MacBook Pro : Intel limite Apple (sur la quantité de RAM)

Nicolas Furno |

Aucun Mac portable à l’heure actuelle ne propose plus de 16 Go de mémoire vive, pas même le MacBook Pro 15 pouces toutes options vendu 5000 € n’en propose plus. Et ce n’est pas nouveau : cette limite à 16 Go est présente chez Apple depuis les premiers MacBook Pro Retina de 2012. Mais on peut remonter plus loin : tous les MacBook Pro sortis en 2011 étaient vendus au mieux avec 8 Go, mais ils acceptent au maximum 16 Go de mémoire vive.

Pourquoi est-on encore limité à 16 Go ?

Comment expliquer que l’on soit bloqué à 16 Go depuis si longtemps ? À l’échelle de l’informatique, ne pas dépasser une limite près de six ans est anormal, même s’il faut souligner que la fréquence de la mémoire vive a progressé dans l’intervalle. Néanmoins, certains domaines particulièrement exigeants ont besoin de davantage de RAM, comme le montage vidéo en 4K ou bien encore le rendu 3D, pour ne prendre que deux exemples.

Après l’annonce des nouveaux MacBook Pro, quelques voix se sont élevées pour réclamer une option à 32 Go et Apple a répondu que ce n’était pas possible pour économiser la batterie. Fidèle à ses habitudes, le constructeur n’a pas donné beaucoup d’informations techniques, mais on sait aujourd’hui que le responsable dans l’histoire est en partie à chercher du côté d’Intel.

Dans tous ses MacBook, Apple utilise des processeurs Intel Skylake, une architecture qui est arrivée en retard et qui n’a vraiment été disponible que cette année. En théorie, le fondeur aurait déjà du sortir leurs successeurs, des processeurs Kaby Lake, mais il faudra attendre l’année prochaine pour les voir sur le marché. Entre ces deux générations, il y a de nombreuses différences comme toujours, mais celle qui nous intéresse en l’occurrence concerne la RAM.

Sur un ordinateur de bureau, la DDR4 est obligatoire pour Skylake. C’est une toute autre histoire sur un ordinateur portable, où la LPDDR3 est la seule prise en charge.
Sur un ordinateur de bureau, la DDR4 est obligatoire pour Skylake. C’est une toute autre histoire sur un ordinateur portable, où la LPDDR3 est la seule prise en charge.

Skylake, comme plusieurs architectures Intel déjà, est compatible uniquement avec la LPDDR3, un format de mémoire vive particulièrement économe en énergie, ou la DDR4, un format pensé pour les ordinateurs fixes. Kaby Lake sera la première génération compatible avec la LPDDR4, une nouvelle norme capable de monter au-delà de 16 Go tout en consommant encore moins d’énergie que la LPDDR3. Rien n’est simple chez Intel néanmoins, et cette compatibilité ne sera pas totale avant la génération suivante, Cannon Lake, attendue à l’origine pour 2017, mais qui n’arriverait pas avant 2018.

Dans le détail, les processeurs de la gamme U utilisés par le MacBook Pro 13 pouces devraient sortir en début d’année prochaine et ils seront compatibles avec la LPDDR4. Ceux de la gamme H, utilisée par les MacBook Pro 15 pouces, ne sortiraient pas avant la fin de 2017 et ils ne seraient pas compatibles avec cette norme, au moins pas dans un premier temps.

Apple attend ainsi Intel pour dépasser cette limite et passer à 32 Go de mémoire vive, probablement en option. Notons que le constructeur aurait pu opter pour de la DDR4, puisqu’elle est compatible avec les processeurs Skylake. Mieux, elle consomme aussi peu d’énergie que la LPDDR3, l’impact sur l’autonomie aurait probablement été limité. Pourquoi Apple ne l’a pas fait ? Il aurait fallu revoir entièrement la conception des MacBook Pro et revenir à des barrettes de RAM nettement plus grosses que les puces de LPDDR soudées directement à la carte-mère.

Quand bien même la DDR4 consommerait davantage en usage réel que la LPDDR3 utilisée dans les Mac qui viennent d’être présentés, on pourrait arguer qu’Apple aurait pu éviter d’affiner les machines pour augmenter la taille de la batterie et préserver l’autonomie. C’est vrai, mais ce n’est pas ainsi que fonctionne le constructeur, la finesse étant un objectif prioritaire. De la même manière, Apple aurait pu réduire l’autonomie de ses MacBook Pro en échange, mais ce n’est pas non plus ainsi que l’entreprise fonctionne. Toute la gamme affiche dix heures d’autonomie en usage courant et c’était certainement un objectif a priori.

