Reason 2.5

La redaction |
Reason arrive en version 2.5, une mise à jour intermédiaire gratuite pour les possesseurs enregistrés du studio numérique des Suédois de Propellerhead. La version 2.0 apportait un joli lot de changements (une vraie gestion des fenêtres, un nouveau module de synthèse, un lecteur de samples bien plus performant, une banque de sons d'orchestre, et, forcément, le support de Mac OS X). Dés lors, on imaginait les heureux possesseurs du logiciel entrer dans une période raisonnable d'attente pour dépouiller ses moindres recoins. Que nenni. À peine le temps de digérer cette seconde mouture, de comparer la taille de ses banques de sons AKAI transformés en sound font via CD Xtract 4 avec ses meilleurs amis, de malmener l'indispensable Malström, de pousser à bout son CPU avec des branchements improbables entre chaque module qu'apparaît au bout de la rue cette mise à jour pleine de nouvelles promesses. Propellerhead allait-il encore nous gâter? Allait-il convaincre les derniers bastions de résistance que leur soft est réellement indispensable à tout sound designer qui se respecte, ou à tout profane qui veut construire en dix minutes le tube du prochain été? Les questions ont dû fuser avant de lire la liste des nouveautés: une nouvelle réverbe, un module de distorsion, un vocoder, et trois petits modules légèrement en retrait par rapport au reste (quoique). Point de gros bouleversements donc, mais un supplément de sons en perspective.


Ce que notre Reason n'ignore plus


Avant d'entrer dans cette liste de nouveautés, un petit rappel sur ce qu'est Reason. Il s'adresse autant aux musiciens confirmés qu'aux débutants. Pour les premiers, il sera une suite supplémentaire de modules montés en rack (avec un effet saisissant de réalisme), pour préparer des maquettes instrumentales pratiquement définitives ou accompagner via Rewire des logiciels bien plus puissants tels Digital Performer, Cubase, Logic et récemment Pro-Tools, en leur offrant une suite de synthés, sampleurs ou de loops. Pour les seconds, il ressemblera à un outil de rêve, tant sa facilité d'utilisation liée aux nombreux samples et loops fournis donne en moins de dix minutes le sentiment de pouvoir gouverner le monde de la musique, de se sentir l'âme d'un futur compositeur de tubes. On y trouve six modules d'instruments (deux synthés, deux lecteurs d'échantillons, un lecteur de loops, une boîte à rythmes), douze modules d'effets (réverbes, delay, compression distorsion, vocoder, equalisation...), un séquenceur orienté techno, un module de mixage... Cette simple énumération suffirait déjà à en faire saliver plus d'un ; mais ce n'est pas tout : il faut tout de même préciser que Reason fonctionnant sur le principe d'un rack, il n'y a pas d'autre limite à la multiplication des modules que la puissance du CPU et la taille de la RAM. Il est évident que, comme pour toute application musicale professionnelle, un processeur récent est essentiel, et qu'en dessous de 256 Mo de RAM, l'ambition musicale connaîtra rapidement ses limites.


Il est aussi important de préciser que depuis la version 2, le lecteur d'échantillons appelé NN-19 est pratiquement devenu obsolète. Son successeur, le NN-XT, l'emportant haut la main, grâce à sa gestion des niveaux de vélocité, tels les sampleurs disponibles en hardware, et sa fenêtre d'édition remarquablement claire.

  



L'aventure intérieure


A la lecture de cette fameuse liste de nouveauté, d'aucuns pourraient penser qu'il s'agit pour les doués Suédois de rattraper quelques oublis de la version 2, ou de reprendre en vol un projet initial qui aurait consisté à intégrer tout cela bien en amont avant que les délais ne deviennent trop courts. Pourtant, vu le manque de réalisme de la réverbe (RV7) présente en V1 et 2 et le peu de chaleur offert par le module de distorsion (D-11), il aurait été plaisant de trouver ces améliorations dès la précédente mise à jour. Mais Propellerhead a réussi avec Reason, comme précédemment avec Rebirth, à créer une communauté patiente, confiante, qui trouve que le prix du logiciel est vraiment raisonnable par rapport à ses possibilités. Cette même communauté est d'ailleurs désormais organisée en bande sur la toile, avec des spécialistes remarquables (Peff est sans doute le premier de ceux-là) et des utilisateurs efficaces qui à chaque mouvement de bouton sous Substractor ou Malström (les deux modules de synthèse sonore) pensent avoir trouvé le son extraordinaire.


