Labo de After Effects 6.0

La redaction |
Premiere est mort (sur Mac)... Vive After Effects ! Si le logiciel de montage d'Adobe n'a pas survécu à la rude concurrence du Final Cut d'Apple, son autre produit-phare destiné au marché de la vidéo continue à jouir d'une très bonne place sur nos machines. Clairement, After Effects est l'un des outils de compositing le plus apprécié et employé ces dernières années, le tout grâce à une formule efficace : simplicité d'emploi et puissance. Toutefois, comme pour d'autres logiciels produits par la société de San Jose, le passage à Mac OS X ne s'est pas fait sans couacs, même si beaucoup s'accordent sur le fait qu'After Effects est sans doute celui qui a le moins souffert de la conversion, tant au niveau de la stabilité que des performances.

After Effects en est désormais à sa sixième mouture. Voyons-voir si le spécialiste de la post-production nous propose ici une évolution digne d'intérêt...


Au rang des nouveautés

Au premier lancement du logiciel, rien ne choque, si ce n'est l'écran d'accueil qui est traditionnellement revisité lors de chaque mise à jour majeure. Une fois le chargement fini, pas de dépaysement : on est bien dans After Effects, et toutes les palettes ou fenêtres habituelles apparaissent. On a presque envie de penser que rien n'a changé. Néanmoins, ce n'est qu'une impression car de nombreuses nouveautés se tapissent dans les profondeurs du programme. Une des toutes premières que vante Adobe dans son manuel, est une meilleure intégration avec les autres logiciels de l'éditeur, notamment Photoshop et Illustrator. Par exemple, les guides sont conservés lorsqu'on importe un fichier PSD en tant que Composition ; les calques Texte sont également conservés en tant que tel, et peuvent être édités directement dans After Effects. On notera également un meilleur support des fichiers Illustrator et, cerise sur le gâteau : on peut désormais appliquer des filtres et effets directement sur un calque "condensé" (pixellisé en continu).



En termes de performances brutes, Adobe a fait quelques efforts appréciables. Le rendu est plus rapide (un peu), et pour les amateurs de 3D, l'utilisation d'un moteur OpenGL est la bienvenue : on manipule beaucoup plus facilement (au point de vue de la réactivité) les calques dans les trois dimensions. En fonction de la carte graphique dont on dispose, la prévisualisation en temps réel sera plus ou moins rapide. Avec une Radeon 9000 Pro (64 Mo VRAM), la fluidité d'exécution reste honnête ; mais plus il y a de sources de lumière et de calques 3D, plus After Effects peine à suivre la cadence, c'est évident. Mais le gain de réactivité par rapport à la version 5.5 est réel et l'on ne peut que le saluer.



Une fonction qui était sans doute attendue depuis des lustres vient enfin de faire son apparition : la gestion dynamique du texte. En effet, pour créer du texte dans une composition, il fallait autrefois passer par un filtre en ayant pris soin au préalable de créer un solide ; d'autres techniques consistaient à préparer à l'avance le texte dans un calque depuis Photoshop ou Illustrator. Ce n'était pas la mer à boire, mais dès qu'une correction était nécessaire, on devait retraverser tout un processus pas toujours très souple, et pas toujours très précis. Désormais, on peut écrire du texte directement sur la composition, ce dernier se transformant en calque texte après validation. Une nouvelle palette Caractère accompagne donc ce nouvel outil, et l'on peut modifier en un clin d'oeil la taille, le crénage, l'interlignage ou encore les échelles horizontale et verticale, etc. On peut même créer des blocs texte en faisant un clic maintenu et en déplaçant la souris, comme si l'on traçait un rectangle de sélection. Ce nouvel outil fait gagner un temps précieux et il n'est plus nécessaire de "switcher" entre les divers logiciels, sauf dans des cas très spécifiques où seul le savoir-faire d'un Illustrator pourrait permettre d'obtenir le rendu idéal. Un vrai régal, si ce n'est que la réactivité du texte (lors de l'écriture) n'est pas toujours très bonne... Autre bémol : si l'on travaille en quart de résolution - c'est parfois nécessaire sur de gros projets ou lorsque le Mac se traîne un peu - le texte reste dans cette résolution même si on l'édite ! Difficile de lire ce qu'on écrit dans ces conditions, si le texte n'a pas un corps très élevé... On repassera donc en résolution intégrale pour l'occasion.

