Google Chrome, le navigateur de l'an 2000

Florian Innocente |
L'arrivée d'un nouveau navigateur web chez un acteur de premier plan est toujours un petit événement. Mais lorsqu'il est signé Google, il n'est pas besoin de tendre l'oreille pour deviner le tremblement qui se prépare. Le moteur de recherche a développé au fil d'une petite bande dessinée les lignes directrices de son bébé, baptisé Chrome.

Il ne s'agit pas pour Google de faire un énième navigateur web mais de développer le navigateur web des années 2000. Cette période qui a vu le web passer des pages statiques aux pages riches d'applications. Ces années qui ont vu aussi l'équilibre entre les navigateurs être bousculé. Sous les coups de pieds de Firefox et de Safari, Internet Explorer avait déjà perdu de sa superbe. Mais pour autant basculer de son trône. Avec Chrome c'est un nouvel adversaire, et pas des moindres, qui se présente.


Chrome et Safari font moteur commun

Google Chrome sera disponible en téléchargement dans les prochaines heures et uniquement pour Windows dans un premier temps. Les versions Mac et Linux sont en chantier, mais n'arriveront que "dans les prochains mois" (voir l'article Google Chrome Mac : la patience est de mise).


Le choix de Google pour motoriser son navigateur n'est pas anodin, l'élu s'appelle WebKit, celui-là même qui équipe Safari. Plutôt que de se tourner vers le Gecko de Mozilla et de Firefox, Google a préféré s'appuyer sur les développements des équipes d'Apple (aidées par des bénévoles puisque WebKit est open source).

Séduits par la vitesse de WebKit, les ingénieurs ont pris conseils auprès de leurs collègues de l'équipe Android, l'OS pour smarpthone lui aussi utilisateur de WebKit. Ces derniers s'en sont fait les avocats en louant notamment la simplicité de mise en oeuvre de ce moteur lorsqu'il s'agit de l'utiliser pour un tout nouveau projet.


Un navigateur revu à la base

Google s'est donné quelques grands objectifs pour Chrome : un navigateur plus stable, plus rapide, mieux sécurisé, avec une interface dépouillée, mais efficace et le tout au service d'un logiciel open source. Google précise ainsi que Chrome et ses rouages pourront être librement utilisés et modifiés par des tiers, sans contre-partie aucune. Qu'elles soient financières ou techniques (pas d'obligation de partager ses propres aménagements ou corrections de bugs).

Afin de tenir sa promesse d'un logiciel plus rapide, Google a potassé la manière de fonctionner des navigateurs lorsqu'il s'agit de gérer des sites remplis de scripts JavaScript. Les Gmail, YouTube et autres Google Docs pour ne citer que les produits maison. Mais par extension, tous les sites ou presque aujourd'hui utilisent de petits scripts pour afficher des contenus, en animer ou proposer des services intégrés dans les pages.

Chrome est un navigateur foncièrement multi-threads. Ce qui se déroule dans une page ne doit pas bloquer le fonctionnement général du navigateur jusqu'à ce que cette tâche soit achevée. À chaque onglet correspondra une tâche qui s'exécutera indépendamment des autres et chacune aura son espace mémoire dédié.

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Si le script contenu dans une page web vient à planter, le signet qui la contient affichera une icône de page triste (sur le modèle de l'icône du Mac tristre d'autrefois) mais les autres onglets n'en seront pas affectés.

Cette robustesse accrue ne sera pas sans conséquence sur la consommation de mémoire. Mais selon les développeurs de Chrome ce sera in fine au service d'une meilleure gestion de ce volume de RAM. Ainsi, d'après Google, les fermetures et ouvertures de nouveaux signets ne provoqueront pas de fragmentation de l'espace mémoire. Ce qui finissait par conduire à une augmentation des besoins en RAM.

Pour tenter une analogie, la manière dont les navigateurs actuels gèrent leur contingent de mémoire ressemblerait plutôt à une partie de Tetris bien ratée, avec ses espaces (mémoire) vides, et donc perdus, entre les cases. Dans Chrome ces espaces sont libérés afin d'optimiser l'occupation mémoire.

