À propos d'Adobe
Adobe Creative Suite 2 est disponible depuis quelques semaines maintenant. On a beaucoup glosé sur la politique tarifaire pratiquée par l'éditeur de San Jose. On a beaucoup parlé aussi de son rapprochement avec Macromedia et des conséquences que cela pouvait entraîner. Nous avons voulu connaître l'avis de spécialistes de la suite : Branislav Milic, auteur d'ouvrages de référence et webmaster d'un site très consulté sur InDesign, Jean-Christophe Courte et Dominique Chiron, utilisateurs professionnels de ces logiciels, animateurs par ailleurs du site MacDigit.
On a beaucoup parlé de la tarification de la suite CS en Europe que beaucoup jugent excessive en comparaison du prix pratiqué aux US. Qu'en penses-tu ?
• Jean-Christophe Courte : Le fait de payer un produit près de 80 % plus cher qu'aux USA ne me laisse pas de marbre ! Certes, il y a la TVA et le coût de traduction. Une telle différence est difficilement justifiable malgré les explications de l'équipe marketing… Bon, je l'ai achetée et je pars du principe que je dois l'amortir sur 12 mois… cela représente une charge de 75 €… Faut pas non plus exagérer. J'acquiers pas mal de typos également, je loue mes machines, bref, c'est déjà entré en charges.
• Dominique Chiron : Depuis bien longtemps, Adobe France fait des profits surtout sur les mises à jour. Ce marché reste juteux pour Adobe. En effet, les acquisitions ont tendance à se ralentir, car les nouveautés ne sont pas forcément utiles à tous. Pour ma part, j'ai encore un "vieux" Photoshop qui traîne en version 5.5, car il fait tourner tous les filtres que j'ai acquis à une certaine époque à prix d'or (KPT et autres AlienSkin). Maintenant, un jour ou l'autre il faut bien passer à la version majeure suivante. D'une suite CS à l'autre, les nouveautés ne sont pas forcément là où on les attend. Par exemple, je trouve qu’Adobe Golive a beaucoup plus évolué dans la CS2 que dans la précédente.
• Branislav Milic : Le jour de l'annonce de la CS2, j'ai bien évidemment été interpellé par les prix et j'ai donc téléphoné à un responsable d'Adobe France. Il était tout aussi étonné que moi des prix fixés par la maison-mère. Il y a ici toutefois plusieurs choses à noter :
1) certains disent qu'Adobe récolte un maximum de bénéfices grâce à la disparité dollar/euro. Exemple : Adobe vend un produit en anglais 1000 $ aux USA, mais la version française à 1500 euros, soit 1 875 dollars. Et hop, 875 dollars de plus qu'aux USA. Il y a effectivement un problème et même au sein d'Adobe France on est un peu gêné sur la question ;
2) cependant, l'argumentation de Robert Raiola dans votre dernière interview sur le coût de la promo tient la route. Quand Adobe organise des événements promotionnels sur la CS2 comme Adobe Live!, ce ne sont pas les filiales européennes qui payent, mais la maison-mère aux USA. Si l'organisation d'un événement européen coûte par exemple 100.000 euros (salle de congrès, salles de conférences, personnel, conférenciers, matériel promotionnel, catering,...), vu le cours du dollar la maison-mère ne paie pas une facture de 100.000 dollars, mais 125.000 dollars. À la place d'Adobe, j'aurais aussi cherché comment récupérer ces 25%, vu que l'Europe me coûte plus cher et que la tendance semble ne pas s'inverser ;
3) Adobe essaye de faire des efforts en matière de traduction : le logiciel, les modes d'emploi et leur impression (fournis avec chaque soft acheté séparément ou pour 80 euros pour toute la CS2), le matériel publicitaire. J'ai été consulté par Adobe pour la version française et j'ai pu sentir la relative complexité de la tâche même si dans certains cas le très profitable "Rechercher/Remplacer" a été utilisé intensivement avec des résultats pas très heureux : "Type (of ink)" qui devient "Texte (d'encre)", ou "Back (to previous window)" qui devient "(Mettre l'objet à l')Arrière-plan", ou dans Photoshop CS2 le nouveau "Spot Healer Tool" qui devient l'affligeant "Outil Correcteur de Ton Direct", ce qui n'a vraiment rien avoir avec les "spot colors" (tons directs). Tous leurs traducteurs ne semblent pas connaître la PAO et chez Adobe même il n'y a personne qui vérifie. Quand je signale les erreurs, on me dit que c'est trop tard et que la correction sera intégrée dans la prochaine version, à savoir dans 18 mois ! Donc, je comprends l'utilisateur francophone qui a l'impression de payer un produit francophone au français bizarre ;
4) j'ai présenté la CS2 dans d'autres pays européens et là, surprise : peu ou prou de réaction sur les prix, car en Belgique, en Hollande, en Allemagne... les gens n'ont aucun mal à utiliser les logiciels en anglais, ce qui n'est pas le cas de la France où même des concepts comme "Page SetUp", "Overprint Preview", "View PDF After Exporting", etc. semblent rester mystérieux.