Les effets ne sont pas en reste, puisque Adobe propose 16 nouveaux modules, dont un des plus intéressants est dans aucun doute le fameux Fluidité, tout droit issu de Photoshop. Non seulement, on peut déformer l'image, mais ces changements peuvent être animés dans le temps, grâce aux images-clé ! Ce qui signifie, tout simplement, que vous pouvez réaliser très simplement des effets tels que le nez d'un personnage qui s'allonge, tandis que celui-ci observe avec étonnement son appendice nasal en train de s'agrandir... Impressionnant ! L'effet Griffonnage, quant à lui, pourra se révéler utile pour toute personne désireuse de rendre des effets de gribouillis animés, que ce soit en fond ou en bordure ; un filtre Poussière & rayures permet, comme son nom l'indique, de réduire les aspérités d'un film en jonglant avec le seuil et son rayon d'action.



Côté masque, l'ergonomie a été fortement améliorée. Il est possible désormais d'éditer un masque directement sur la composition, sans devoir entrer dans le calque. De nouvelles fonctions telles que le Tracé automatique permettent de convertir une couche alpha en masque vectoriel, tandis que l'option RotoBézier propose une assistance au détourage, un peu à la manière de la Plume automatique sous Photoshop. Cette dernière est d'ailleurs un peu bizarre à manipuler au premier abord.

Ce n'est pas fini. La version 6 introduit un autre outil majeur : la Peinture. Oui, on peut peindre sur un métrage, que ce soit image par image ou en utilisant de la peinture 'vectorielle'. Il est même possible d'utiliser le Tampon, et c'est là que cela devient vraiment intéressant, car on peut ainsi faire disparaître câbles, micros, ou tout autre élément gênant d'une vidéo en clonant tout simplement une autre portion de l'image, comme dans Photoshop. Autrefois, il était nécessaire d'utiliser des logiciels tels que Commotion, voire d'exporter le film en suite d'images Photoshop qu'il fallait retoucher une à une. Bien sûr, la Peinture a de nombreuses autres applications, et l'on peut animer son trait image par image, par exemple. Les tablettes graphiques sont reconnues par le logiciel, et il est possible d'utiliser la pression du stylet pour nuancer son trait en épaisseur, en opacité ou encore en angle...


A l'utilisation...

La "simplicité" d'emploi d'After Effects n'a pas disparu. Bien entendu, elle est relative, en fonction des projets que l'on souhaite réaliser ou du niveau de maîtrise des multiples fonctions que l'on possède. Beaucoup s'accordent à qualifier After Effects de "logiciel compliqué"... C'est vrai et faux à la fois : vrai car il regorge de fonctions et un certain nombre requiert une connaissance assez poussée des techniques de compositing, faux car l'esprit Adobe est derrière et l'ensemble répond malgré tout à une certaine logique qui n'est finalement pas si complexe à saisir. Dans un autre registre, Flash semble bien plus déroutant dans sa manière de gérer les images-clé, quoique les utilisateurs de ce logiciel ne seront pas forcément d'accord avec cet argument. De toute façon, ce sont deux programmes totalement différents, bien qu'ils puissent à certaines occasions marcher la main dans la main.



L'intégration avec les autres logiciels Adobe est excellente (voir plus haut) et un fichier Photoshop s'importe en un tour de main, que ce soit en tant que Composition ou en tant que Métrage. Pour le graphiste désireux de passer à l'animation, After Effects est du pain béni : de nombreux génériques sont réalisés grâce à lui, et ses capacités sont très prisées du cinéma et de la télévision dans divers registres, notamment les habillages de chaînes ou encore les effets spéciaux. Il a définitivement sa place parmi les outils de post-production les plus appréciés. De plus, il est capable de tourner sur des configurations de base et se comportera très bien, tant que le projet n'utilise pas de ressources que la machine n'est pas capable de traiter de façon optimale. En résolution DV, la réactivité est très bonne, du moment que l'on n'empile pas trop de calques bourrés d'effets consommateurs de puissance, tels que le Flou radial.

Si l'on se réjouit des nouvelles fonctions apportées par cette nouvelle mouture, il faut accepter d'autre part un espace de travail plus encombré. En effet, les version précédentes étaient plutôt peu fournies en palettes, ce qui permettait de garder un écran assez clair et dégagé. Désormais, il faudra compter avec les palettes Peinture et Caractère, sans oublier la fenêtre des Effets que l'on laisse volontiers affichée pour modifier les réglages d'un filtre sur un calque. Ce problème se résorbe avec des écrans de grande taille, et n'existe pas vraiment sur les configurations à deux écrans ; néanmoins, tout le monde n'a pas la bourse pour jouir d'un tel confort de travail, et même un petit indépendant peut se retrouver coincé sur un 17 pouces.

Quelques petits détails ont été légèrement modifiés, notamment en ce qui concerne la gestion des Solides. Désormais, ils sont stockés dans la fenêtre du projet, au même titre que les autres Métrages. Pour une utilisation banale, ce changement n'apporte pas grand chose. Par contre, il peut s'avérer très utile pour travailler avec des fichiers en haute résolution : comme n'importe quel autre métrage, sa source peut-être remplacée, ce qui veut dire qu'on peut réaliser une animation avec un Solide, pour ensuite le remplacer par l'image haute-résolution requise pour le rendu définitif. Cela peut s'avérer encore plus efficace que d'utiliser des doublures en basse-résolution.