Un nouveau MacBook Pro 13 pouces au-dessus d’un ancien modèle. Si Apple peut affiner ses produits, elle le fera.
Un nouveau MacBook Pro 13 pouces au-dessus d’un ancien modèle. Si Apple peut affiner ses produits, elle le fera.

« Intel ne produit pas les puces qu’Apple veut. »

Même si les nouveaux MacBook Pro sont toujours limités à 16 Go de mémoire vive, leur SSD est plus rapide et atteint de nouveaux sommets. Plus de 3 Go/s en lecture et plus de 2 Go/s en écriture : ces vitesses exceptionnelles compensent largement la dotation en RAM. Même si l’ordinateur doit utiliser un cache, ce dernier sera généré et lu si rapidement que la différence sera sans doute imperceptible dans la majorité des cas.

Pour tous les cas de figure où la quantité de mémoire vive a un impact sur les performances, le problème, c’est qu’on ne sait pas exactement combien de temps devra attendre Apple pour franchir le cap des 16 Go de RAM dans sa gamme portable. Les processeurs Intel sont désormais systématiquement en retard et il n’y aura peut-être rien avant au moins un an, voire même deux ans. En attendant, le constructeur pourrait mettre à jour son Mac Pro, puisque cet ordinateur accueille jusqu’à 128 Go de mémoire vive pour les usages les plus exigeants, mais c’est une autre histoire.

Dans sa gamme mobile au moins, Apple n’a pas d’autre choix pour le moment que de se caler sur le calendrier imposé par Intel. Et le problème, comme le souligne judicieusement le blogueur John Gruber, c’est que le fondeur ne conçoit plus de processeurs qui correspondent aux besoins d’Apple. La finesse et la légèreté ne sont des priorités que pour l’entreprise de Cupertino et c’est probablement pour cette raison que les processeurs qu’elle utilise sont toujours autant en retard chez Intel.

À une époque, Apple et Intel étaient les meilleurs amis du monde.

Par le passé pourtant, les deux entreprises avaient travaillé main dans la main, notamment pour concevoir le processeur du MacBook Air. Dans un autre domaine, Intel est actuellement partenaire d’Apple pour produire une partie des modems de l’iPhone 7. Une telle collaboration n’est-elle pas possible du côté des Mac ?

La vérité, c’est sans doute qu’Apple n’attend plus rien d’Intel et prépare dans ses laboratoires la transition vers des processeurs ARM qui semble toujours plus inévitable. Il faut dire que l’entreprise de Tim Cook est devenue en quelques années un poids lourd dans le monde des processeurs et les Apple Ax sont les meilleurs de leur catégorie, et de loin. Les dernières déclinaisons sont même au niveau des Mac, même les plus récents : l’iPhone 7 Plus et son Apple A10 sont à peine moins puissants que le MacBook Pro 13 pouces entrée de gamme qui vient de sortir !

Les modèles haut de gamme conservent naturellement l’avantage, mais pour combien de temps encore ? On attend un Apple A10x pour tablettes en début d’année prochaine et ses performances devraient faire un bond en avant. Et l’Apple A11 sortira immanquablement à l’automne 2017 et lui aussi fera bien mieux… alors qu’Intel stagne dans le même temps depuis des années. Le constructeur réfléchit forcément à une transition x86 vers ARM et Intel, avec ses retards incessants, lui donne toujours davantage d’arguments.

À bien des égards, cette période rappelle les années 2000 quand Apple attendait désespérément que son partenaire d’alors, IBM, sorte une version mobile de son Power PC G5. La suite est connue : plutôt que d’attendre plus longtemps, Apple a sonné à la porte d’Intel et sorti le premier MacBook Pro équipé d’un processeur x86 en 2006. L’histoire va-t-elle se répéter ?

avatar harisson | 

@Valiran

C'est un peu des deux, mais iApple "cannibalise" aussi pas mal Apple.

Apple a un cahier des charges avec des critères/contraintes forts comme par exemple durabilité/fiabilité, autonomie, centré sur les usages, design, "innovation", etc.

Elle a un partenariat fort pour le Mac avec Intel dont elle est dépendante (sauf la partie graphique dans le cadre de la cg dédiée), si Intel a des accrocs dans sa roadmap et que ça ne correspond pas à certains des critères techniques d'Apple, elle est aussi pénalisée parce qu'elle n'a pas le choix (elle ne peut pas switcher vers autre chose comme elle l'a fait auparavant IBM -> Motorola pour les G3->G4).

Il faut tenir compte aussi du contexte global actuel : moins de vente d'ordinateurs ces derniers temps (-10,2% selon MacGe pour le Mac 2016 si je ne dis pas de bêtises), TC est en mode "cost-killing & over-pricing" /o\

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