Donc pour conclure sur cette première question, j'estime que les prix pour les nouvelles licences sont exagérés. Pas mal de personnes m'ont dit qu'elles feront l'impasse sur la CS2 mais elles exagèrent, car les prix de mise à jour de CS1 à CS2 sont tout à fait corrects. De plus, une licence peut-être utilisée sur deux postes. Ce que je veux dire, c'est que la licence permet l'usage de la même clé d'activation sur un second poste de travail à condition que le premier soit inactif, par exemple lorsqu'on part en clientèle avec la CS2 sur son portable. Donc, si vous êtes en déplacement avec la CS2, le stagiaire resté à l'agence n'a pas le droit d'utiliser la CS2 sur le premier poste de production
Selon toi, pour tes besoins, est-ce que cette mise à jour en vaut la peine ?
• Jean-Christophe Courte : Oui. Dans tous les cas, oui. La mise à jour règle nombre de petits problèmes pas toujours spectaculaires, ajoute des tas de petites choses pratiques qui me simplifient d'ores et déjà la vie en production.
• Dominique Chiron : Comme indiqué précédemment, pour moi, j'y trouve plus mon compte dans Golive que dans inDesign par exemple, contrairement à Jean-Christophe qui utilise inDesign beaucoup plus en profondeur que moi... Maintenant, demandez-lui pour Golive ! (s'il l'a ouvert...!)
• Jean-Christophe Courte : Oui, je l'ai ouvert ! Tsssss...
Quelle est la plus grosse nouveauté pour toi dans cette version ?
• Branislav Milic : Ah enfin une question sur les fonctions ! Même sur mes forums 90 % des discussions autour d'InDesign CS2 ne tournent qu'autour de la politique tarifaire. Il y a du bon un peu partout sauf dans GoLive qui attend de renaître de ses cendres. Photoshop propose beaucoup de bonnes choses pour les photographes et j'attendais depuis longtemps une fonction comme le traitement des images HDR pour combiner différentes versions de luminosité d'une même prise de vue. Les nouvelles fonctionnalités en matière de calques (Smart Objects), de déformation et de filtres sont toutefois assez limitées et j'ai montré lors d'Adobe Live! à Paris comment contourner les éternelles lacunes de Photoshop dans ces domaines grâce à... Illustrator. InDesign CS2, grâce aux Styles d'Objets et aux Objets Ancrés, accélère une fois de plus le temps de production et faire de la mise en page avec toute autre solution est un non-sens. Mais, mine de rien, pour moi l'activation en ligne va considérablement réduire la base installée de jeunes utilisateurs qui, comme moi au début des années 1990, copient les softs Adobe pour avant tout les apprendre pendant des mois et des mois avant de commencer à produire, à gagner sa vie avec puis à les acheter par souci de respect pour l'outil développé.
Voir Adobe avec pratiquement pas de concurrence sur certains créneaux depuis qu'elle a racheté Macromedia, cela t'inspire quoi ?
• Jean-Christophe Courte : Adobe va finir par grignoter tout le secteur des arts graphiques. En même temps, leurs produits sont bons. Ce qui m'énerve simplement, c'est que cela entraîne la disparition de très bons produits comme LiveMotion et surtout FrameMaker (qu'Adobe n'est pas capable de porter sous Mac OS X alors que cette application a été développée sous Unix… que l'on m'explique). Le rachat de Macromédia va légitimement entraîner des fusions de produits. Cela ne me touche pas, car je n'ai jamais été peu fan de ces produits même si j'ai Flash, Dream. Par contre, j'attends que Fontographer soit, comme FrameMaker, ressuscité !
