les subtilités de son prédécesseur. Cerise sur le gâteau : les marqueurs de FCE sont reconnus par iDVD 3, rendant le chapitrage de vos DVDs beaucoup plus aisé ; il est même possible d'exporter des marqueurs reconnus par DVD Studio Pro.

Mais encore...
Ce n'est pas fini. FCE possède un outil de création de voix hors-champ, très simple à utiliser. Réglez simplement la source d'importation du son (cela peut être le micro intégré de votre Mac), ainsi que la piste de destination, et commencez l'enregistrement. Un décompte de 5 secondes vous permet de vous concentrer, puis vous voici en train de faire vos commentaires, tandis que la vidéo défile en temps réel. L'enregistrement prend fin dès qu'il n'y a plus aucune information vidéo dans votre chronologie, et il vient se loger automatiquement dans la piste son que vous aviez définie auparavant. Un jeu d'enfant.




Il est également possible d'utiliser le Gestionnaire de données. Alors qu'il figure clairement dans le menu Fichier dans Final Cut Pro, il faut chercher un peu plus dans Express. En faisant Control-Clic (ou clic droit pour les souris à deux boutons) sur un élément de la Chronologie déroule un menu contextuel, dans lequel on peut finalement dénicher le Gestionnaire. Grâce à cette commande, vous pourrez facilement déplacer vos projets et les données qui y sont associées. Pratique lorsque l'on possède plusieurs disques ou partitions. Cela vous permet également de voir combien vos retouches consomment en espace disque par rapport à la taille originelle de vos rushes.

En conclusion
Malgré quelques petites remarques négatives — extérieures au fonctionnement du logiciel proprement dit, Final Cut Express est résolument un excellent outil. Pour son prix, il offrira à l'amateur éclairé un potentiel de création très large, et au professionnel sans besoins excessifs, une station de montage efficace et économique, que presque aucun produit de la même gamme ne peut concurrencer pour le moment. Son adversaire le plus direct était sans doute Premiere, mais ce dernier vient d'être tout récemment abandonné par Adobe sur Mac, l'éditeur ne trouvant plus les moyens de valoriser son produit face à l'offre alléchante d'Apple. Bien évidemment, certaines options avancées telles que l'utilisation de clips Offline ou encore des keyframes sont absentes du logiciel, mais elles limitent à peine son potentiel, surtout pour le public visé. Si vous vous possédez une caméra mini-DV, un Mac (FireWire), et une envie de réaliser des montages à la manière d'un pro, Final Cut Express est fait pour vous.

- 393,48 €, 499 CHF

Le choix de la rédaction

Les plus :

- Qualité professionnelle - Facilité d'emploi - Le prix - Import des projets iMovie 3 - Compatibilité avec Final Cut Pro

Les moins :

- Manuel en PDF uniquement - DVD de formation non traduit - Vignettes clavier ne collent pas - Le correcteur de couleurs nécessite un rendu

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