Autre principe de gestion, au sein même d'un onglet, lorsque l'on naviguera de site en site, le navigateur purgera les données ou les scripts dont il n'a plus besoin et qui étaient délivrés par le précédent site.

Enfin un gestionnaire de tâches, à la manière de ce qu'offre Moniteur d'activité dans Mac OS X, présentera dans une vue synthétique les tâches en cours et leurs taux d'occupation mémoire. Si un plug-in perd la boule et tire exagérément sur les ressources du navigateur, il sera plus aisé de le distinguer.


Le web comme banc test

Google se vante aussi d'avoir pu tester son navigateur sur des millions de pages, et pour cause, il est bien placé pour y avoir accès. Mais le moteur a porté ses tests en priorité sur ces sites qui forment le plus gros des visites à travers le monde (Chrome sera lancé dans 100 pays).

Son comportement sera affiné au fil du temps avec les autres sites. On a connu ça également avec Safari dont la capacité de rendu des pages Web s'est améliorée au fil de ses itérations

Google va également mettre à profit Gears (voir l'article Google rend Gears compatible Safari) un système qui permet de travailler avec des applications web même sans connexion Internet active.

L'onglet devient roi

Dans Chrome les onglets qui ont pris le pouvoir. Ils s'affichent donc au sommet du navigateur. Et l'on retrouvera cette possibilité, déjà offerte par Safari, de détacher un onglet pour générer une nouvelle fenêtre séparée.

Firefox 3 a sa barre d'adresses intelligente, Chrome a son "Omnibox" qui en reprend largement le principe - Google souligne qu'en plus du WebKit il a aussi fait son marché chez Mozilla. Le champ de saisie des adresses et celui du moteur de recherche ne font plus qu'un. L'historique de navigation et la collection de signets y seront également affichés lors de la saisie de mots clefs.

Ensuite des raccourcis vont donner un accès plus rapide à certains sites. En tapant par exemple "a" puis la touche de tabulation et des mots clefs on lancera immédiatement une requête sur Amazon. La fonction d'autocomplétion des adresses a été également revue dans son interface pour être plus lisible et plus discrète que celle des concurrents


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Plutôt qu'une page donnée ou une page vide, l'ouverture d'un nouvel onglet pourra afficher les vignettes de vos neuf sites les plus souvent visités. Et, dans une colonne adjacente, les sites sur lesquels vous allez régulièrement effectuer des recherches, les noms des onglets récemment fermés et les signets récemment enregistrés. Un mode privé est intégré, comme dans Safari, qui efface les traces de vos sorties sur le web.

Enfin, les fenêtres pop up seront tenues de rester dans un onglet et interdites d'affichage dans une fenêtre externe. Reste que l'on pourra détacher ces onglets lorsque le pop-up contient par exemple un lecteur multimédia.

Du neuf sur le JavaScript

La capacité à accélérer les performances des moteurs JavaScript est devenue un enjeu majeur chez les fabricants de navigateurs. Chacun tente, à coups de millisecondes gagnées ici et là, de réduire le temps d'exécution de tous ces scripts qui se cachent derrière les applications web (voir l'article Firefox 3.1 sera plus rapide en JavaScript).

Google a développé sa propre solution, V8, issue de travaux menés par une équipe du même nom au Danemark. Il s'agit d'une machine JavaScript virtuelle. Ce faisant elle n'est liée à aucun système d'exploitation et peut être utilisée en l'état sur chacun.

Ses concepteurs ont réduit la durée du processus nécessaire à l'exécution de codes JavaScript, accélérant ainsi les performances. Au final, outre une vitesse accrue le comportement des applications web serait aussi plus fluide. Et ce V8 sera également disponible à qui veut l'utiliser pour ses propres développements.


Des listes noires tenues à jour

Pour éviter que des applications malicieuses, récupérées au travers de sites web, n'agissent dans votre dos, Google va utiliser le principe du bac à sable. Chaque script sera confiné dans un espace d'exécution et verra ses droits en lecture et écriture sur le disque dur supprimés. Et la fermeture de l'onglet le contenant supprimera cette tâche et stoppera son exécution.