• Dominique Chiron : La recherche de monopole est l'apanage de l'économie de marché. Adobe rejoint ici Microsoft ou encore même notre Apple sur le marché des baladeurs numériques. Je n'ai pas d'état d'âme par rapport à cela. La seule chose que je regrette c'est que quand un éditeur est outsider, il fait encore des efforts pour s'améliorer, visant en cela la position du premier. Quand il l'a atteint, il a tendance à ronronner. On le voit bien avec Microsoft, leur prochain système d'exploitation tarde à sortir, car ils n'ont personne devant eux. Seule la peur de voir Linux leur grignoter quelques parts de marché les motive encore. Dans le cas d'Adobe, l'absorption de Macromédia et l'abandon de produits non rentables (selon la rentabilité réclamée par leurs actionnaires) font aujourd'hui d'Adobe un géant sans réel concurrent sur le marché des logiciels graphiques.
• Jean-Christophe Courte : C'est le risque maximal pour Adobe : plus de concurrence et faire passer à la caisse les utilisateurs tous les deux ans... Mais ne soyons pas trop pessimistes, il y a un paquet de bons développeurs...
• Branislav Milic : On aura beau expliquer qu'il n'y a pas que Photoshop ou Dreamweaver dans leurs domaines respectifs, à savoir que des solutions alternatives existent, les softs que possède Adobe représentent un monopole de fait. Si Quark a complètement flanché, c'est aussi parce que c'était une société privée et non publique comme Adobe, surveillée par des actionnaires. Les dirigeants de Quark ont récolté des centaines de millions de dollars et ont ces dernières années récupéré leurs billes et puis basta, Quark n'avait pas de compte à rendre. Adobe connaîtra naturellement les travers du monopole, mais je crois aussi que la philosophie de la société est plus orientée "utilisateurs", à nous les consultants de convaincre du bien-fondé de l'incorporation de telle fonction ou telle méthode de travail. La question cruciale sera celle des prix et comment cela va-t-il se répercuter dans la fusion GoLive-Dreamweaver-Flash-PDF-MacTel et autres, mystère. Je prédis à cet égard un ralentissement de la périodicité des CS, de plus Adobe a compris le message, les gens n'arrivaient plus à suivre et à payer les mises à jour.
Que penses-tu de la stratégie d'Apple de vouloir migrer sur Intel ? pour un infographiste, c'est une bonne ou une mauvaise chose selon toi ?
• Branislav Milic : Pour l'infographie, c'est une bonne chose. Dans la majorité des fonctions, les logiciels Adobe tournent beaucoup plus vite sur Pentium que sur PowerPC. Importation d'un montage Photoshop dans InDesign : 6 secondes sur Mac, 1 seconde sur PC. Importation d'un fichier Word : 8 secondes sur Mac, 2 secondes sur PC. À moins que ce ne soit finalement que la couche Mac OS X qui freine tout. Les filtres Photoshop optimisés (qu'utilise Apple pour ses tests) ne représentent qu'une part infime d'un projet en PAO. Et 99,9% des fonctions sont multiplateformes. Mais je serais déçu si Apple collait un autocollant "Intel Inside" sur un MacTel (une vraie balafre sur la coque) uniquement pour attirer l'acheteur potentiel.
• Jean-Christophe Courte : Mon OS, le X de préférence ! Je me fous que cela tourne sous PPC ou sous Intel. Au départ, j'ai été surpris, mais au bout de 24 heures, cela n'était plus qu'un lointain souvenir.
• Dominique Chiron : Là, cette question, je l'adore ?!... En effet, faut-il vraiment désolidariser le logiciel de l'environnement dans lequel il tourne ? Quand je suis dans Photoshop (sous OS X) je peux recevoir un mail pendant un traitement, enregistrer un fichier sur mon IDisk, etc. Si je suis sous Windows, je ne suis pas dans le même environnement, c'est sûr. Par contre le processeur, bof... Je travaille avec le Mac depuis le 68000 à 8 Mgz alors Intel, pourquoi pas. Je crois qu'en plus, maintenant les problèmes de vitesse processeur sont plutôt secondaires (sauf pour les serveurs et la vidéo). Ce qui compte de plus en plus par contre, c'est la cohérence Hardware, OS, et choix logiciels, et là pour Apple pas de problèmes, Intel ou pas... De plus, je suis même persuadé que Steve Jobs vient de rendre un grand service aux développeurs Windows. En effet, ils vont pouvoir recompiler très vite pour OS X Intel, la plateforme Mac devenant un choix plus intéressant que Linux à terme. Par contre, les développeurs Mac qui ont travaillé près du processeur (bas niveau) ont du souci à se faire (et beaucoup de travail), sinon on se contentera de Rosetta pour faire tourner leurs applications...