L'annulation multiple était déjà disponible, mais elle s'enrichit dorénavant d'un Historique, ce qui permet de remonter d'un seul clic plusieurs opérations en arrière. C'est un gros soulagement, car cela devenait parfois fatiguant de presser successivement Pomme-Z pour revenir au stade désiré. Il suffit, comme auparavant, de déterminer le nombre d'annulations maximum dans les Préférences, et le tour est joué.

Testé avec un magnétoscope DVCAM Sony connecté au Mac par le port FireWire, After Effects s'est très bien comporté et la prévisualisation est impeccable sur le petit écran LCD de l'appareil. Si vous disposez d'un tel outil ou d'une caméra DV compatible FireWire en entrée et en sortie, vous pouvez vous en servir comme relais vers un moniteur, à moindre frais (puisqu'il ne faut pas acheter de carte dédiée). Cela peut être très pratique pour réaliser rapidement une amorce personnalisée, ou pour l'insertion de logos/jingles entre différents clips sur une bande, si on n'a pas le temps de tout exporter vers un logiciel de montage.

L'exportation par le biais de la File d'attente de rendu s'est un peu étoffée de quelques pré-réglages, notamment plusieurs configurations DV (NTSC et PAL). Ce n'est pas une grande avancée (il suffisait de créer soi-même son réglage), mais elle consacre encore plus le DV comme faisant partie des formats les plus utilisés actuellement. Par ailleurs, il se pouvait parfois qu'un amateur éclairé se trompe sur un détail spécifique, par exemple dans l'ordre des trames (inférieure en premier pour le DV). Plus aucun souci désormais pour exporter rapidement vers ce format. Dans ce sens, After Effects est plus que jamais un compagnon idéal pour Final Cut (Pro ou Express) ; par ailleurs, beaucoup de plug-ins sont compatibles pour ces deux logiciels, sans devoir acheter de version spécifique.

Le rendu définitif gagne un peu en vélocité (en tout cas, il semble bien), et il n'a fallu "que" 24 minutes et 42 secondes pour compiler 10 secondes d'une composition contenant une source lumineuse et 6 calques en 3D avec projection d'ombre, dont trois sont des compositions contenant textes, incrustations et vidéos redimensionnées, le tout sur un Power Mac G4 bi-processeur à 1 Ghz, avec 512 Mo de RAM. Cela semble long pour l'utilisateur non averti, mais c'est un score tout à fait honorable compte tenu de la résolution et des effets appliqués. Néanmoins, soyons vraiment honnêtes, le moteur pourrait être encore un peu mieux optimisé. Dans la même catégorie, Combustion de Discreet se débrouille mieux.

La version 5.5 contenait quelques bugs d'interface assez agaçants, et si beaucoup ont disparu dans cette nouvelle mouture, il en subsiste encore quelques-uns. Notamment, l'échange de projets entre Mac et PC ne se fait pas toujours sans heurts : les valeurs ASCII n'étant pas les mêmes pour chaque caractère sur les deux plate-formes, on se retrouve souvent avec des noms de métrages modifiés (un "é" minuscule devient "É"). Cela peut sembler anodin, mais dès lors, After Effects perd tout lien avec les fichiers et l'on est parti pour un bout de temps à rejoindre métrages et fichiers sources, car le bougre ose même modifier les noms des calques des fichiers Photoshop ! Il est donc très utile d'éviter les caractères spéciaux et les accentués lors d'un travail multi-plate-forme, et si possible nommer ses fichiers en anglais pour plus de sécurité. Moins grave cette fois-ci, quelques erreurs de traduction se glissent ça et là à travers le logiciel.


En conclusion

Malgré quelques petits couacs assez mineurs, la version 6 d'After Effects reste tout à fait enthousiasmante. Elle gagne en fonctionnalités majeures (Fluidité, Peinture) et voit son efficacité accrue grâce au support d'OpenGL, notamment. L'optimisation des outils de texte consiste également une très grande avancée, et confirme que ce logiciel est un peu le couteau suisse de la vidéo, tant les possibilités offertes sont nombreuses et puissantes. Son prix le réserve plutôt aux professionnels de la vidéo, mais si votre budget le permet et que vous êtes sérieusement motivé pour vous lancer dans le compositing, cette offre est tout à fait digne d'intérêt. A noter qu'il existe une version "Professional" d'After Effects (ex-Pro Bundle), plus onéreuse, mais qui offre en prime le travail sur couches en 16 bits, et des effets supplémentaires tels que la Détection de mouvements (Motion Tracking).

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