Les plug-ins, de par leur fonctionnement, échappent toutefois à ce contrôle. Ici Google s'en remet à leurs développeurs en les invitant à amener quelques modifications afin que ces composants ne disposent pas de droits supérieurs à ceux que le navigateur est supposé leur attribuer.

Google a néanmoins trouvé un moyen pour placer le plug-in dans un espace dédié, indépendant de celui de sa page web. Toujours dans le but de cloisonner les processus et d'éviter que le mauvais comportement de l'un ne déstabilise tous les autres.

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Enfin, pour s'attaquer à ces différents types de nuisances (malware, site de phishing, etc.) Chrome ira consulter en permanence des listes noires tenues à jour aussi souvent que possible. Google part du constat que certains sites fabriqués de toutes pièces pour tromper des utilisateurs ne sont mis en ligne que l'espace de quelques jours sinon de quelques heures. Et qu'il faut effectuer une surveillance permanente pour s'en prémunir.
avatar Philactere | 
@james85 Je suis entièrement d'accord avec toi. J'ajouterais que cette bataille des navigateurs, Microsoft après avoir dédaigné le web (aucun intérêt et pas d'avenir) l'avait sentie en lancant IE4 pour contrer NS4 se rendant compte finalement de l'intérêt de "contrôler" l'accès au contenu web. Là où c'est intéressant c'est que MS malgré cette prise de concience n'a pas pu avoir l'emprise qu'elle désirait sur le web, et ce malgré une part des navigateurs qui à bien du frôler les 85%-90% à une époque. En gros MS a imposé l'outil pour naviguer mais n'a eu aucune prise sur le contenu, même son moteur de recherche malgré une redirection automatique à une certaine époque vers lui lors d'une erreur 404 n'a pas marché. A l'inverse Google qui a démaré par un moteur de recherche hyper convivial s'est peut à peut étendu sur le contenu et le service en ligne (mail, stockage, calendrier, etc.) sans se soucier du moyen d'accès (le navigateur) du moment qu'on consomme du google à la louche les sous-sous de la pub rentrent, point barre.
avatar Philactere | 
SUITE.. Maintenant que google a capté les utilisateurs il peut leur proposer le navigateur avec probablement plein de facilités pour utiliser ses services en ligne, et là la boucle est bouclée. Je consomme du service google en y accedant avec google chrome parce que c'est pratique. Deux avantages pour google : attirer encore plus d'utilisateurs sur ses services grace à son navigateur optimisé pour y accéder et peut être bien collecter des tas d'infos des utilisateurs via son navigateur. Aujourd'hui doubleclick (et d'autres) s'occupe de tisser un maximum de liens sur la navigation d'une personne grace à des cookies et le recoupement de ceux-ci afin d'enrichir sa "connaissance" des internautes affin de la commercialiser. Demain google ne pourait même plus avoir besoins de cookies si son navigateur installé chez l'enternaute lui sert de mouchard. C'est de la parano mais c'est tout à fait dans l'ordre du possible. Un ciblage parfait des habitudes de chacun de ses fidèles clients prendra une valeur commerciale inestimable. Google n'a pas pondu ce navigateur par philanthropie, il compte probablement en faire quelque chose et ce quelque ça s'appelle de l'argent. Si plus d'argent rentre dans les poches de google c'est qu'il sort d'autres poches... Intérogez-vous sur ces poches.
avatar earchide | 
perso, je l'ai installé sur mon PC de bureau. Il est vraiment hyper rapide ! javascript ou pas. Vivement que Safari récupère le moteur V8. Il affiche même mon site iWeb dont FF3 ne voulait plus ! Par contre, pas d'extensions, donc pas de FireFTP de skins ou de CoolIris dont je ne peut plus me passer sur FF3. Il refuse aussi la connection aux sites sécurisés en SSL/VPN. C'est chiant, il n'y a que IE7 qui les gère bien (souvent, il s'agit d'intranet d'entreprises). Mais bon, c'est un bon début. en plus, il se lance très rapidement, alors que FF3 s'est très alourdi au démarrage...

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