• Jean-Christophe Courte : Dominique a raison d'évoquer la cohérence : qu'est-ce que je recherche ? Une interface adaptée à ma manière de travailler (et pas toujours celui du Finder, je suis très accro à PathFinder dont je teste la version 4) et un environnement stable.
On a beaucoup parlé de la tarification de la suite CS en Europe que beaucoup jugent excessive en comparaison du prix pratiqué aux US. Qu'en penses-tu ?
• Jean-Christophe Courte : Le fait de payer un produit près de 80 % plus cher qu'aux USA ne me laisse pas de marbre ! Certes, il y a la TVA et le coût de traduction. Une telle différence est difficilement justifiable malgré les explications de l'équipe marketing… Bon, je l'ai achetée et je pars du principe que je dois l'amortir sur 12 mois… cela représente une charge de 75 €… Faut pas non plus exagérer. J'acquiers pas mal de typos également, je loue mes machines, bref, c'est déjà entré en charges.
• Dominique Chiron : Depuis bien longtemps, Adobe France fait des profits surtout sur les mises à jour. Ce marché reste juteux pour Adobe. En effet, les acquisitions ont tendance à se ralentir, car les nouveautés ne sont pas forcément utiles à tous. Pour ma part, j'ai encore un "vieux" Photoshop qui traîne en version 5.5, car il fait tourner tous les filtres que j'ai acquis à une certaine époque à prix d'or (KPT et autres AlienSkin). Maintenant, un jour ou l'autre il faut bien passer à la version majeure suivante. D'une suite CS à l'autre, les nouveautés ne sont pas forcément là où on les attend. Par exemple, je trouve qu’Adobe Golive a beaucoup plus évolué dans la CS2 que dans la précédente.
• Branislav Milic : Le jour de l'annonce de la CS2, j'ai bien évidemment été interpellé par les prix et j'ai donc téléphoné à un responsable d'Adobe France. Il était tout aussi étonné que moi des prix fixés par la maison-mère. Il y a ici toutefois plusieurs choses à noter :
1) certains disent qu'Adobe récolte un maximum de bénéfices grâce à la disparité dollar/euro. Exemple : Adobe vend un produit en anglais 1000 $ aux USA, mais la version française à 1500 euros, soit 1 875 dollars. Et hop, 875 dollars de plus qu'aux USA. Il y a effectivement un problème et même au sein d'Adobe France on est un peu gêné sur la question ;
2) cependant, l'argumentation de Robert Raiola dans votre dernière interview sur le coût de la promo tient la route. Quand Adobe organise des événements promotionnels sur la CS2 comme Adobe Live!, ce ne sont pas les filiales européennes qui payent, mais la maison-mère aux USA. Si l'organisation d'un événement européen coûte par exemple 100.000 euros (salle de congrès, salles de conférences, personnel, conférenciers, matériel promotionnel, catering,...), vu le cours du dollar la maison-mère ne paie pas une facture de 100.000 dollars, mais 125.000 dollars. À la place d'Adobe, j'aurais aussi cherché comment récupérer ces 25%, vu que l'Europe me coûte plus cher et que la tendance semble ne pas s'inverser ;
3) Adobe essaye de faire des efforts en matière de traduction : le logiciel, les modes d'emploi et leur impression (fournis avec chaque soft acheté séparément ou pour 80 euros pour toute la CS2), le matériel publicitaire. J'ai été consulté par Adobe pour la version française et j'ai pu sentir la relative complexité de la tâche même si dans certains cas le très profitable "Rechercher/Remplacer" a été utilisé intensivement avec des résultats pas très heureux : "Type (of ink)" qui devient "Texte (d'encre)", ou "Back (to previous window)" qui devient "(Mettre l'objet à l')Arrière-plan", ou dans Photoshop CS2 le nouveau "Spot Healer Tool" qui devient l'affligeant "Outil Correcteur de Ton Direct", ce qui n'a vraiment rien avoir avec les "spot colors" (tons directs). Tous leurs traducteurs ne semblent pas connaître la PAO et chez Adobe même il n'y a personne qui vérifie. Quand je signale les erreurs, on me dit que c'est trop tard et que la correction sera intégrée dans la prochaine version, à savoir dans 18 mois ! Donc, je comprends l'utilisateur francophone qui a l'impression de payer un produit francophone au français bizarre ;
4) j'ai présenté la CS2 dans d'autres pays européens et là, surprise : peu ou prou de réaction sur les prix, car en Belgique, en Hollande, en Allemagne... les gens n'ont aucun mal à utiliser les logiciels en anglais, ce qui n'est pas le cas de la France où même des concepts comme "Page SetUp", "Overprint Preview", "View PDF After Exporting", etc. semblent rester mystérieux.