Alors à quoi bon en vouloir plus quand une version 2 est déjà si parfaite ? Propellerhead a anticipé les éventuelles réclamations en sortant cette mise à jour. Tout à coup, la réverbération se rapproche des souhaits du musicien (RV7000), la distorsion n'est plus un simple jouet mais presque un engin de destruction professionnel, et il y a un vocoder, idéal pour imiter Cher... On y est, Reason 2.5 a donc cette utilité. Ouf ! Reste à savoir si à l'usage, ces nouveautés sauront assouvir l'appétit des utilisateurs, ou si elles se borneront à combler le trou entre cette sortie et la version 3.


RV7000, RV7 fois mille ou nom de la prochaine Renault ?


Avec beaucoup de dextérité, le reasonophile pouvait parfois tirer de sa réverbe RV7 quelques jolies mesures. En faisant bien semblant, il arrivait même qu'il fût satisfait du résultat final. Mais nul ne pouvait se mentir trop longtemps : la RV7 est sympathique, mais un peu frustrante. Pour qui aime les sons précis, les espaces définis, Reason était un peu pénible à contrôler. Certes, en passant par le rewire et une application adaptée, on pouvait éventuellement s'en tirer, mais à quel prix... Un des intérêts de Reason, outre sa facilité d'utilisation et ses possibilités immenses pour qui veut travailler bien et vite, réside dans ce rapport qualité-prix exceptionnel.


La RV7 se voit donc mise au placard par une belle RV7000, une réverbe nouvelle, absolument sans rapport avec son ancêtre (les lois de l'évolution), prometteuse sur le papier, prometteuse sur l'écran et ravissante à l'utilisation. Programmable comme tout module Reason, elle bénéficie d'une maturité de réflexion impressionnante. Elle ne rebutera en aucune façon l'habitué des lieux, et facilitera l'accès à un univers pratiquement sans limites au nouveau venu dans la bande.


Sa fenêtre, au design toujours aussi soigné, affiche la forme physique de la réverbe actuellement utilisée. Ses différents boutons donnent l'impression d'être maître de l'infini, maître de l'espace, du delay, de l'équalisation. Elle est tellement plus en adéquation avec le reste du logiciel qu'on pense tout de suite à une erreur de casting en ce qui concerne la RV7.


Dans ses entrailles, on trouve un premier niveau comprenant trois sections (gestion de l'espace réverbéré, gestion de l'équalisation, et gate séparé). La première section, la réverbération de base, est composée de neuf familles (algorithmes) : Small Space, Room, Hall, Arena, Plate, Spring, Echo, Multitap et Reverse. Ces familles offrent ensuite sept possibilités de réglages (taille, forme, modulation, pré-écho...). Le deuxième niveau, l'équalisation, est moins facile à programmer que la réverbération, mais bigrement utile. Le dernier niveau, le gate, comblera d'aise les passionnés de réverbération complexe. Le fait d'avoir opté pour un gate externe permettra à quiconque d'ajouter l'effet sur n'importe quelle réverbe.


Quel que soit son niveau, cette réverbe offre de nombreuses possibilités, et si, évidemment, elle n'atteint pas les performances des réverbes hardware ou de certains plug-ins, elle reste néanmoins bien utile et tellement plus enthousiasmante que la RV7. Propellerhead offre par ailleurs la possibilité de sauvegarder ses réglages pour d'éventuelles utilisations postérieures.



Scream 4, du buzz contrôlable


Voici un outil qui ravira encore les musiciens exigeants, ceux-là mêmes qui pouvaient reprocher à Reason un son froid, tellement reconnaissable au premier abord, qui passaient un temps incroyable à creuser, torturer leur logiciel pour en faire ressortir l'ambiance qu'ils souhaitaient. La Scream4, module de distorsion en trois parties, répondra un peu mieux à ces exigences soniques. Mais pas seulement. Comme tout système de nuisance qui se respecte, Scream4 crée également des traumatismes redoutables sur le moindre son. Les amis de la propreté vont devoir déménager.