Donc pour conclure sur cette première question, j'estime que les prix pour les nouvelles licences sont exagérés. Pas mal de personnes m'ont dit qu'elles feront l'impasse sur la CS2 mais elles exagèrent, car les prix de mise à jour de CS1 à CS2 sont tout à fait corrects. De plus, une licence peut-être utilisée sur deux postes. Ce que je veux dire, c'est que la licence permet l'usage de la même clé d'activation sur un second poste de travail à condition que le premier soit inactif, par exemple lorsqu'on part en clientèle avec la CS2 sur son portable. Donc, si vous êtes en déplacement avec la CS2, le stagiaire resté à l'agence n'a pas le droit d'utiliser la CS2 sur le premier poste de production
Selon toi, pour tes besoins, est-ce que cette mise à jour en vaut la peine ?
• Jean-Christophe Courte : Oui. Dans tous les cas, oui. La mise à jour règle nombre de petits problèmes pas toujours spectaculaires, ajoute des tas de petites choses pratiques qui me simplifient d'ores et déjà la vie en production.
• Dominique Chiron : Comme indiqué précédemment, pour moi, j'y trouve plus mon compte dans Golive que dans inDesign par exemple, contrairement à Jean-Christophe qui utilise inDesign beaucoup plus en profondeur que moi... Maintenant, demandez-lui pour Golive ! (s'il l'a ouvert...!)
• Jean-Christophe Courte : Oui, je l'ai ouvert ! Tsssss...
Quelle est la plus grosse nouveauté pour toi dans cette version ?
• Branislav Milic : Ah enfin une question sur les fonctions ! Même sur mes forums 90 % des discussions autour d'InDesign CS2 ne tournent qu'autour de la politique tarifaire. Il y a du bon un peu partout sauf dans GoLive qui attend de renaître de ses cendres. Photoshop propose beaucoup de bonnes choses pour les photographes et j'attendais depuis longtemps une fonction comme le traitement des images HDR pour combiner différentes versions de luminosité d'une même prise de vue. Les nouvelles fonctionnalités en matière de calques (Smart Objects), de déformation et de filtres sont toutefois assez limitées et j'ai montré lors d'Adobe Live! à Paris comment contourner les éternelles lacunes de Photoshop dans ces domaines grâce à... Illustrator. InDesign CS2, grâce aux Styles d'Objets et aux Objets Ancrés, accélère une fois de plus le temps de production et faire de la mise en page avec toute autre solution est un non-sens. Mais, mine de rien, pour moi l'activation en ligne va considérablement réduire la base installée de jeunes utilisateurs qui, comme moi au début des années 1990, copient les softs Adobe pour avant tout les apprendre pendant des mois et des mois avant de commencer à produire, à gagner sa vie avec puis à les acheter par souci de respect pour l'outil développé.
Voir Adobe avec pratiquement pas de concurrence sur certains créneaux depuis qu'elle a racheté Macromedia, cela t'inspire quoi ?
• Jean-Christophe Courte : Adobe va finir par grignoter tout le secteur des arts graphiques. En même temps, leurs produits sont bons. Ce qui m'énerve simplement, c'est que cela entraîne la disparition de très bons produits comme LiveMotion et surtout FrameMaker (qu'Adobe n'est pas capable de porter sous Mac OS X alors que cette application a été développée sous Unix… que l'on m'explique). Le rachat de Macromédia va légitimement entraîner des fusions de produits. Cela ne me touche pas, car je n'ai jamais été peu fan de ces produits même si j'ai Flash, Dream. Par contre, j'attends que Fontographer soit, comme FrameMaker, ressuscité !
• Dominique Chiron : La recherche de monopole est l'apanage de l'économie de marché. Adobe rejoint ici Microsoft ou encore même notre Apple sur le marché des baladeurs numériques. Je n'ai pas d'état d'âme par rapport à cela. La seule chose que je regrette c'est que quand un éditeur est outsider, il fait encore des efforts pour s'améliorer, visant en cela la position du premier. Quand il l'a atteint, il a tendance à ronronner. On le voit bien avec Microsoft, leur prochain système d'exploitation tarde à sortir, car ils n'ont personne devant eux. Seule la peur de voir Linux leur grignoter quelques parts de marché les motive encore. Dans le cas d'Adobe, l'absorption de Macromédia et l'abandon de produits non rentables (selon la rentabilité réclamée par leurs actionnaires) font aujourd'hui d'Adobe un géant sans réel concurrent sur le marché des logiciels graphiques.
• Jean-Christophe Courte : C'est le risque maximal pour Adobe : plus de concurrence et faire passer à la caisse les utilisateurs tous les deux ans... Mais ne soyons pas trop pessimistes, il y a un paquet de bons développeurs...
• Branislav Milic : On aura beau expliquer qu'il n'y a pas que Photoshop ou Dreamweaver dans leurs domaines respectifs, à savoir que des solutions alternatives existent, les softs que possède Adobe représentent un monopole de fait. Si Quark a complètement flanché, c'est aussi parce que c'était une société privée et non publique comme Adobe, surveillée par des actionnaires. Les dirigeants de Quark ont récolté des centaines de millions de dollars et ont ces dernières années récupéré leurs billes et puis basta, Quark n'avait pas de compte à rendre. Adobe connaîtra naturellement les travers du monopole, mais je crois aussi que la philosophie de la société est plus orientée "utilisateurs", à nous les consultants de convaincre du bien-fondé de l'incorporation de telle fonction ou telle méthode de travail. La question cruciale sera celle des prix et comment cela va-t-il se répercuter dans la fusion GoLive-Dreamweaver-Flash-PDF-MacTel et autres, mystère. Je prédis à cet égard un ralentissement de la périodicité des CS, de plus Adobe a compris le message, les gens n'arrivaient plus à suivre et à payer les mises à jour.
Que penses-tu de la stratégie d'Apple de vouloir migrer sur Intel ? pour un infographiste, c'est une bonne ou une mauvaise chose selon toi ?
• Branislav Milic : Pour l'infographie, c'est une bonne chose. Dans la majorité des fonctions, les logiciels Adobe tournent beaucoup plus vite sur Pentium que sur PowerPC. Importation d'un montage Photoshop dans InDesign : 6 secondes sur Mac, 1 seconde sur PC. Importation d'un fichier Word : 8 secondes sur Mac, 2 secondes sur PC. À moins que ce ne soit finalement que la couche Mac OS X qui freine tout. Les filtres Photoshop optimisés (qu'utilise Apple pour ses tests) ne représentent qu'une part infime d'un projet en PAO. Et 99,9% des fonctions sont multiplateformes. Mais je serais déçu si Apple collait un autocollant "Intel Inside" sur un MacTel (une vraie balafre sur la coque) uniquement pour attirer l'acheteur potentiel.
• Jean-Christophe Courte : Mon OS, le X de préférence ! Je me fous que cela tourne sous PPC ou sous Intel. Au départ, j'ai été surpris, mais au bout de 24 heures, cela n'était plus qu'un lointain souvenir.
• Dominique Chiron : Là, cette question, je l'adore ?!... En effet, faut-il vraiment désolidariser le logiciel de l'environnement dans lequel il tourne ? Quand je suis dans Photoshop (sous OS X) je peux recevoir un mail pendant un traitement, enregistrer un fichier sur mon IDisk, etc. Si je suis sous Windows, je ne suis pas dans le même environnement, c'est sûr. Par contre le processeur, bof... Je travaille avec le Mac depuis le 68000 à 8 Mgz alors Intel, pourquoi pas. Je crois qu'en plus, maintenant les problèmes de vitesse processeur sont plutôt secondaires (sauf pour les serveurs et la vidéo). Ce qui compte de plus en plus par contre, c'est la cohérence Hardware, OS, et choix logiciels, et là pour Apple pas de problèmes, Intel ou pas... De plus, je suis même persuadé que Steve Jobs vient de rendre un grand service aux développeurs Windows. En effet, ils vont pouvoir recompiler très vite pour OS X Intel, la plateforme Mac devenant un choix plus intéressant que Linux à terme. Par contre, les développeurs Mac qui ont travaillé près du processeur (bas niveau) ont du souci à se faire (et beaucoup de travail), sinon on se contentera de Rosetta pour faire tourner leurs applications...
• Jean-Christophe Courte : Dominique a raison d'évoquer la cohérence : qu'est-ce que je recherche ? Une interface adaptée à ma manière de travailler (et pas toujours celui du Finder, je suis très accro à PathFinder dont je teste la version 4) et un environnement stable.