L'interface très claire laisse apparaître d'emblée les trois parties du module. Un lot de dix familles différentes de distorsions (overdrive, fuzz, tube, tape...), avec deux boutons de réglages par famille pour un meilleur contrôle de l'effet, et un bouton pour gérer le niveau de sortie de la distorsion choisie. Au centre du module, un équaliseur trois bandes, reprenant les classiques réglages de fréquences (basses, medium, hautes). À droite, la salle de gym, pour parfaire le son et lui donner encore plus de puissance. Propellerhead a simplement appelé cette partie le "body", tout un programme.


Là encore, le module D-11 ne va plus servir à grand chose. Du plus subtil effet de saturation permettant au son de trouver si ce n'est une âme, au moins un second souffle, à la complète construction d'un mur de distorsion quasiment inaudible, Scream4 détruit et construit à la guise du musicien. Il est extrêmement simple, et laisse penser à une infinité de possibilités sonores en début ou en fin de rack. Lui aussi se voit doté de la possibilité de sauvegarder ses nuisances préférées. Reste à savoir si sa présence touchera tout le monde. N'y avait-il pas d'autres urgences avant de réaliser un tel objet ?



Un vocoder dans la marmite


Ces derniers temps, le vocoder a retrouvé une utilité. Surutilisé dans le rnb ou la variété de tout bord, il est indiscutablement revenu sur le devant de la scène. Et pas toujours à bon escient malheureusement. Que celui qui n'a pas demandé à son ingé son de lui faire une voix à la Cher lève le doigt parmi les plus récents chanteurs. Très grossièrement, le vocoder est cet effet qui fait passer la voix du chanteur pour celle d'un robot. Heureusement, il ne sert pas qu'à ça. Particulièrement utile à la fin des 70's et pendant les années 80 pour la création de textures synthétiques ou de sons rythmiques improbables, le vocoder a servi tous les styles de musique. Il semblerait qu'après une traversée du désert, son utilité soit de nouveau de mise. Ceci explique donc pourquoi Reason 2.5 l'ajoute dans son panier déjà bien garni.


Son nom de code: BV-512. Presque un nom de bombardier. Étrange quand on découvre la finesse du module. Double module en l'occurrence. Car derrière la façade vocoder se présente un équaliseur.

D'entrée, il faut admettre que le vocoder ne sera sans doute pas la priorité du néophyte. Il faut un certain courage pour utiliser l'outil confortablement et opportunément. Même si une nouvelle fois Propellerhead permet un accès simplifié à cet effet, il reste néanmoins un mur à franchir, celui des boutons situés sur la droite, comprenant les réglages d'attaque, de profondeur... du signal sonore. Pas aussi évident que cela finalement.


Ici, nulle possibilité de s'emparer d'un micro pour trafiquer sa dernière mélodie, il s'agit de mélanger des modules entre eux (une loop et un synthé par exemple), reste ensuite à trouver la fréquence la plus adéquat à l'aide de l'équaliseur 4, 8 16, 32 ou 512 bandes pour peaufiner l'effet. Pour ajouter un vocoder sur une voix, le mieux est d'importer une série de séquences vocales dans NN-XT.


C'est un module très sympathique, mais qui ne parvient pas à recréer cette ambiance si particulière au vocoder en version hardware. Il lui manque inévitablement la chaleur de l'analogique, malgré tous les efforts réalisés par Propellerhead. Ceci n'est bien entendu pas une raison suffisante pour se passer d'un tel enrichissement, mais cela en limite considérablement la portée.


Choisir la formule équaliseur permettra des réglages plus fins qu'avec l'effet fourni dans les versions 1 et 2 (PEQ-2) qui n'offraient la gestion que de deux fréquences par module. Mais, une nouvelle fois, il va falloir faire preuve de courage. En effet, Propellerhead n'a visiblement pas jugé opportun d'afficher la fréquence correspondant à chaque bande. C'est donc avec le vague souvenir de la face avant d'un équaliseur hardware qu'il faudra régler le BV-512. Opération de mémoire délicate, mais réalisable si on a eu la chance de croiser à plusieurs reprises un effet aussi important. On pourra cependant regretter un tel oubli et espérer une mise à jour prochaine du soft pour utiliser librement et pleinement ce module.

Un dernier regret, l'impossibilité de sauvegarder les réglages effectués. Une fois encore, il sera nécessaire de passer par la copie du module pour retrouver ses réglages dans un autre morceau. Rageant quand on voit la facilité que cela procure aux effets sus décrits.



Spiders et Unison, en attendant la suite


Trois petits modules à l'allure similaire aux effets classiques de Reason viennent conclure la liste des nouveautés principales de cette mise à jour. Unison est le premier d'entre eux. Il ne paie pas de mine mais son principe est extrêmement attrayant puisqu'il consiste à multiplier par 4, 8 ou 16 le son initial en le désaccordant légèrement. Ce qui donne in fine un son globalement plus épais, plus large et parfois inattendu. À tel point que ce petit module devient un partenaire souvent indispensable pour des sons de subtractor (le synthé première génération de Reason) quelque peu impersonnels ou fades. À découvrir.


Les deux derniers effets sont réellement particuliers et ne trouveront leur bonheur qu'entre les mains d'un habitué des racks et du monde synthétique. Les Spiders permettent de mélanger ou de scinder en plusieurs morceaux un son ou des contrôleurs du type Matrix (le séquenceur de boucles interne). Il n'offre aucun réglage en façade, mais différentes possibilités de branchements au dos. Plutôt utile pour regrouper des effets avant de les envoyer au mixage final sur une ou deux voies.


Ces trois modules ne sont pas à prendre à la légère pour les habitués de la construction de racks compliqués dans Reason, ou pour les amateurs de sons analogiques marqués (Unison).



Conclusion


Reason est un phénomène, principalement grâce à ses facilités d'accès, cet incroyable monde de programmation midi sur quasiment tous les réglages de module, cette liberté offerte dès son ouverture, cette immense force créative qu'il procure. Il peut être à la fois le logiciel qui servira au non-musicien à se faire passer pour un génie, mais aussi celui qui comblera le technicien passionné lorsqu'il s'agira de fouiller dans les méandres du logiciel (touche de tabulation pour atteindre le dos et l'univers impitoyable d'un rack presque aussi vrai que nature). Résumer ses possibilités est de plus en plus délicat. Cette mise à jour intermédiaire apporte un surplus d'intérêt, et de possibilités sonores. Propellerhead a su une nouvelle fois ravir ses fans en les surprenant, en leur permettant d'aller encore plus loin dans leur création. Plus qu'un succès commercial et technologique, Reason est en passe de devenir une institution.


On regrettera cependant quelques manques, pardonnables lorsqu'on sait qu'il ne s'agit que d'une deuxième mouture révisée, mais tellement frustrants vu la qualité actuelle du logiciel. La liste des requêtes à adresser au père noël suédois est longue, mais on peut déjà citer l'indispensable gestion midi des mesures, du tempo, le mixage par groupes, un compresseur-limiteur plus pointu, un delay encore plus puissant... et pourquoi pas un jour, une partie audio pour définitivement entrer dans la restreinte famille des cubase, DP, logic, etc.


Reason est un tout-en-un, et s'il s'agit d'un bienfait a priori, cela devient un gros inconvénient lorsque l'on souhaite étendre les possibilités du logiciel sans avoir à se torturer les méninges pour y parvenir en mélangeant quelques modules. Il n'a pas la force des séquenceurs classiques qui se composent d'une foule de plug-ins, développant en passant la concurrence, et donc l'émulation nécessaire à la conception d'effets professionnels haut de gamme.


Reason est tellement proche de la perfection que jouer les difficiles devient du même coup quelque peu grossier, mais n'a-t-on pas le droit d'exiger mieux d'une équipe qui sait tellement bien y faire ? Si, catégoriquement, si !

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